Vie de famille
Élever ses enfants loin de sa famille
On peut partir vivre loin des siens pour de nombreuses raisons et l’assumer pleinement, mais quand on a des enfants, la distance est parfois plus difficile à gérer.
Un jour, en voyant le visage vieillissant de mon frère et de ma mère à l’écran de mon ordi, j’ai pris conscience de tous les soupers de famille qu’on n’a pas eus, des petits bonheurs quotidiens jamais vécus et aussi du fait qu’ils n’ont pas vu grandir mes enfants, ou si peu. Ça m’a bouleversée.
Pourtant, depuis plus de 20 ans, je vis avec sérénité, loin de ma terre natale. Mon amie Élodie s’est souvent demandé comment je faisais pour élever mes enfants sans ma famille: «J’en serais incapable! m’a-t-elle confié.
Ne plus voir ma soeur, priver mes petits de leurs grandsparents, me sentir isolée en cas de problème... Ce serait au-dessus de mes forces!»
C’est vrai qu’en élevant mes enfants loin des miens, j’ai dû apprendre à me débrouiller. Comme je l’ai fait par choix et non par obligation, c’était sans doute plus facile. L’envie de tisser des liens l’a vite emporté sur la nostalgie d’avoir laissé des êtres chers derrière moi. Un jour, sans raison particulière, la silhouette que je croisais à l’occasion dans la rue s’est métamorphosée en voisine attentionnée prête à garder mes enfants le temps d’un saut à l’épicerie. Après mon accouchement, lorsque Danielle a sonné à la porte de chez moi avec une pile de plats préparés, j’ai compris, touchée, qu’elle ne serait plus seulement une collègue de travail, mais aussi, et surtout, une amie. Et quand Maryline m’a offert de garder mes enfants une semaine pour que leur père et moi puissions partir en amoureux, j’en ai renversé mon café sur le comptoir!
Des mains qui se tendent, j’ai eu la chance d’en avoir quelques-unes et, lorsqu’elles faisaient défaut, je les ai cherchées pour ne pas perdre l’équilibre et protéger ma santé mentale, indispensable au bien-être familial. Sylvie Leblanc, qui travaille comme animatrice et assistante périnatale au Carrefour familial des Moulins à Terrebonne, croise tous les jours des parents à la recherche d’un réseau social ou d’une famille par procuration. «Après les activités, certains s’échangent leur numéro de téléphone. Des amitiés naissent. C’est un lieu de rencontre important pour les parents et les enfants. Ça les sort de leur isolement.»
Mme Leblanc participe aussi au service des Relevailles qui propose un répit aux parents. Elle va chez eux pour s’occuper des enfants et accomplir, au besoin, quelques tâches ménagères. Des liens se tissent invariablement.
«On se sent accueilli comme un membre de la famille quand on vient les aider. Évidemment, on ne remplace pas une mère, mais on devient comme une soeur ou une deuxième maman dans la vie de ces parents.» Le lien reste plus fragile avec un ami qu’avec un membre de sa famille, mais «au moins, c’est toi qui le choisis!» avoue Annie, une maman expatriée trop heureuse d’avoir installé un océan entre elle et sa belle-mère... un peu trop envahissante!
Vivre loin de ceux qu’on aime n’est jamais facile, quelle que soit la nature de nos liens, familiaux ou amicaux. J’ai vécu dans trois pays différents, et il n’y en aura pas de quatrième.
Mes enfants sont grands et ne veulent plus partir ni revenir en arrière. Mon fils a autant de plaisir à rire avec notre voisin Kassim qui l’accompagne à l’école qu’à discuter avec sa mamie par la caméra de mon ordinateur. Je suis heureuse pour lui, même si je rêve secrètement de l’inverse: mon fils avec ma mère et Kassim derrière la caméra!