Vie de famille
Choisir d’être mère à la maison
Anne Villeneuve Photographe : Anne Villeneuve
Ma copine Catherine et moi nous ressemblons beaucoup. Pourtant, nos quotidiens sont diamétralement opposés: quand nos aînés ont eu un an, je suis retournée au boulot, et elle a démissionné pour se consacrer à sa famille.
Quand je lui demande d'où est venue sa décision, elle me dit que c'était décidé bien avant de devenir mère. «Je n'aurais pas fait d'enfants avec un gars qui n'aurait pas voulu que je reste à la maison. J'ai vu beaucoup de parents qui travaillaient et qui vivaient une course effrénée chaque jour, et je ne voulais pas de ça pour moi et mes petits.»
Un choix qui n'est pas sans sacrifices: le conjoint de Catherine ne fait pas un salaire faramineux, alors le budget familial est réduit au strict minimum. «Oui, l'argent est un souci. On paie nos comptes, les enfants sont nourris et vêtus. Mais quand je visite des familles où les deux parents travaillent, je vois ce que je manque. Cela dit, on vit en fonction du choix qu'on a fait. Chez nous, le matin, on paresse, on va jouer près du ruisseau derrière la maison, on observe les salamandres, tranquillement. On a un rythme de vie au ralenti. Je n'envie pas du tout ceux qui courent vers la garderie.»
La sociologue Annie Cloutier a interviewé plusieurs mères à la maison pour son mémoire de maîtrise, qui a servi de base à l'essai Aimer, materner, jubiler (VLB éditeur), paru au printemps. Elle qui a passé 10 ans à la maison avec ses enfants avait envie de démontrer que cette option méritait autant de valorisation que le modèle de conciliation travail-famille qui prévaut actuellement. «La réalité des mères au foyer n'est représentée nulle part, dit-elle. Décider d'être mère au foyer, c'est un peu décider d'être à l'écart de la société présentement. En faisant ce choix, ces dernières constatent qu'elles n'existent plus. C'est difficile.»
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Pourtant, ce qu'Annie Cloutier a surtout senti chez ces femmes, c'est un sentiment de satisfaction et de fierté. «Ce n'est pas parce qu'elles ne peuvent pas travailler qu'elles restent à la maison. C'est parce que c'est ce qui a le plus de sens à ce moment de leur vie pour elles et leur famille.» Est-ce parce qu'elles pensent que les enfants sont mieux à la maison qu'à la garderie? «C'est souvent une considération, en effet. Ce n'est pas ce que je pense moi-même; moi, je l'ai fait parce que ça ME rendait heureuse.»
C'est exactement ce qui fait que Catherine est en paix avec son choix, malgré son inquiétude au sujet d'un éventuel retour sur le marché du travail, malgré l'isolement qu'elle sent parfois, et malgré le fait que les tapes dans le dos, elle doit se les donner elle-même. «Quand je réussis à faire un pain aux bananes tout en soignant deux enfants malades, je me trouve vraiment bonne! Mais je n'aurai pas de félicitations comme j'en avais au travail à la fin d'un projet. C'est ce que je trouve le plus dur.»
Annie Cloutier croit qu'il y aura toujours environ 20% des femmes qui préféreront rester à la maison, peu importe les mesures de conciliation travail-famille en place. Et si le fait de mieux reconnaître ce choix avait des retombées bénéfiques sur l'ensemble des mères? Si les soins accordés aux enfants étaient aussi valorisés que le fait de rapporter des sous à la maison, est-ce que ça pourrait améliorer les relations homme-femme, rendre le marché du travail plus souple sur les exigences de la vie familiale, encourager plus de parents à opter pour la vie qui correspond réellement à leurs valeurs? «Pour moi, le principe le plus important, c'est que les mères devraient pouvoir faire ce qu'elles veulent faire. Elles devraient être là où elles sont le mieux», dit Annie Cloutier.
Mon amie Catherine et moi, on ne pourrait être plus d'accord.
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