Grossesse
Quand le désir d'enfant met le couple à mal
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Les traitements de fertilité, les demandes d'adoption, puis l'attente. Le désir d'avoir un enfant est un processus long et éprouvant pour le couple.
Pour Annie, avoir un enfant était un désir profond bien ancré dans son cœur depuis sa tendre enfance. «À trois ans, quand on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondais toujours "être une maman". Toujours», se rappelle-t-elle. Quand la vie a tordu son destin, multipliant les embûches vers son rêve, Annie n'a pas baissé les bras. Mais elle était loin de se douter qu'avoir un enfant chamboulerait autant sa vie et son couple.
En 1997, Annie et son conjoint, alors dans la jeune vingtaine, mus par leur désir de fonder une famille, commencent les «essais bébé». Un an plus tard, puisque la nature semble leur jouer des tours, ils consultent leur médecin. Après quelques tests de fertilité, les résultats sont clairs: le conjoint d'Annie a des spermatozoïdes faibles et peu nombreux, et de son côté, elle a la trompe gauche bloquée. En 1999, même après qu'Annie eut fait déboucher sa trompe, bébé se fait toujours attendre. L'année suivante, les mauvaises nouvelles persistent. Le couple procède à trois inséminations, qui se soldent en des échecs cuisants.
Choisir l'adoption et attendre
Constatant les frais de traitements en fertilité plus poussés et le coût des adoptions internationales, le couple décide de se tourner vers l'adoption québécoise. En 2001, Annie et son conjoint s'inscrivent pour l'adoption régulière, et l'année suivante, pour la banque mixte (adoption - famille d'accueil). «En banque mixte, les enfants sont à haut risque d'abandon. Mais on doit concilier avec les visites et la présence des parents biologiques aussi», dit-elle.
Puis, l'attente débute. «Pas une journée ne passait sans que j'y pense. C'était constant.» Pour eux, elle durera trois ans après leur inscription à la banque mixte. Trois ans d'attente sans savoir quand ils pourraient enfin câliner un petit enfant. Sans savoir si ce dernier resterait bien avec eux. «Entre-temps, nous avons eu deux offres... deux déceptions. Une fois, on nous a dit qu'une mère enceinte de quelques mois voulait donner son enfant en adoption après l'accouchement. On a préparé la chambre et vécu cette attente à notre façon. Puis, après lui avoir donné naissance, la mère a changé d'idée et a gardé son bébé. Ça a été un dur coup!» confie Annie.
Après cet épisode, elle a vidé complètement la chambre et a tout jeté aux ordures. «J'avais besoin de purifier l'air. Ensuite, j'ai essayé de me faire croire que je ne voulais plus d'enfant tant les échecs étaient difficiles. Mais mon désir m'a bien vite rattrapée. Les autres essayaient de nous encourager, mais nous ne savions même plus si nous voulions les entendre. Aussi, certains étaient si mal à l'aise qu'ils passaient des remarques comme «Vous n'étiez pas dû!» ou «Il n'y a rien qui arrive pour rien!»
Ils ont dû attendre jusqu'en 2005 pour accueillir leur bébé chez eux. «Et encore là, chaque fois que le téléphone sonnait, mon cœur s'arrêtait. J'avais peur qu'on nous annonce qu'on nous retirait notre enfant», se rappelle Annie.
Une épreuve pour le couple
Pendant ces huit années entrecoupées d'essais et d'attente, de déceptions et de démarches difficiles, Annie et son conjoint se sont «perdus de vue». «Les épreuves ont éteint la magie de l'amour. Nous n'avions plus d'étincelle au fond des yeux. Nous étions une famille, mais nous ne formions plus un couple.» Personne n'encaisse les coups du destin de la même façon. «Moi, tout le long du processus, j'avais besoin de parler, et pour mon conjoint, c'était difficile de le faire. Ce n'était pas évident. Nous étions deux personnes qui vivaient l'épreuve différemment, mais qui devaient aussi la vivre ensemble.» À travers cette évolution toute personnelle, il arrive que l'amour s'effrite.
«Ça faisait un peu plus d'un an que nous avions notre enfant quand nous avons pris la décision de nous séparer. Nous avons vécu un an ensemble, faisant croire que nous formions toujours un couple pour ne pas entraver les démarches d'adoption, qui n'étaient pas encore finalisées. Nous nous sommes informés auprès de l'Association des couples infertiles du Québec et de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) pour finalement apprendre qu'aucun couple avant nous n'avait adopté tout en étant séparé. Finalement, nous avons rendu notre séparation publique. Nous avons pris un risque, car un juge plus strict aurait pu ne pas nous accorder la garde de notre enfant étant donné que nous ne formions plus un couple. Mais heureusement, ça n'a rien changé. En 2008, nous avons finalisé toutes les démarches et sommes devenus le premier couple séparé à avoir adopté avec la DPJ au Québec. Nous ne sommes plus un couple, mais nous resterons toujours une famille.»
Tout un chemin à parcourir pour enfin devenir maman, mais Annie ne regrette rien. Si elle devait recommencer demain, elle le ferait sans hésiter. Se faire appeler «maman» est la plus douce mélodie à son oreille. Surtout quand on a attendu ce moment depuis tant d'années.
Quelles difficultés avez-vous vécues?
En ce qui concerne l'insémination, elles étaient d'abord d'ordre financier. C'est pour cette raison que nous nous sommes tournés vers l'adoption québécoise. L'adoption internationale aussi demande un gros investissement et il y a beaucoup de critères auxquels il faut répondre comme être mariés, avoir un certain montant en actif, être ensemble depuis un certain nombre d'années et même avoir un poids santé. Il faut se savoir capables d'aller jusque-là. Mais si je regarde en arrière, la plus grande difficulté de mes démarches a été la longue et pénible attente.
Comment votre démarche pour avoir un enfant a-t-elle influencé votre relation de couple?
Nous n'avons pas vécu cette expérience de la même façon. Moi, je voulais un enfant à tout prix. Je ne pouvais imaginer ma vie autrement. Quant à mon conjoint, après quelques échecs, il aurait fait sa vie sans enfant.
De plus, les échecs ne sont pas vécus de la même façon dans le couple. N'importe quelle épreuve nous fait cheminer en tant que personne. On change. On se découvre. Et ce n'est pas dit que le chemin parcouru sera le même. Chacun n'est pas prêt à entreprendre les mêmes démarches non plus. L'un peut être prêt pour l'adoption internationale et l'autre mal à l'aise par rapport à cette idée. Il est difficile de concilier tous nos désirs. Il ne faut pas plier pour l'autre, mais on ne peut pas renier ses rêves non plus. L'amour et la communication doivent être très présents pour qu'on puisse passer à travers toutes ces épreuves. C'est là que mon conjoint et moi nous sommes un peu perdus en route.
Votre projet commun vous unit-il toujours? Quelle est votre relation avec votre ex-conjoint?
Nous sommes restés amis. Nous ne voulons pas que notre enfant souffre de la séparation et nous nous sommes entendus pour une garde partagée. J'ai sa garde, mais son père vient le chercher une fin de semaine sur deux et il peut le voir aussi quand il le désire ou lorsque notre enfant s'ennuie de lui.
Avez-vous des regrets d'avoir en quelque sorte «sacrifié» votre couple pour avoir un enfant?
Pour ma part, non. Si nous n'avions pas eu d'enfant, nous ne serions sûrement plus ensemble quand même. Les épreuves nous ont fait évoluer différemment. Nous avons changé tous les deux en tant que personnes. Il faut l'accepter.
Adopter tout en étant séparés, est-ce conciliable? Comment y arrivez-vous?
Oui, c'est faisable! Nous en sommes l'exemple! Une chose est certaine: il faut penser au bien-être de l'enfant avant tout. Que les parents soient ensemble ou séparés, un enfant a toujours besoin d'harmonie et d'amour. Ça ne change pas!
Être maman vous comble-t-il? Souhaitez-vous avoir d'autres enfants?
Je n'ai pas remisé mon rêve de porter un jour un bébé. Qui sait? Mais ce n'est plus indispensable; mon enfant comble le vide. Je me considère déjà comme très chanceuse puisque plusieurs couples ne connaissent même pas ce bonheur.
Lire notre dossier Devenir parent.
Source
Association des couples infertiles du Québec