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Infertilité: Par où commencer?

Infertilité: Par où commencer?

  Photographe : Stocksy

«Arrête d’y penser»; «Partez en vacances»; «La vie t’envoie peut-être un message»... Au-delà des stéréotypes qu'elles sous-entendent, ces phrases briment le moral des couples qui tentent d'avoir un enfant, sans toutefois y arriver. Qui croire et par où commencer quand on désire ardemment tomber enceinte? Voici ce qu'en disent les spécialistes.

 

Depuis plus de 30 ans, la Dre Janet Takefman, psychiatre, rencontre et aide des couples qui font des démarches de procréation médicale assistée. Elle est aujourd’hui directrice des services psychologiques au Centre de la reproduction du CUSM. «Les couples infertiles vivent des montagnes russes d’émotions, dit-elle. Ils se sentent exclus et souvent incompris. Ils traversent une période d’incertitude et ressentent une certaine pression sociale. Souvent, des conflits naissent dans une ambiance teintée d’inquiétude, de tristesse, de frustration... Bref, c’est une crise de vie.»

Pas surprenant que certains couples qui plongent dans les démarches de procréation médicalement assistée (PMA) se séparent: une vaste étude danoise, publiée en 2014, avance que les couples infertiles sont trois fois plus nombreux à se séparer après trois essais ou plus. Isabelle, 39 ans, maman d’Élodie, 12 ans, et d’Étienne, 7 ans, en sait quelque chose: «C’est difficile pour le couple. Tu fais l’amour sur commande, ça devient comme une tâche inscrite à ton agenda. Physiquement et mentalement, les démarches en clinique de fertilité usent... Que tu le veuilles ou non, toute ta vie tourne autour de ça.» Elle prend une pause et ajoute: «Quand j’y repense, c’est à la fois la plus belle et la pire période de ma vie!»

Tombée enceinte rapidement de son premier enfant, Isabelle vit déception sur déception au fil des mois, lorsqu’elle tente d’avoir un deuxième enfant. C’est finalement après six inséminations artificielles, toutes infructueuses, qu’Isabelle et son conjoint se tournent vers la fécondation in vitro. Elle aura son deuxième enfant plus de trois ans après avoir commencé les démarches en PMA. «Je le sais que j’ai été chanceuse, nous confie-t-elle. Je me souviens à quel point le fait d’être enceinte me semblait presque surréel. Je me di- sais: “C’est bien vrai! Je l’ai enfin!”»

 

UN LONG CHEMIN DE CROIX

Le parcours de chaque couple est unique; il se dessine selon le diagnostic des partenaires et le protocole déterminé par les médecins. «Ce qu’il faut savoir, c’est que le traitement de l’infertilité est un long chemin», explique Céline Braun, présidente de l’Association Infertilité Québec, qui compte 4750 membres. «Dès que le diagnostic est posé, un protocole est mis en place. On sait quand le traitement commence... mais on ne sait jamais quand il se termine. Et pendant tout ce temps, les couples doivent être soutenus de la bonne façon; ils doivent faire preuve de résilience.»

On recommandait auparavant aux couples de faire des «essais» pour concevoir pendant un an avant de consulter un médecin spécialiste de l’infertilité: ce n’est plus systématiquement vrai. «Nous conseillons aux couples dont la femme a plus de 35 ans de consulter six mois après le début des essais, souligne la Dre Takefman. Chez les couples dont la partenaire a moins de 35 ans, un an demeure le bon délai.» Pourquoi ne tenir compte que de l’âge des femmes? «Parce qu’on a réalisé à quel point c’est un facteur déterminant», répond la psychiatre.

Valérie en sait quelque chose. Aujourd’hui mère de deux garçons, elle a eu son premier enfant à l’âge de 37 ans. «Mon seul regret, c’est de ne pas avoir consulté avant, nous confie-t-elle. J’ai essayé d’avoir un bébé pendant sept ans sans consulter et sans chercher d'informations ou de conseils. Je considère que j’ai perdu un an de fertilité... Et j’ai compris à un certain moment dans le processus que je n’aurais jamais de troisième enfant.»

 

DES CAUSES MULTIPLES

Les causes de l’infertilité sont multiples: hormones, morphologie, accident, maladies, prise de médicaments, surpoids... La première étape est de consulter pour mieux comprendre la situation. On doit alors dresser le portrait des antécédents médicaux des deux partenaires. Dans 44 % des cas, l’infertilité s’explique par un facteur féminin, et dans 35 % des cas, par un facteur masculin. «S’il s’agit d’une infertilité inexpliquée, cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien à faire et que le couple ne réussira pas à avoir un enfant!» indique la Dre Takefman.

Dans le cas de Valérie, trois fausses couches successives l’ont amenée à consulter. Elle a découvert qu’elle avait des ovaires polykystiques ainsi que des ovules un peu «paresseux». «Ils ne sortaient pas, ils restaient dans la réserve ovarienne, relate-t-elle. Ils avaient besoin d’un petit boost! Avec de la médication, la situation a été corrigée, et je suis tombée enceinte au bout de deux mois.» Valérie a été suivie dans une clinique pour grossesses à risque en raison de son historique de fausses couches. «J’aimerais dire aux couples de consulter pour connaître l’éventail de possibilités, recommande-t-elle. On a pensé pendant longtemps que cela serait très coûteux, et je crois que cela a joué dans notre décision... mais finalement, on avait seulement besoin du petit coup de pouce que nous a donné un médicament!»

C’est lors de la première consultation que les tests seront prescrits: échographie de l’utérus et analyses sanguines pour la femme, puis analyse du sperme pour l’homme. À partir de ces résultats et du portrait général de la reproduction du couple, des traitements seront choisis. Parmi les traitements dits de base, il y a l’hormonothérapie (pour déclencher l’ovulation ou stimuler les ovaires), l’insémination intra-utérine (les spermatozoïdes sont injectés directement dans la cavité utérine) et la laparoscopie (chirurgie minimale pour enlever un fibrome, par exemple). Les traitements peuvent aussi se faire in vitro: par exemple, l’ovule est fécondé en éprouvette, puis une fois que l’embryon est jugé mature, il est réimplanté dans l’utérus. Si l’on détecte des problèmes liés aux ovules (en raison d’une insuffisance ovarienne prématurée) ou aux spermatozoïdes (un nombre peu élevé), on suggère alors aux couples de faire appel aux dons (d’ovule ou de sperme). À noter qu’il est illégal, au Canada, de rémunérer une donneuse d’ovules (elle n’aura par contre pas à payer pour ses traitements ou ses médicaments). Au Québec, il existe trois banques de sperme agréées.

Il y a deux ans, Anne-Marie, 40 ans, a choisi de faire appel à une donneuse. «Une amie a offert de m’aider en me faisant un don, dit-elle. À la clinique d’infertilité où j’étais suivie, on m’a dit que c’était possible et que c’était bien encadré. Mon conjoint et moi y avons bien réfléchi, et même si l’on reconnaissait que c’était un beau geste de sa part, on a choisi une donneuse anonyme.» Anne-Marie a accouché en octobre dernier d’une fillette pétante de santé. «Oui, mon parcours a été long, pénible et coûteux», laisse tomber celle qui a été suivie pendant 10 ans en clinique d’infertilité. «Mais je n’ai aucun regret. Aucun.»

 

CHANGEMENT LÉGISLATIF

En 2010, le gouvernement libéral avait instauré un programme gratuit de procréation médicalement assistée. Cinq ans plus tard, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, abolissait le programme, le qualifiant de «bar ouvert». Depuis ce temps, les couples infertiles ont accès à un crédit d’impôt permettant de récupérer une partie du coût des traitements, selon leurs revenus.

Le gouvernement Legault, entouré d’un groupe d’experts, étudie la possibilité de rétablir la couverture publique du programme. L’Organisation mondiale de la Santé, ainsi que plusieurs pays, considère l’infertilité comme une maladie. Si le Québec faisait de même, les traitements pour venir à bout de ce problème de santé seraient couverts par la Régie de l’assurance maladie, clame l’Association Infertilité Québec.

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