Grossesse
Avortement: faire un choix quand on doute
Choisir de se faire avorter n’est pas un choix facile à faire, et c’est encore plus difficile quand le doute est de la partie. Mais il existe des ressources pour nous aider à prendre une décision.
Lors d'une grossesse imprévue, plusieurs questions surgissent dans la tête des femmes qui peuvent influencer leur décision quant au fait de mener leur grossesse à terme ou non: sommes-nous heureuses d'apprendre la nouvelle ou, au contraire, l'idée d'être mère nous traumatise-t-elle? Avons-nous un partenaire de vie pour nous appuyer dans notre rôle parental? Désirons-nous suspendre nos études ou notre carrière florissante pour un moment? Aurons-nous la capacité financière d'élever un enfant? Avons-nous déjà un ou plusieurs enfants à notre charge? Peu importe ce que sera notre décision, une réflexion s'impose, surtout lorsque notre conjoint ne partage pas le même avis.
Pas de profil type
Nadia Genois, du Centre de santé des femmes de Montréal, remarque que la plupart des femmes qui consultent ont déjà décidé de procéder à l'IVG et qu'elles vivent bien avec leur décision. Par contre, pour d'autres, le processus est plus long et confus. Selon l'intervenante, il est impossible de dresser un portrait type de la femme qui connaîtra une IVG au cours de sa vie. «Il y a des personnes de tout âge, riches ou pauvres, des femmes qui pensaient être ménopausées, des mères de famille, des carriéristes...», dit-elle.
Comment faire un choix éclairé?
Lorsqu'on est submergée par les émotions engendrées par une grossesse surprise, il est essentiel d'en discuter avec son conjoint ou une personne de confiance. Si notre amoureux ne partage pas la même idée que nous concernant l'avortement ou la naissance de l'enfant, il est important de l'inciter à participer à une rencontre en commun auprès d'une professionnelle dans le domaine. CLSC, cliniques privées et centres communautaires offrent des services en la matière.
Avant de procéder aux IVG, la plupart de ces organisations mettent les femmes en relation avec une sexologue, une travailleuse sociale ou une infirmière, qui les aident à valider leur choix et les informent sur l'IVG, lors d'une consultation privée ou semi-privée. «Au cours de ces séances, nous répondons à leurs questions et nous les guidons de manière à ce qu'elles prennent une décision par elles-mêmes, explique une sexologue de la clinique Morgentaler à Montréal. Par la suite, les pères peuvent se joindre à nous. Nous initions alors une réflexion de couple. Nous démystifions, entre autres, le fait que l'avortement rend stérile. L'intervention médicale est, en effet, tout à fait sécuritaire lorsqu'elle est effectuée par des médecins compétents.»
Lors de consultations en bureau privé, Jennifer Pelletier, sexologue clinicienne et psychothérapeute, amène les femmes ou les couples à effectuer un bilan des raisons positives et négatives quant à I'IVG ou à la naissance de l'enfant. «Je les soutiens dans leur prise de décision afin qu'ils tentent de faire le choix qui leur apportera le plus grand bien-être, ou du moins le moins de douleur, dit-elle. Parfois, pour les aider dans leur réflexion, je leur suggère d'aller passer une journée avec une mère et son bébé.»
Le questionnement en cas de doute
Selon le site de la Fédération nationale de l'avortement, les femmes peuvent se poser les questions suivantes afin d'alimenter leur réflexion: que me donne chacune des deux options? Qu'est-ce que je perds dans l'une ou l'autre des situations? Quelles sont les implications sur le plan budgétaire? Comment mes choix concordent-ils avec mes valeurs? etc.
Le délai pour se faire avorter
Toutes les IVG sont maintenant couvertes par la RAMQ, même celles effectuées en cliniques privées. Toutefois, il faut compter un délai moyen de trois semaines pour l'obtention d'un rendez-vous. Bien entendu, il est recommandé de procéder à l'intervention le plus rapidement possible pour minimiser les complications médicales. Après 22 semaines de grossesse, les femmes doivent se rendre aux États-Unis pour se faire avorter. Cependant, la loi ne définit pas un nombre maximum de semaines de grossesse interdisant une IVG.
Les effets secondaires et les risques de l'IVG
Les jours suivant l'avortement, les femmes peuvent avoir des saignements, des crampes et ressentir des sentiments de tristesse, de déprime et de culpabilité. Selon Nadine Genois, seulement de 2 à 3 % des femmes ayant subi une IVG vont connaître des complications médicales, comme une hémorragie ou une infection. Et d'après l'expérience de la sexologue de la clinique Morgentaler, peu de patientes manifestent le besoin de la rencontrer en thérapie, à la suite de l'intervention médicale. «Certaines femmes se disent plutôt très soulagées», dit-elle. D'ailleurs, la plupart des études ont démontré au cours des dernières années que les femmes ayant eu recours à une IVG ne présentent pas davantage de détresse psychologique que l'ensemble de la population féminine.
La vie après deux IVG
Cynthia, 27 ans
Cette jeune maman, enceinte d'un troisième bébé, a subi deux IVG il y a six ans. Et lors des premières semaines de sa grossesse actuelle, elle s'est questionnée de nouveau concernant le désir d'avoir cet enfant. «La première fois que j'ai dû subir une IVG, le condom avait éclaté, raconte la jeune femme.
La deuxième fois, un médecin m'avait mentionné que pendant les quatre semaines suivant mon IVG, je ne devais pas ovuler. Erreur!» Même si la jeune femme aurait préféré éviter de vivre ces expériences, ses deux avortements se sont relativement bien déroulés dans une clinique privée et un centre communautaire pour les femmes. Elle n'a jamais remis en question ses choix de l'époque puisqu'elle a pu compléter ses études universitaires de deuxième cycle. «Les naissances de mes deux filles ont été par la suite planifiées, poursuit-elle. Bien que ma grossesse actuelle soit survenue par accident et que je doive mettre mes projets professionnels en suspens, mon conjoint et moi avons décidé d'avoir cet enfant.»
Une expérience éprouvante
Isabel, 26 ans
Pour cette écrivaine, l'avortement fut un choix difficile à faire. Son conjoint venait de refaire sa vie avec une autre femme. De plus, sa situation financière était précaire. «Je vivais une terrible peine d'amour, se rappelle-t-elle. J'ai pleuré comme une Madeleine au moment où j'ai appris que j'étais enceinte. Au cours des derniers rapports sexuels avec mon ex-conjoint, j'avais toujours utilisé le condom.» Pendant quelques jours, Isabel a été tiraillée face au dilemme de se faire avorter ou pas. «Ma décision a été rationnelle, dit-elle. Je ne voulais pas élever un enfant dans des conditions de vie instables.» Elle ne garde pas un souvenir agréable de son IVG vécue dans un hôpital de la grande région de Montréal. «Le médecin qui a procédé à mon examen gynécologique m'a fait un sermon concernant la contraception, raconte-t-elle. Puis, le technicien à l'échographie m'a demandé si je désirais voir mon bébé!» Malgré tout, Isabel n'a jamais regretté sa décision, et elle espère fonder une famille un jour.
Sans regret ni culpabilité
Martine, 35 ans
Cette mère d'un bébé de neuf mois et d'un garçon de onze ans s'est fait avorter à trois reprises par le passé. Lors de ses deux premières grossesses survenues au début de la vingtaine, il était clair qu'elle ne désirait pas ces enfants. «Je n'avais pas encore un boulot intéressant et ma vie amoureuse était instable, dit-elle avec recul. Je ne me suis pas sentie coupable de me faire avorter, même que j'ai trouvé assez étrange de ne pas ressentir d'émotions.» Puis, à l'âge de 24 ans, elle est tombée enceinte de son fils aîné. «Même si je venais de rencontrer le père de mon futur enfant, nous avons décidé de mener à terme la grossesse, poursuit-elle. J'ai été surprise de découvrir que cette naissance m'a permis de mieux me connaître. Elle m'a aussi procuré beaucoup de maturité. Trois années plus tard, je me suis séparée du père de mon enfant dans un climat de bonne entente.» Martine a rapidement refait sa vie auprès de son conjoint actuel. «Dès nos premiers mois de fréquentation, j'ai connu une quatrième grossesse. Nous avons fait le choix de l'interrompre puisque notre couple en était à ses balbutiements. L'intervention m'a attristée, mais au moins elle nous a permis de constater que nous voulions avoir un enfant ensemble plus tard. C'est seulement après quelques années de vie commune que nous l'avons eu.»
Des ressources
- Fédération nationale de l'avortement
- Centre de santé des femmes de Montréal
- Fédération du Québec pour le planning des naissances
Grossesse non planifiée: que faire? de Robert Darlington, Édition de l'Hôpital Sainte-Justine, 2004, 72 p., 9,95 $