13 ans et plus

Au secours, mon ado vit son premier amour!

Au secours, mon ado vit son premier amour!

Auteur : Coup de Pouce

Ah! les premières amours! Notre ado vit une tornade d’émotions. On est heureuse et inquiète et on ne sait pas trop comment agir? Guide de survie pour parents d’ado amoureux.

«Quand j'ai un chum, je me sens bien, je suis de bonne humeur, dit Catherine, 14 ans. Savoir qu'un garçon m'aime et que je suis spéciale pour lui, c'est très agréable.» Gabriel, 17 ans, en couple depuis six mois, emploie presque les mêmes mots pour décrire le sentiment qui l'habite. «J'aime la sensation d'aimer et d'être aimé. Je compte pour ma blonde, elle m'apprécie et c'est réciproque.» De son côté, Jessica, 15 ans, brûle pour un garçon de sa classe depuis quelques mois. «Je pense tout le temps à lui. J'ai toujours hâte d'aller à l'école pour le voir. Mais je ne sais pas s'il s'intéresse à moi. Comment faire pour le savoir?»

«L'amour? Les gars? Avec mes amies, on ne parle que de ça!» lance à son tour Emmanuelle, 14 ans. Les relations amoureuses et la sexualité figurent en effet parmi les principales préoccupations des adolescents. Ce sujet représente 53 % de toutes les questions adressées par courriel à Tel-Jeunes. «Des jeunes se demandent s'ils sont vraiment en amour, comment aborder la personne qui fait battre leur coeur, comment embrasser, si c'est normal de ressentir de la jalousie...» énumère Marlène Harvey, directrice des services de l'organisme. D'autres demandent conseil parce qu'ils vivent un amour à sens unique, aiment la blonde d'un ami, n'ont jamais eu d'amoureux et désespèrent de plaire à quelqu'un un jour...

Normal que les jeunes aient tant d'interrogations, eux qui sont à l'âge des premières fois: premier béguin, premier amour, premier baiser, premier «Je t'aime»... Ces expériences leur font vivre des émotions intenses et nouvelles. La joie, l'excitation et la fébrilité se mêlent à l'insécurité et à l'inquiétude, car les ados ne connaissent pas encore le mode d'emploi des relations amoureuses. «J'aime un gars de mon école, écrit une jeune fille sur le site Internet de Tel-Jeunes. On se parle de tout et de rien sur Facebook. Mes amies me disent d'aller lui parler en vrai, mais je ne suis pas capable. Quand je le vois, j'ai des papillons dans le ventre et je fige. Je ne sais pas quoi faire...» Une chance qu'il y a les amis! Car, à cet âge, ceux-ci servent de coach amoureux. Ils encouragent le jeune à aborder l'objet de sa passion. Ils se font même messagers, s'il le faut. Et, bien sûr, ils écoutent pendant des heures l'ado énamouré imaginer des scénarios, prêter toutes sortes d'intentions à celui ou celle qui fait battre son coeur, tenter de décoder le sens caché de ses moindres faits et gestes...  

La quête du grand amour

Malgré leur air blasé, nos ados sont de grands romantiques. Bon nombre d'entre eux croient qu'une personne leur est destinée, qu'elle les attend quelque part et qu'elle les rendra heureux, selon un groupe de discussion mené dans le cadre du Projet Relations amoureuses des jeunes, un programme de formation des intervenants jeunesse. «Ils espèrent rencontrer l'amour de leur vie, un amour qui dure», dit Suzanne Lortie, une infirmière scolaire du CSSS du Coeur-de-l'Île faisant partie du groupe-conseil du Projet. Et lorsqu'ils croient avoir rencontré l'âme soeur, ils l'idéalisent. L'être cher emplit toutes leurs pensées. «Leurs cahiers d'exercices et leur agenda sont parsemés de mots d'amour et de petits coeurs», constate Stéphane, enseignant au secondaire, qui doit parfois rappeler à l'ordre des couples qui se bécotent en classe.

Les filles ont plus tendance que les garçons à rêver à ce grand amour. Elles se questionnent beaucoup sur les sentiments («M'aime-t-il vraiment?»), tandis que les garçons sont davantage dans le concret («Comment lui dire que je l'aime?»). «Nous sommes influencées par les films romantiques, reconnaît Emmanuelle. Nous attendons le prince charmant et nous espérons beaucoup des gars. Trop même, car nous sommes souvent déçues.» Gabriel en sait quelque chose, lui qui trouve parfois difficile de combler les attentes de sa douce. «Elle trouve que je ne lui montre pas assez que je l'aime. Elle voudrait que je l'appelle et que je lui envoie des textos plusieurs fois par jour. Tout ça me met un peu de pression, mais je fais des efforts.»

Les filles seraient aussi plus nombreuses à placer l'être aimé en tête de liste de leurs priorités. «Certaines voient moins leurs amies, tout tourne autour de leur chum, remarque Nathalie Groulx, psychoéducatrice dans une école secondaire de Valleyfield. Les garçons, eux, sont plus indépendants et se gardent du temps pour leurs activités habituelles.» Mais il ne s'agit là que de généralités: l'inverse se voit aussi.

La jalousie, par contre, est présente chez les deux sexes. Ainsi, plusieurs jeunes ayant participé au groupe de discussion du Projet Relations amoureuses des jeunes considèrent que ce sentiment est normal dans un couple et qu'il peut même être une preuve d'amour. «Je vois beaucoup d'ados qui ont peur de se faire tromper par leur amoureux, dit Nathalie Groulx. Alors, ils se surveillent mutuellement. Ils se reprochent d'avoir parlé à Untel ou Unetelle. Ça fait des petits drames.» Elle croit que cela découle d'un manque de confiance en soi causé par l'inexpérience.

Si les amours adolescentes sont passionnées, les ruptures le sont tout autant. «Je ne suis pas capable de l'oublier, même si ça fait deux mois qu'on ne sort plus ensemble, écrit une jeune fille de 16 ans sur le site de Tel-Jeunes. Je passe mon temps à l'appeler. Je pleure encore tous les soirs. Je mets au moins deux heures à m'endormir.»

«C'est comme si la vie s'arrêtait, constate Nathalie Groulx. Certains jeunes pensent qu'ils ne connaîtront plus jamais l'amour. D'autres s'accrochent et envoient sans arrêt des textos à leur ex.» En général, les filles en peine d'amour sont plus expressives que les garçons. Elles en parlent davantage avec leurs amies, pleurent davantage, ruminent la rupture. «Il m'est arrivé de demander à des jeunes filles de sortir de la classe parce qu'elles pleuraient sans arrêt», relate Stéphane. Les garçons vivent leur chagrin plus intérieurement et sont plus portés à se changer les idées en sortant et en se divertissant, mais ils ne le ressentent pas moins.

Et notre rôle à nous, parents?

Les premières amours et toutes les émotions qu'elles suscitent surviennent à une période de leur vie où les adolescents se questionnent sur leur identité et tentent d'affirmer leur personnalité et de gagner en indépendance. Les hormones qui se bousculent dans leur corps amplifient tout ce qu'ils ressentent, ce qui peut entraîner un débordement émotionnel. Parfois, on ne reconnaît plus notre ado et il ne se comprend plus lui-même!

Devant les hauts et les bas de la vie amoureuse de notre ado, sa sensibilité à fleur de peau, on se sent parfois désemparée et on se demande jusqu'où aller dans son intimité. «Il ne faut pas s'attendre à ce qu'il nous dise tout, souligne Marlène Harvey. Notre jeune a droit à son jardin secret. Mais on doit tout de même l'amener à réfléchir au type de relation amoureuse qu'il désire.» Elle conseille de commencer par lui dire qu'on respecte son intimité, mais qu'on est disponible pour l'écouter et pour répondre à ses questions s'il en a. «Souvent, les jeunes pensent qu'ils ne peuvent pas aborder ce sujet avec leurs parents. Alors, c'est important d'ouvrir une porte.» Il peut saisir la balle au bond, des mois après ou jamais. L'important, c'est qu'il sache qu'on est là, que le dialogue est possible.

Pour Suzanne Lortie, il est bon de parler avec notre jeune de respect entre les partenaires, d'égalité, de communication. «On met l'accent sur le positif. On lui dit combien cela peut être agréable d'être amoureux et ce qu'on espère pour lui. On lui demande aussi quelles sont ses aspirations.» Pas besoin, pour cela, de s'immiscer dans sa vie privée. Notre fille peut très bien discuter avec nous de ce qu'elle attend d'une relation amoureuse sans nécessairement se lancer dans de grandes confidences.

Il importe aussi de poser nos limites, car un ado amoureux peut vouloir passer tout son temps avec sa petite amie. Il faut réfléchir à ce qu'on permet ou pas et le signifier à notre jeune. Si on lui laisse l'entière liberté de décider, on risque de le voir mener une vie de couple à temps plein. «Ce ne serait pas lui rendre service, car il n'a pas la maturité nécessaire, soutient Nathalie Groulx. De plus, il peut en venir à négliger ses études, ses loisirs, ses amis.» Sans compter qu'il est normal, et souhaitable, de se ménager du temps en famille. C'est donc à nous de donner des balises à notre enfant pour l'aider à équilibrer les différentes sphères de sa vie.

Je n'aime pas son chum

On le trouve renfrogné, pas jasant? Ses manières à table ou sa façon de s'habiller nous déplaisent? Une règle d'or: on évite de le dénigrer. Sinon, notre fille risque de s'éloigner de nous. «C'est son chum, pas le nôtre, dit Marlène Harvey. Même si ce n'est pas le garçon qu'on aurait voulu pour elle, il faut respecter son choix.»

C'est toutefois une autre paire de manches s'il est odieux avec notre fille ou exerce un contrôle sur elle. «Une de mes amies est sortie avec un gars très possessif, raconte Catherine. Il était même jaloux de ses amies de filles! Il lui interdisait d'aller au cinéma avec nous.» Si notre fille vit une situation semblable, on intervient, mais avec doigté. «Au lieu de lui dire que son chum est comme ci ou comme ça, on lui demande ce qu'elle pense de tel comportement ou ce qu'elle ressent, explique Nathalie Groulx. Par exemple: "Comment te sens-tu quand Philippe t'interdit d'aller au cinéma avec tes amis? Quand il dit que tu es conne? Quand il te fait attendre toute la soirée pour rien?"» On lui parle également des valeurs qu'on trouve importantes dans un couple, dont le respect. Enfin, on peut également lui dire qu'on a de la peine de la voir traitée ainsi, qu'on la sent malheureuse, qu'elle n'a pas à tolérer cela, etc. L'objectif, c'est qu'elle réalise que cette relation est inadéquate. Patience, cependant: il faut parfois du temps, et plusieurs conversations, avant que notre fille décide de mettre fin à la relation.

Si c'est notre jeune qui a des attitudes discutables, on tente de lui faire prendre conscience des conséquences de son comportement sur les autres. C'est ce qu'a fait Sonia, dont le fils de 16 ans multiplie les conquêtes. «Il a eu cinq blondes différentes en trois mois. Et c'est uniquement celles que j'ai rencontrées! Je lui ai demandé s'il réalisait la peine qu'il faisait aux filles. Il n'a pas dit grand-chose, mais j'espère au moins que je l'ai fait réfléchir.» Dans un cas comme celui-ci, notre rôle consiste à développer l'empathie de notre ado. Il est possessif? On lui parle de respect, de confiance. Notre fille ne fait plus rien sans son chum? On l'encourage à sortir avec ses copines, on discute avec elle de l'importance de continuer à faire les activités qu'elle aime, on lui souligne que sa relation durera plus longtemps si son chum et elle s'accordent plus d'espace, etc. Et on donne l'exemple en mettant à l'agenda des activités pour nous. Bref, on essaie de susciter la réflexion tout en demeurant consciente que la décision appartient à notre jeune.

Et la sexualité, dans tout ça?

On pense que les ados sont actifs sexuellement de plus en plus tôt? Au contraire: l'âge du premier rapport sexuel n'a pas diminué dans la dernière décennie, selon l'étude La Sexualité des jeunes Québécois et Canadiens: regard critique sur le concept d'«hypersexualisation», publiée en 2009 par le département de sexologie de l'UQAM. En fait, à 15 ans, 84 % des jeunes sont encore vierges. Et à 18 ans, la moitié d'entre eux le sont toujours.

Pourquoi, alors, a-t-on l'impression que la majorité des 14-15 ans ont déjà fait l'amour? «Cette méprise vient du fait que l'âge moyen lors du premier rapport sexuel est calculé uniquement en fonction des jeunes déjà actifs sexuellement, explique Martin Blais, sexologue et auteur principal de l'étude. Puisqu'il ne tient pas compte de ceux n'ayant jamais eu de rapports sexuels, il est systématiquement plus faible qu'il ne l'est en réalité pour l'ensemble des jeunes.»

Réconforter un coeur brisé

Avec les amours, viennent inévitablement... les peines d'amour. Devant le chagrin de notre ado, on se sent démunie. Comment l'aider? D'abord, on reconnaît ses sentiments en lui disant quelque chose comme: «C'est normal que tu aies mal et que tu aies l'impression que tu ne pourras jamais l'oublier.» On évite de minimiser sa peine ou de lui assener un cliché tel «Une de perdue, dix de retrouvées», car il nous en voudrait de ne pas le prendre au sérieux et de nous montrer si insensible à sa douleur.

Bien sûr, on manifeste notre disponibilité pour l'écouter s'il le veut bien, ce qui est peu probable, car ses amis sont là pour ça. Le mieux qu'on puisse faire, bien souvent, c'est de lui proposer des distractions (aller au resto, écouter un film d'action en famille, visiter son cousin préféré) et l'inciter à voir ses amis afin qu'il oublie sa peine par moments et qu'il se confie. «On lui suggère aussi de supprimer son ex de ses amis Facebook, ajoute Nathalie Groulx. Notre ado se fait du mal s'il épie tout ce que l'autre fait et pense.»

Combien de temps dure une peine d'amour? Cela dépend. Catherine a été triste un mois quand son chum l'a laissée. D'autres s'en remettent en une semaine et d'autres encore ont besoin de quelques mois pour retrouver leur joie de vivre. «Si notre jeune continue à vaquer à ses activités, à sortir, à faire ses devoirs, on ne s'inquiète pas, même s'il est triste, dit Suzanne Lortie. Mais s'il s'isole, ne mange plus, ne dort plus ou tient des propos suicidaires, on consulte.» Enfin, on lui donne de l'espoir: le temps guérit les chagrins d'amour. Toujours.

Quelques ressources

Pour nous:

Ça s'exprime, un magazine destiné aux intervenants en éducation à la sexualité qui peut aussi intéresser les parents.

Premiers émois, premières amours: quelle place pour les parents?, par Béatrice Copper-Royer, Albin Michel, 2007, 176 p., 23,95$.

Pour notre ado:

Full sexuel, par Jocelyne Robert, Les Éditions de l'Homme, 2002, 192 p., 19,95$.

L'Amour 100 % ado, par Stéphane Clerget et Noélie Viallet, Bayard Jeunesse, 2010, 144 p., 25,95$.

• Dépliant L'amour en douceur, c'est l'affaire de chacun des partenaires, par l'Ordre des psychologue du Québec.

Aimer sans violence

 

À LIRE: Premières amours: à partir de quel âge?

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