13 ans et plus
Mon enfant est homosexuel: comment réagir?
Pour un parent, apprendre que son enfant est homosexuel est presque toujours un choc. Comment réagir? Quoi dire? Est-il normal d’être inquiet? Témoignages et conseils d’experts pour faire face à la situation.
«Il est facile de dire que si son enfant était homosexuel, ça ne nous dérangerait pas... tant qu'on ne le vit pas!», soutient Janne Verret, maman de deux garçons, dont l'un est gai. «Même si je m'y attendais, ça a été un choc, dit-elle. Ma première réaction a été de m'inquiéter: mon fils allait-il réussir à être heureux malgré les préjugés?». Janne avoue également s'être sentie coupable. «Je me suis rappelé que mon fils jouait avec des poupées Bout'choux quand il était petit. Mon entourage me disait de ne pas le laisser jouer avec ça, car j'allais en faire une tapette! Quand il m'a annoncé, à l'âge de 15 ans, qu'il était gai, je me suis remise en question. Je me demandais si j'avais fait quelque chose de pas correct», raconte-t-elle.
Une réaction fréquente, selon Laurent McCutcheon, président de Gai Écoute. «Souvent, les parents croient que c'est leur faute si leur enfant est gai. Mais il faut savoir que ce n'est pas l'éducation des parents qui détermine l'orientation sexuelle d'un enfant», insiste-t-il.
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Face à l'inconnu
Aucun parent n'est jamais vraiment préparé à faire face à cette situation. «Quand cela arrive, tout ce qu'ils avaient espéré pour leur enfant s'écroule comme un château de cartes », observe Laurent McCutcheon. Selon Michel Dorais, sociologue de la sexualité et professeur à l'Université Laval, la déception est une réaction encore très fréquente, et rares sont les parents qui sautent de joie en apprenant que leur enfant est homosexuel. «Ils s'inquiètent de ne jamais avoir de petits-enfants, ou encore de ce que la famille va penser», dit le spécialiste. Il s'agit d'inquiétudes courantes, mais de moins en moins fondées, croit Michel Dorais. «À cause notamment du mariage désormais possible entre conjoints de même sexe, de la possibilité d'adopter et de l'image plus présente, par exemple dans les téléséries, d'homosexuels bien intégrés à la société».
Pauline Clermont a mis sur pied la Coalition d'aide aux lesbiennes, gais et bisexuels-les de l'Abitibi-Témiscamingue. C'était bien avant d'apprendre que l'un de ses deux fils était homosexuel. «J'ai eu la chance de me sensibiliser à l'homosexualité, mais quand mon fils, qui avait 16 ans, m'a confié qu'il était gai, il m'a fallu du temps pour apprivoiser la nouvelle. Même quand on accepte l'orientation de son enfant, on vit dans une société où l'hétérosexualité est la norme. Mon fils a dû vivre avec l'homophobie. Comme parent, on se sent impuissant et c'est difficile à vivre», raconte-t-elle.
Quoi dire? Quoi faire?
Quand notre fils ou notre fille sort du placard, les émotions se bousculent et une foule d'idées nous traversent l'esprit. Ya-t-il une réaction idéale? Et si oui, laquelle? «Il faudrait dire à notre enfant que la seule chose qui compte pour nous, c'est qu'il soit heureux», affirme sans hésiter Laurent McCutcheon. Ce dernier recommande aux parents qui vivent cette situation de demander à leur enfant de leur laisser du temps pour absorber la nouvelle et se faire à l'idée. «Il a généralement fallu du temps à l'enfant pour assumer son homosexualité. Il ne peut pas demander à ses parents d'accepter ça instantanément», explique le président de Gai Écoute.
Quand son adolescent lui a annoncé qu'il était gai, Janne Verret a eu la réaction dont tout enfant rêverait. «Je lui ai dit que son père et moi, on allait être là pour lui. Je crois que ça l'a rassuré», se rappelle la maman. Mais, ne sachant pas trop comment elle pourrait aider son fils, elle est allée suivre des formations (cours de relation d'aide, de psychologie). «Maintenant, je suis mieux outillée», affirme-t-elle.
Accompagner son enfant
Selon Pauline Clermont, le plus grand défi consiste à aider son enfant à s'accepter, à avoir confiance en lui et à se réapproprier ses projets de vie. «Mon fils m'a déjà dit, quand il était ado, qu'il aimerait pouvoir prendre une pilule qui le rendrait hétéro. Quand ton enfant te dit ça, c'est parce qu'il a besoin de toi. Mais, pour un parent, c'est déstabilisant. J'ai moi-même déjà téléphoné à Gai Écoute pour avoir du soutien», admet la maman.
Certains parents ont un doute quant à l'orientation sexuelle de leur enfant. Dans une telle situation, doit-on en parler au principal intéressé? «Je conseille aux parents de ne pas confronter leur enfant, parce que si celui-ci n'est pas prêt à en parler, il va se refermer, explique Laurent McCutcheon. Je leur suggère plutôt de manifester une ouverture. Si l'enfant se sent en confiance, quand il sera prêt, il va faire son coming out».
Bien sûr, tous les parents ne sont pas à l'aise avec l'idée de l'homosexualité. Si c'est notre cas, Michel Dorais recommande de bien nous renseigner. «Il existe des livres pour aider les parents d'enfants homosexuels ou en questionnement. Ça vaut la peine de s'informer, car c'est comme ça qu'on met fin aux préjugés», croit-il.
À éviter
Le sociologue ajoute qu'il faut à tout prix éviter de blâmer notre enfant. «Notre enfant ne s'est pas levé un matin en se disant qu'il va devenir gai ou lesbienne. Ce n'est pas un choix. De même, ça ne sert à rien de se demander pourquoi notre enfant est homosexuel ou si c'est notre faute. On évite donc de culpabiliser! Enfin, on arrête de focaliser sur l'orientation sexuelle de notre enfant. Il est et demeurera toujours plus que ça », souligne-t-il.
Quand il a appris que son fils était homosexuel, le conjoint de Janne Verret n'y a pas cru. «En fait, il ne voulait pas le croire, dit-elle. Comme notre fils avait déjà eu une blonde, son père se disait qu'il n'était pas vraiment homosexuel». Une réaction tout à fait normale. Il arrive qu'il faille un certain temps aux parents pour apprivoiser la réalité. «Le déni est un mécanisme de défense», observe Michel Dorais. Là où il y a un problème, c'est quand des parents veulent amener leur enfant voir un psychologue pour le faire changer d'orientation sexuelle!». Aider son enfant à s'accepter et à s'aimer tel qu'il est, voilà la meilleure chose à faire.
Ceci dit, même lorsqu'on a accepté l'homosexualité de notre enfant, certaines situations peuvent venir nous ébranler. «Les blagues homophobes, les commentaires de collègues, tout ça peut blesser, admet Pauline Clermont. Pas juste la personne homosexuelle, mais toute sa famille». «Moi, j'avoue que je me croyais très ouverte jusqu'au jour où j'ai vu mon fils embrasser son chum la première fois. Ça m'a fait un petit pincement au cœur. Aujourd'hui, c'est correct», souligne en souriant Janne Verret. Les deux mamans sont toutefois unanimes: elles sont fières de leur fils et pour rien au monde elles ne les changeraient!
Ressources
Sains et saufs, petit manuel de lutte contre l'homophobie à l'usage des jeunes, par Michel Dorais et Éric Verdier, VLB, 2005, 172 p., 17,95$
Vivre avec l'homosexualité de son enfant, par Sylvie Giasson, Bayard, 2007, 137 p., 18,95$
Gai Écoute
Centre d'aide et d'écoute, gratuit et confidentiel, 7 jours sur 7
Grand Montréal: 514 866-0103
Ailleurs au Québec: 1 888 505-1010
GRIS-Québec, Accès Parents
Groupe d'entraide pour les parents de jeunes homosexuel(le)s
418 523-5572
PFLAG Canada
Ligne d'écoute et de soutien, sans frais, en français
1 888 530-6483
Coalition d'aide aux lesbiennes, gais et bisexuels-les de l'Abitibi-Témiscamingue