13 ans et plus
Les sextos font des ravages chez les adolescents
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Humiliation, intimidation, désespoir. Les échanges de photos et de messages osés entre adolescents, les sextos, font des ravages. Incursion dans le monde du cyber harcèlement.
Deux semaines après avoir laissé son petit ami, Kim (nom fictif), 15 ans, a découvert, catastrophée, que celui-ci avait diffusé des photos d'elle à moitié nue sur Facebook pour se venger. Des photos osées qu'elle lui avait offertes quelque temps plus tôt... et qui sont désormais accessibles à toute l'école!
Des dossiers comme celui-là, les intervenants jeunesse et la police en voient de plus en plus souvent. La popularité grandissante des sextos auprès des adolescents n'y est pas étrangère. Mais qu'est-ce qu'un sexto? Il s'agit de photos, messages ou vidéos à caractère sexuel échangés via téléphones cellulaires. Le message n'est pas vraiment dangereux... jusqu'à ce qu'ils soient propulsés de la sphère intime à la sphère publique.
Les sextos: un jeu dangereux
«Quand le signalement est fait, c'est qu'il est trop tard. L'erreur a été commise et beaucoup trop de gens ont déjà vu les images compromettantes, observe René Morin, porte-parole du Centre canadien de protection de l'enfance, qui chapeaute le site Internet Cyberaide.ca. Quand les jeunes nous appellent, ils sont désemparés et cherchent de l'aide. Ils ont peur et ne veulent pas que leurs parents soient mis au courant. Malheureusement, une fois qu'une photo circule sur le Web, aussi préjudiciable soit-elle, il est impossible de la faire disparaître complètement.»
Les jeunes sont-ils conscients des risques qu'ils courent en offrant à leur amoureux un portfolio de photos osées ou en se filmant en petite tenue pour ensuite envoyer la vidéo à un ou une ami (e)? «C'est comme pour l'alcool au volant. Les jeunes connaissent les risques», remarque Alain Johnson, directeur des services cliniques à Jeunesse, J'écoute. «Le hic, c'est qu'ils vivent beaucoup dans le moment présent, sans trop se préoccuper de l'avenir. Ils ne réalisent pas, par exemple, que ces photos ou vidéos pourraient les hanter pendant des années», précise René Morin.
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Du virtuel à la réalité
Alain Johnson remarque que le fait d'être derrière un écran d'ordinateur ou un téléphone mobile procure aux ados un faux sentiment de sécurité, voire d'anonymat. «Il y a un effet de désinhibition. Certains vont adopter des comportements et prendre des risques qu'ils ne prendraient jamais dans la réalité. La jeune fille qui montre ses seins devant une webcam ne le ferait sûrement pas à la cafétéria de son école, par exemple.» Le sociologue et sexologue Simon Louis Lajeunesse abonde dans le même sens. «Si le jeune avait réellement à montrer une photo de lui nu devant 1000 personnes, c'est clair qu'il y réfléchirait à deux fois. Mais le fait est que, derrière son ordinateur, il n'a pas l'impression de se dénuder pour vrai.»
La grande majorité des cas concernent des filles âgées entre 13 et 16 ans. «Ce qu'on voit, par exemple, c'est la jeune fille naïve qui n'a pas confiance en elle et qui, pour la première fois, se fait dire qu'elle est belle par le garçon qu'elle aime. Elle peut être portée à perdre sa prudence - et sa pudeur - quand son copain lui demande de lui envoyer des photos d'elle osées», explique Alain Johnson. Cela dit, il ne faudrait pas croire que les victimes de sextos sont toutes des jeunes filles naïves, note-t-il. Les adultes sont exposés aux mêmes risques.
Attirés par le succès instantané
Pourquoi les ados sont-ils attirés par les sextos? «Les jeunes recherchent le succès instantané. Ils ont un fort désir d'être aimés, admirés et reconnus. C'est ce que j'appelle le syndrome «Loft Story», affirme Simon Louis Lajeunesse. Paradoxalement, ils n'ont pas conscience que la planète entière peut avoir accès à ce qu'ils mettent en ligne. Une fois que tu as placé une photo, un vidéo ou un message sur Internet, il ne t'appartient plus. C'est ça que les jeunes ne comprennent pas.»
Les sextos sont devenus banals pour bien des jeunes. La tendance chez les adolescentes consiste à offrir un «portfolio» avec des photos d'elles nues à leur copain.
Pourtant, les sextos sont une activité à haut risque social, comme le fait remarquer Simon Louis Lajeunesse. «La réputation, surtout pour les filles, peut être détruite. Il y a des jeunes qui vivent de véritables drames à cause de ça et personne ne le sait.» René Morin a vu des jeunes obligés de changer d'école. «Aux États-Unis, dans les dernières années, il y a même eu des cas où des jeunes filles se sont enlevé la vie après avoir vu leurs photos circuler partout. On peut imaginer l'ampleur de l'humiliation et du drame psychologique.»
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Ressources
Jeunesse, J'écoute: 1 800 668-6868