13 ans et plus
Les fugues: comment réagir en tant que parent?
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Quoi de plus paniquant que d’ignorer où se trouve son enfant? C'est ce que vivent chaque année au Québec des milliers de parents. Comment réagir?
Intervenante de l'organisme Parents en marge de la rue, auprès des parents dont les enfants sont en fugue, Anne Boutin précise qu'il existe deux types de fugues: la réaction spontanée et celle qui est planifiée.
Rares sont les jeunes qui fuguent par plaisir. «La réaction spontanée est habituellement reliée à un conflit, un événement. Le jeune voit à ce moment-là la fugue comme la seule solution possible pour s'échapper ou éviter de faire face à ses problèmes. C'est très difficilement prévisible», explique l'intervenante. «Dans d'autres cas, la fuite est réfléchie et planifiée. C'est le moyen que l'adolescent a trouvé pour attirer l'attention, faire réagir l'adulte ou demander de l'aide», ajoute-t-elle.
Des fugueurs troublés et anxieux
S'il n'existe pas de profil type, les statistiques montrent toutefois que la majorité des fugueurs ont entre 12 et 17 ans. Garçons et filles seraient aussi nombreux à fuguer, même si certains parents auraient tendance à émettre un avis de disparition plus rapidement lorsqu'il s'agit d'une fille.
Sur le plan individuel, les fugueurs éprouvent souvent des troubles affectifs, des problèmes d'attachement. Ils vivent de l'anxiété plus ou moins contenue, ont une faible estime d'eux-mêmes, démontrent de la méfiance envers les figures d'autorité et clament l'injustice ou se questionnent sur leur orientation sexuelle.
De nombreux fugueurs ont grandi dans un contexte socio-économique précaire, proviennent d'une famille éclatée où il y a eu coupure de liens ou ont été victimes de violence et de négligence. On peut également observer des constantes sur le plan scolaire: échecs répétés, absentéisme, conflits avec les pairs et fréquentations peu recommandables.
La première chose à faire?
«La première chose à faire, c'est d'appeler la police», affirme d'emblée Anne Boutin. Il faut montrer clairement à l'enfant qu'on ne le laissera pas faire sans réagir. Sa liberté en prend tout de suite un coup quand le jeune sait qu'un avis de fugue a été émis à son endroit», note-t-elle.
«Ensuite, poursuit l'intervenante, il faut appeler les amis de l'enfant et leurs parents. Souvent, des parents hébergent un fugueur sans même le savoir. Et il ne faut pas compter sur les jeunes pour parler. Souvent, ils ne diront rien, de peur de trahir leur ami», explique madame Boutin.
Dans le guide de prévention à l'intention des parents de fugueurs, conçu par le Service de police de la Ville de Montréal, intitulé Revenir pour rester, on suggère aux parents de fouiller leur domicile à la rechercher d'indices. Il peut s'agir d'une lettre, de courriels ou du numéro de téléphone de la dernière personne à avoir appelé. Anne Boutin conseille également d'appeler ou de se rendre dans les lieux fréquentés par l'ado et de lui laisser des messages. Enfin, il faut contacter l'école pour s'assurer qu'aucun incident n'est survenu.
Quel message le jeune fugueur veut-il transmettre?
Anne Boutin l'affirme sans hésiter: une fugue, c'est toujours un message. «Ce qu'on doit se demander, c'est en quoi consiste ce message et à qui il s'adresse?» Une réflexion essentielle, puisque la majorité des fugueurs récidivent si la situation qui a provoqué la fugue n'est pas réglée.
Comment aider son enfant?
Dans le guide Revenir pour rester, on y va de nombreux conseils aux parents qui, enfin, réussissent à avoir leur enfant au bout du fil. D'abord, il faut lui dire qu'on est content de lui parler. On évite de le blâmer ou de lui faire des menaces. Il faut lui faire comprendre à quel point on est triste et inquiet, et s'assurer qu'il est en sécurité.
Toujours selon le guide, il ne faut pas hésiter à demander directement au jeune pourquoi il est parti, ce qu'il essaie de communiquer et comment on peut l'aider. S'il ne veut pas revenir, on peut fixer avec lui des rendez-vous téléphoniques, de façon à ne pas rompre la communication. «Il faut réfléchir à ce qu'on est prêt à négocier, mais ne pas tout accepter et, surtout, ne pas faire de promesses qu'on ne pourra pas tenir», observe Anne Boutin.
La durée de la fugue dépend généralement du contexte qui l'a occasionné. «Si c'est lié aux gangs de rue ou s'il s'agit d'une fille qui part avec un mauvais garçon dont elle est tombée amoureuse, ça peut être long. Quand le jeune fugue dans le simple but de défier l'autorité, c'est habituellement plus court. La plupart du temps, les premières fugues sont plutôt brèves. L'enfant ne va pas très loin, il reste dans son milieu», remarque l'intervenante.
Briser les tabous entourant la fugue
«Vivre une fugue, c'est très angoissant pour les familles. En général, elles imaginent le pire. Parents, frères et soeurs doivent prendre soin d'eux parce que l'absence peut être longue. Et il faudra de l'énergie quand reviendra l'enfant», souligne madame Boutin.
Parents en marge de la rue est le seul service au Québec à offrir un soutien spécifique dans les cas de fugues. «On est là pour soutenir les familles, négocier le retour, au besoin, et donner aux parents des outils pour traverser tout ça.» Il est aussi possible d'obtenir de l'aide auprès du Réseau Enfants Retour ou encore dans un Centre de santé et de services sociaux.
«L'important, c'est que les parents osent parler. Beaucoup de tabous entourent la fugue. On juge souvent les parents, qui ont droit à des commentaires désobligeants du style "Je te l'avais dit que tu étais trop sévère''. C'est très difficile pour eux», conclut l'intervenante.
Sources
Service de police de la Ville de Montréal, guide Revenir pour rester, 2004
Parents en marge de la rue, Montréal, Québec
Mayrand, K., Mon enfant fait des fugues, Servicevie.com 2003