13 ans et plus
Indécente
Indécente Photographe : Marie-Pier Valiquette Photographe
Il semblerait que certains parents trouvent sexiste le code vestimentaire dans les écoles.
On interdit pourtant aux gars de se promener avec les culottes à une hauteur swag et de porter une casquette à l’intérieur et personne ne se plaint. Ce n’est pas une question de sexe, mais de décence. C’est une école, pas un vidéoclip.
À mon entrée au secondaire, la mode était aux crop tops et aux pantalons taille basse. La plage de peau entre les deux était souvent meublée d’un piercing au nombril et de courroies de g-strings. Je me souviens que sur l’heure du dîner, les gars de ma classe suivaient les « plus vieilles » dans les corridors pour zieuter leurs attributs. L’année suivante, l’école a instauré un code vestimentaire et les corridors ont perdu leur attrait.
Hypersexualisation : 0
École : 1
Parenthèse. Un jour, un ami était en vidéo-chat avec une camarade d’école. Dans le temps où les webcams étaient de la taille d’une balle de tennis et se posaient au-dessus de l’écran cathodique. De fil en aiguille, il a sorti sa palourde royale. Le matin suivant, la moitié de l’école avait une capture d’écran à l’appui dans son inbox. La direction a pris la situation au sérieux ; l’intégrité d’un élève était en péril. La police a été contactée. Mais la police ne peut pas arrêter les regards. Tu parles d’une idée, aussi, de se déballer le colis sur internet. C’était le même ami, d’ailleurs, qui accumulait les infractions au code vestimentaire ; les pantalons sous les fesses, les biceps à la vue comme un go-go boy, les boxer briefs qui dépassent et qui, disons-le, ne laissent pas grand place à l’imagination. Il a fini par changer d'école, sa réputation de dévergondé le précédant dans les salles de classe.
À sa nouvelle école, mon ami, un soir, a fêté trop fort avec ses nouveaux amis. Il s'est réveillé courbaturé et vêtu de travers, sans souvenir de la vieille. Il aurait quitté la soirée avec des filles, il était intoxiqué et légèrement vêtu. Mon ami l'aurait-il cherché ? Mon ami prend un « e » et j’ai traduit son histoire au masculin. C’est que je me demande pourquoi son absurdité est tellement plus flagrante ainsi.
Le code vestimentaire demande aux garçons, tout au plus, de respecter un vieux code d'étiquette, qui s'il était aboli ne changerait pas grand chose, sinon qu'on verrait plus de boxers et moins de dessus de têtes. En aucun cas est-ce qu'il prétend préserver leur dignité ou leur vertu. Il demande aux filles de se cacher, pour elles, pour leurs camarades, pour les enseignants. C'est normal, après tout, ce sont elles qui se promènent à découvert comme un pistil au printemps.
Quand l’effet de la violence dans les films et les jeux était un gros enjeu il y a quelques années, on s’est penché sur les façons de limiter l’exposition des jeunes – des garçons particulièrement – à celle-ci. On a invité les parents et les écoles à faire de la sensibilisation et les industries à mieux réguler l’accès. Quand l’hypersexualisation a fait son entrée dans les écoles, on a instauré un code vestimentaire. Et comme il aurait été aberrant qu’il s’applique juste aux filles qui ont des formes ou qui ont la cote auprès du sexe opposé, on a préféré ratisser plus large. Quitte à forcer des fillettes d’une école primaire en Estrie à porter des shorts sous leurs jupes pour cacher leurs culottes. Quitte à ne plus faire la part des choses.
Marie-Pier Valiquette Photographe
Il semble opportun de rappeler que ces filles ne s’habillent pas dans un sex shop. Qu’elles n’ont pas écrit aux boutiques pour leur demander des slogans réducteurs et des bikinis paddés, taille maternelle. Je dis ça de même, à demi-mot, comme une idée de brainstorm qui devient poche avant la fin de son énonciation : peut-être que le problème, ce ne sont pas les filles. Peut-être que la connotation indécente est dans l’œil de celui qui la créé et celui qui la regarde et qu’on punit les filles à tort. Ça se peut même que les solutions à l’hypersexualisation – tout comme les filles – ne soient pas aussi faciles qu’on le croit.
Les mentalités sentent le moisi, et un code vestimentaire équivaut à deux-trois push de Febreze. La bonne nouvelle, c’est que l’école est un endroit tout indiqué pour entreprendre de changer les mœurs, des garçons comme des filles.
Marie-Pier Valiquette Photographe[/caption]