13 ans et plus
Aider son ado qui vit une période difficile
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Notre jeune vit une adolescence difficile? Voici des pistes pour garder le contact et éviter qu’il s’enfonce davantage.
L'été précédent son entrée au secondaire, Mégane (prénom fictif) s’initie au pot et y prend goût. «Je me disais: “Ça va passer. Elle manque sûrement d’attention”, raconte sa mère, Marie-France. J’étais enceinte et, de plus, son frère avait des problèmes de santé. Ce n’était pas toujours évident pour elle.» Mais avec la rentrée scolaire, la situation s’aggrave. La jeune fille de 12 ans fume de plus en plus de marijuana et multiplie les absences non justifiées à l’école. Elle abandonne le sport de compétition qu’elle pratique depuis des années. Et, à trois reprises, elle fait une forte réaction à la drogue (hallucinations, tremblements) qui la mène à l’hôpital.
«J’ai essayé de reprendre le contrôle, dit Marie-France. Je l’ai empêchée de sortir. J’ai confisqué son cellulaire, son ordinateur. J’allais la chercher le midi à l’école pour éviter qu’elle consomme. Mais elle sortait de la classe pour fumer dans les toilettes.» Et puis, l’impensable: l’adolescente tente de se suicider. Pour sa sécurité, elle est placée 30 jours en Centre jeunesse.
L’histoire de Mégane est infiniment triste, mais, heureusement, c’est une exception. La jeune fille fait partie des 15% d’ados qui éprouvent de grandes difficultés. Pour les autres, l’adolescence se déroule plutôt bien. Bien sûr, il y a parfois des turbulences. Notre jeune peut contester les règles, étirer la corde, trouver qu’on ne comprend rien à rien, bouder les activités en famille… Normal, rien de bien grave dans tout ça.
Certains ados, pas tous, ont aussi besoin d’explorer, de vivre des expériences, selon Caroline Palardy, intervenante à LigneParents. «lls poussent les limites plus loin, comme mentir sur leurs allées et venues, toucher à l’alcool, à la drogue, dit-elle. Mais ça ne veut pas dire que la situation dégénérera.» Lucie, mère d’un jeune adulte de 21 ans, peut en témoigner. «Quand mon fils avait 15 ans, je l’ai trouvé ivre mort, inconscient, dans ses vomissures. Ç’a été sa seule expérience du genre. Il a été tellement malade que ça lui a servi de leçon.» Pas de panique, donc. Notre jeune peut avoir quelques écarts de conduite sans devenir délinquant ou toxicomane pour autant. La plupart du temps, ces périodes mouvementées sont temporaires.
À l’adolescence, le cerveau est encore en développement. La région qui contrôle les émotions et les impulsions et qui façonne le jugement, notamment, n’est pas au point. Cela explique en partie pourquoi les ados sont sujets à des sautes d’humeur et à des accès de colère, et qu’ils peuvent avoir tendance à rechercher de nouvelles sensations et à prendre des risques.
Nathalie, en sait quelque chose. «Je ne reconnais plus mon fils. C’était un enfant doux et empathique. C’est devenu un ado qui conteste tout et qui se fâche pour des riens. À deux reprises, il a failli se battre au hockey, dont une fois avec un joueur de sa propre équipe. Il néglige aussi ses études et ses notes ont dégringolé.
«Je sais bien que cela peut faire partie d’une adolescence normale, mais je m’inquiète quand même. J’ai peur qu’il s’attire des ennuis et je me demande jusqu’où ça va aller.»
- Nathalie, mère d'une ado de 14 ans.
Encadrer avec souplesse
Même s’ils affirment le contraire, les ados ont besoin d’encadrement. Mais pour gagner en autonomie et devenir des adultes, il leur faut aussi plus de liberté. C’est pourquoi les extrêmes sont à éviter. «Si on impose beaucoup d’exigences et de limites sans essayer de comprendre notre ado ni tenir compte de son opinion, il peut réagir en multipliant les comportements difficiles », met en garde Caroline Palardy. À vouloir trop contrôler notre ado, on risque de l’inciter à se rebeller et à nous cacher des choses. À l’inverse, les parents très permissifs, qui laissent leur jeune faire tout ce qu’il veut, ne font guère mieux. Sans limites, il n’y a pas de repères. Comment l’ado peut-il savoir où arrêter?
«Il peut aussi interpréter notre trop grande permissivité comme un manque d’intérêt et d’amour», ajoute Christine Bellefeuille, intervenante à la Maison des jeunes Le Squatt d’Ahuntsic. Il faut donc qu’on trouve un équilibre entre exercer juste assez de contrôle et donner de la corde. Si les règles et les limites demeurent essentielles, elles doivent être adaptées au comportement, à la personnalité, à la maturité et à l’âge de notre jeune. En général, on a avantage à lâcher prise sur certains aspects (habillement, loisirs, etc.), à assouplir notre position sur d’autres (heure de rentrée, sorties en semaine, etc.) et à tenir bon sur ce qui est plus important pour nous (respect, fréquentation de l’école, consommation). Autrement dit, on choisit nos batailles.
Quand notre jeune enfreint une règle, on devrait appliquer une conséquence liée à la désobéissance… et la maintenir. Sinon, on perdra en crédibilité et en autorité. «Les parents renoncent parfois à mettre des limites parce qu’ils n’obtiennent pas de résultats, remarque Claudia Roy, travailleuse sociale à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) du CIUSSS de la Capitale-Nationale. Mais si le comportement difficile persiste ou ne diminue pas, c’est souvent par manque de constance dans l’application des conséquences.»
Il reste que tenir son bout, ce n’est pas toujours facile. «J’ai parfois envie de céder, reconnaît Marie- France. Pour me redonner du courage, j’appelle l’intervenante qui s’occupe de notre dossier à la DPJ et qui me soutient dans mon rôle parental. Ce qui m’aide aussi, c’est que je partage de bons moments avec ma fille même quand je la prive de sortie ou de recevoir des amis. Par exemple, on regarde des films ensemble. Elle n’est pas isolée dans sa chambre.»
Idéalement, la sanction devrait être raisonnable et de courte durée: pas de jeux vidéo de la journée, pas de sorties de la fin de semaine, etc. «Le parent a plus de facilité à l’appliquer et l’adolescent collabore davantage, car il sait qu’il pourra se reprendre», souligne France Landry, travailleuse sociale et coordonnatrice du programme Pratiques parentales positives au CLSC Orléans. Si la conséquence dure un mois, le jeune la trouvera injuste et il pourrait réagir en s’opposant encore plus.»
Quand ça empire
Si on réalise que notre ado est sur une mauvaise pente, il faut discuter franchement avec lui de ce qui se passe. «On parle de ce qu’on observe et on nomme nos inquiétudes, dit Geneviève Labbé, spécialiste en activités cliniques à la DPJ du CIUSSS de la Capitale- Nationale. On lui demande ensuite de s’expliquer et on l’écoute sans le juger ni le dénigrer, mais en essayant de le responsabiliser et de l’inciter à exercer son jugement.»
Par exemple, si on pense que notre fille subit la mauvaise influence d’une amie, on peut lui demander ce qui l’attire vers elle, quelles sont les qualités de cette personne, ce que cette amitié lui apporte, s’il y a des attitudes ou des comportements avec lesquels elle est mal à l’aise, etc. L’idée, c’est de la faire réfléchir pour qu’elle fasse de meilleurs choix.
C’est un peu l’approche qu’utilise Marie-France avec sa fille. «Mégane consomme toujours, mais j’essaie de l’aider à se reprendre en main. Au lieu de lui faire la morale ou de la critiquer, je parle avec elle des raisons qui la poussent à consommer, de ce qu’elle pourrait faire la prochaine fois qu’elle a envie de fumer, de ce qu’elle a appris de tel ou tel événement. » Une approche pertinente pour toutes sortes d’autres situations. Avec un jeune qui a fait une fugue par exemple, on devrait tenter de comprendre pourquoi il est parti, quel est le message qu’il souhaite nous transmettre et essayer ensemble de trouver des solutions aux problèmes sous-jacents à la fugue.
«Quel que soit le comportement problématique, on doit cependant être bien clair avec notre ado concernant nos limites.» Geneviève Labbé.
«S’il prend de la drogue, on peut difficilement contrôler sa consommation, mais on doit lui signifier qu’on la désapprouve. Pour être cohérente, il faut aussi lui dire qu’on ne tolérera pas qu’il consomme à la maison. Si on ne se positionne pas fermement, il pourrait croire qu’on est indifférente à ce qu’il fait», dit-elle.
Un ado qui se débat avec toutes sortes de difficultés, c’est dur pour un coeur de parent. On voudrait tellement le protéger! Pensant bien faire, certains parents couvrent les méfaits de leur jeune et le soustraient aux conséquences de ses actes, par exemple en justifiant ses absences à l’école ou en ignorant le problème. Mais il vaut mieux résister à cette tentation, car on ne réussira ainsi qu’à faire perdurer le problème.
Le mieux, c’est de demander de l’aide le plus tôt possible… avant d’être à bout de souffle et que les choses dérapent sérieusement. «Moins le problème est installé, moins la relation parent-ado est effritée, plus c’est facile à rattraper», dit Claudia Roy. Le CLSC de notre région pourra nous diriger vers des ressources et des services appropriés. Des services de soutien téléphonique comme LigneParents (1 800 361-5085) et Première ressource (514 525-2573, 1 866 329-4223) peuvent également nous aider à trouver des solutions. Il est bon aussi de communiquer avec l’école pour obtenir le soutien de son équipe de professionnels (psychologue, psychoéducateur, sexologue, intervenant en toxicomanie) et placer ainsi un filet de sécurité autour de notre jeune.
Même si les moments de découragement sont inévitables, on s’efforce de garder espoir. «Dans les tempêtes, il faut continuer à jouer son rôle parental en demeurant présent pour son enfant, en allant chercher l’aide nécessaire et en collaborant avec les intervenants, insiste Claudia Roy. De nombreux ados dévient du droit chemin pendant un certain temps, mais deviennent ensuite des adultes équilibrés.»
Marie-France, elle, a bien l’intention de ne pas lâcher, convaincue que son lien d’attachement avec sa fille peut aider celle-ci à cesser de consommer. «Je suis son pilier. Elle ne suit pas le chemin que j’aurais voulu, mais j’accepte ses erreurs et je vais continuer à l’accompagner dans son rétablissement.»