13 ans et plus
Adolescence, sexualité et internet
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Dans notre société, l’hypersexualisation chez les ados est omniprésente. Et les progrès de l'Internet n'ont fait qu'amplifier cette tendance.
D'une génération à l'autre, les adultes ont vu reculer les limites de la pudeur, de la décence et de la moralité. Les définitions se sont adaptées, mais les cloisons qui maintenaient les jeunes en dehors de ce monde s'abattent elles aussi. Aujourd'hui, adolescents et préadolescents sont abondamment exposés à des images à caractère sexuel.
Depuis quelques années, les sites Internet consacrés au sexe génèrent tellement d'argent qu'il ne faut pas s'étonner que leur nombre soit en croissance exponentielle. Pour les mêmes raisons, on ne doit pas s'attendre à ce que cette tendance se renverse bientôt.
Internet: un outil d'exploration sexuelle
Les jeunes sont curieux. C'est à la fois leur force et leur talon d'Achille. Internet leur offre des milliers, voire des millions d'avenues à explorer. À cette étape de leur vie, la sexualité occupe une place très importante et leur inexpérience dans ce domaine les amène à chercher sur Internet des informations qui vont de l'anodin à des sites extrêmes qui prétendent érotiser des comportements violents (menottes, coups, morsures, fouet) ou criminels (viols en direct, pédophilie). Ces sites sont si facilement accessibles que les adolescents y sont parfois exposés sans même les avoir cherchés au départ. Même les médias traditionnels (télévision, magazine, vidéoclips) présentent parfois des adolescents ou préadolescents dans des vêtements ou des situations érotiques pour vendre des produits.
Cette hypersexualisation fait éclater le cadre traditionnel et attribue maintenant un caractère sexuel à des objets, des comportements ou des personnes qui n'en possèdent pas en soi.
Empreintes laissées par la pornographie
À notre avis, cette hypersexualisation envahissante contamine la perception qu'ont les jeunes de la sexualité et aura des conséquences sur leurs rapports homme-femme à l'âge adulte, tout comme le cadre rigide et culpabilisant de la religion a laissé des traces sur la sexualité des gens qui ont grandi dans les années 50 et 60.
Le biologiste Konrad Lorenz, fondateur de l'éthologie, parle de moments-clés qui laissent des empreintes dans le développement d'un animal. Par exemple, lorsque le petit de l'oie cendrée sort de son oeuf, il considèrera comme sa mère la première chose qui bougera dans son environnement immédiat. De la même façon, une première excitation sexuelle va être marquante chez les jeunes et ce contexte spécifique sera érotisé et codé, laissant une empreinte dans leur mémoire. Ils seront d'autant plus impressionnables qu'ils n'ont aucune expérience préalable, donc un sens critique non développé, et qu'à cette étape de leur vie, leur physiologie sexuelle est en pleine ébullition. Chez les garçons, même une scène anodine peut provoquer une érection. Plus lente physiologiquement, la fille sera généralement moins excitée mais codera un comportement donné comme la norme. Parce qu'elle veut faire partie d'un groupe, séduire et conserver un partenaire, elle aura tendance à se conformer aux demandes du partenaire reliées à la norme qu'elle a enregistrée.
L'univers qu'on retrouve trop souvent sur Internet propose une sexualité adulte déviante avec des images fortes qui peuvent impressionner même un adulte expérimenté. Pour des jeunes plus vulnérables, ces images sont comme des virus informatiques qui s'insinuent dans l'imaginaire et influencent la perception qu'ils ont de la sexualité, souvent à long terme.
Le cyber fantasme: explicite et toxique
Les avancées technologiques permettent même des sites de partage vidéo qui ouvrent la porte à une banalisation du voyeurisme et de l'exhibitionnisme. N'importe quel individu peut aujourd'hui partager son intimité avec le monde entier. Les adolescents ont souvent de la difficulté à distinguer le fantasme de la réalité. Sur ces sites de partage vidéo, ils retrouvent des gens ordinaires, des jeunes de leur âge, dans des maisons qui ressemblent à la leur, impliqués dans des activités sexuelles explicites. Ils pourraient en conclure que c'est ainsi que les autres jeunes vivent dans cette «cyber-réalité» (Webcam) et voudront se conformer à cette norme.
Tout comme la «malbouffe», la pornographie apparaît comme un élément toxique dans le développement des adolescents. Ce modèle fausse souvent la réalité d'une véritable relation sexuelle. Par exemple, l'homme intègre l'idée qu'il doit pénétrer une femme pendant 30 à 60 minutes et que celle-ci doit hurler de plaisir à l'orgasme. Dans les faits, une pénétration qui dure plus de 5 à 10 minutes risque fort d'être irritante et d'entraîner des douleurs chez la femme. Ce modèle présente les partenaires comme des objets sexuels et non comme des personnes avec qui on partage une expérience sensuelle, sexuelle et humaine. C'est pourtant la qualité de la relation avec un partenaire sexuel qui apporte le plus de satisfaction, autant pour les hommes que les femmes.
Les effets pervers de la pornographie
Nous observons que les jeunes qui ont développé leur sexualité avec du matériel pornographique tendent souvent vers une escalade de situations de plus en plus stimulantes. Il leur en faudra toujours plus pour s'exciter et par la suite, une relation sexuelle «ordinaire» leur apparaîtra fade et terne. Ils ne jouiront pas, par exemple, du plaisir de sensations douces que procurent un effleurement, un souffle dans le cou.
Dans les partys, où la consommation effrénée d'alcool et de drogues fait tomber les inhibitions, les jeunes se retrouvent souvent impliqués dans des jeux sexuels empruntés au monde de la porno. Ils posent des gestes qu'ils n'auraient pas faits normalement et qui peuvent les perturber par la suite.
Éviter le piège de la banalisation
Dans notre société, la banalisation de l'hypersexualisation risque d'en faire une norme chez les adolescents.
De tout temps, les parents ont tenté d'encadrer les influences extérieures qui touchent leurs adolescents en leur inculquant des valeurs et des normes. Internet est une nouvelle influence extérieure qui s'insinue dans l'intimité des adolescents mieux que leurs parents. Ils en ont fait l'un des symboles d'identification de leur génération. Mais cette nouvelle influence extérieure, capable du meilleur comme du pire, est peu ou pas balisée par les parents.
Pour continuer à assurer la protection des enfants, il importe de reconnaître la gravité du problème de l'hypersexualisation des jeunes, de s'informer et de s'impliquer auprès des adolescents, d'afficher ses positions, de négocier ses limites, d'affirmer ses valeurs et de les faire respecter.
Suggestions
L'hypersexualisation des jeunes, UQÀM
«Sexy Inc.», nos enfants sous influence, réalisation: Sophie Bissonnette, Office national du film du Canada (ONF) ,35 min 27 s, 2007.