0-5 ans
Les troubles alimentaires chez les enfants d'âge préscolaire
iStockphoto.com Photographe : iStockphoto.com
Ils refusent de manger ou de goûter à certains aliments ? Les troubles alimentaires n’épargnent pas les nourrissons et les enfants d’âge préscolaire.
Décrits comme un problème qui nuit au processus d'alimentation normal, les troubles alimentaires toucheraient de façon mineure de 25% à 40% des nourrissons et des enfants d'âge préscolaire et de 40% à 70% des enfants prématurés ou atteints de maladies chroniques, selon la documentation médicale. Des chiffres qui seraient sous-estimés, d'après le Dr Glenn Berall. Le directeur médical de la clinique des troubles de l'alimentation du Holland Bloorview Kids Rehabilitation Hospital, à Toronto, rapporte que de 60% à 70% des parents d'enfants physiquement bien portants avaient déclaré dans des sondages que leur progéniture présentait des difficultés d'alimentation.
Le fait qu'il n'existe pas de définition standardisée pour décrire les troubles de l'alimentation chez les jeunes enfants contribue à maintenir la confusion. Mais en général, on parle de problèmes nutritionnels quand un enfant mange très peu ou un nombre limité d'aliments, refuse de goûter de nouvelles choses, perturbe le moment des repas ou montre peu d'intérêt pour le contenu de son assiette.
Les causes des troubles alimentaires
Si elles ne sont pas le fait de caprices d'un enfant gâté, les difficultés nutritionnelles peuvent être causées par des facteurs physiologiques, dont l'intolérance au lactose et les allergies aux protéines de lait, la présence de reflux gastro-œsophagien, un manque d'appétit, une immaturité du système digestif, un retard de la vidange gastrique, la présence d'une hyper ou d'une hyposensibilité (aux goûts, aux textures, à la température, aux odeurs ou à l'aspect des aliments), une mycose affectant la bouche (muguet ou candida), une anomalie physique, des troubles neurodéveloppementaux ou une maladie métabolique.
D'autres facteurs possibles sont des problèmes psychologiques ou comportementaux, comme la recherche d'autonomie et les interactions négatives entre la mère et l'enfant.
Les types de troubles alimentaires
Les problèmes nutritionnels chez les jeunes enfants peuvent être classés en six catégories, selon l'outil diagnostique IMFeD (Identification and Management of Feeding Difficulties), élaboré par Abbott pour aider les médecins à poser un diagnostic, explique le Dr Berall:
- Consommation sélective: refuse systématiquement certains aliments ayant un goût, une texture, une odeur ou une apparence particuliers. Éprouve souvent des malaises par rapport à une variété de sensations, qu'il s'agisse de bruits intenses, de saleté sur les mains, d'étiquettes sur les vêtements ou de lumière vive. Le refus va au-delà de la résistance normale aux nouveaux aliments.
- Impression de manque d'appétit résultant d'une perception erronée des parents: peut sembler avoir un faible appétit, lequel est en fait proportionnel à sa taille et à ses besoins, mais les parents ne peuvent s'empêcher de craindre qu'il ne mange pas assez bien.
- Manque d'appétit chez un enfant vigoureux: très actif et curieux, il ressent rarement la faim, a peu d'appétit, refuse souvent de s'asseoir à table pour manger ou est facilement distrait de son assiette par ce qui se passe autour de lui. Fréquemment remarqué lors de la transition entre l'alimentation à la cuillère et l'autoalimentation, soit entre six mois et trois ans.
- Crainte à l'égard de l'alimentation: peut pleurer à la vue de la nourriture et opposer une forte résistance à toute tentative d'alimentation. Semble avoir peur de mettre la nourriture dans sa bouche. Cette anxiété peut apparaître après une expérience traumatisante (alimentation de force, étouffement, vomissement, port d'une sonde nasogastrique, intubation, etc.). Dans les cas graves, l'enfant refuse toute nourriture.
- Manque d'appétit lié à une maladie organique: le refus des aliments ou le manque d'appétit peuvent être le signe d'un problème de santé sous-jacent. Si le médecin le soupçonne, il procédera à des tests et à des examens.
- Manque d'appétit chez un enfant apathique ou replié sur lui-même: se manifeste par l'absence de sourire, de babillage et de contact visuel avec la personne qui s'occupe de lui. Risque de perte de poids considérable et de malnutrition. Apparaît entre deux et huit mois.
Perte de poids et carence en nutriments
Les troubles alimentaires peuvent non seulement entraîner un apport nutritionnel insuffisant, mais aussi affecter la croissance et le développement psychocognitif à long terme. Une étude menée par la Dre Irene Chatoor, directrice du programme de santé mentale du nourrisson et du jeune enfant au Children's National Medical Center, à Washington, révèle que le score obtenu à l'indice de développement mental (MDI) par les enfants de un à trois ans difficiles à l'égard de la nourriture était de 14 points inférieur à celui obtenu par les enfants non difficiles.
Si les troubles alimentaires entraînent une perte de poids ou l'absence de gain de poids, qui mène à un éventuel retard de croissance staturo-pondéral, il est important d'augmenter l'apport calorique. Il faut alors modifier la diète de l'enfant en y intégrant davantage de matières grasses. Le Dr Berall indique qu'on peut se permettre d'ajouter quelques aliments à calories vides, le temps de rattraper le retard, à la condition que l'enfant consomme une variété d'aliments de tous les groupes.
Des études révèlent que les difficultés nutritionnelles peuvent entraîner des conflits au moment des repas et provoquer un sentiment d'anxiété chez le parent, qui pourrait être tenté de forcer l'enfant à manger.
Aider son enfant à surmonter son trouble de l'alimentation
Les thérapies comportementales, qui consistent souvent à interdire à l'enfant de ne pas se nourrir, se sont révélées les plus efficaces pour aider celui-ci à manger davantage. Les parents peuvent y contribuer en établissant des routines cohérentes et prévisibles pour les repas.
Quelques conseils:
- Limiter la durée des repas. Elle devrait être de 20 à 30 minutes, et de 15 minutes si l'enfant ne mange pas.
- Éviter les distractions (télévision, jeu, lecture d'une histoire) pendant qu'on est à table. Favoriser le calme.
- Les experts suggèrent d'adopter une attitude neutre par rapport aux comportements alimentaires de l'enfant et de ne pas trop le pousser, le critiquer, le stimuler ou le forcer à manger.
- Encourager l'enfant à se nourrir par lui-même et lui permettre de se salir un peu, en tenant compte de son âge.
- Présenter les nouveaux aliments à l'enfant un seul à la fois et jusqu'à 15 reprises avant de conclure qu'il n'en mangera pas.
Les équipes multidisciplinaires devraient aussi tenter d'aider les parents à réduire le stress qu'ils éprouvent, ce qui pourrait améliorer la situation lors des repas.
Lire aussi: Les troubles alimentaires existent aussi chez les hommes et Orthorexie: l'obsession de bien manger.
Le mérycisme et le pica
Deux troubles du comportement alimentaire de l'enfant sont très particuliers: il s'agit du mérycisme et du pica.
Le mérycisme, ou rumination, est la régurgitation active et répétée de nourriture, suivie de mâchonnements. Il apparaît après une période de fonctionnement normal, en général entre 3 et 12 mois. Les aliments partiellement digérés sont régurgités sans effort, sans nausée et sans dégoût en l'absence de maladie gastro-intestinale associée. Ils sont ensuite recrachés ou, plus souvent, remastiqués et ravalés. L'appétit n'est pas altéré, et pourtant, une absence de prise de poids, voire une perte pondérale, est notée. Le problème est rare et touche plus les garçons que les filles. Il survient dans des contextes de carence en matière de soins avec défaut de stimulation et trouble de la relation mère-enfant ou de trouble de l'attachement.
Le pica consiste en l'ingestion répétée de substances non comestibles. Le type de celles-ci varie avec l'âge. Les nourrissons et les jeunes enfants mangent du plâtre, de la ficelle, du tissu, des cheveux. Les plus âgés peuvent avaler du sable, des insectes, des feuilles, des cailloux. Ce comportement peut être considéré comme banal entre 6 et 12 mois, lorsque le bébé explore le monde en portant les objets à sa bouche. Il est considéré comme pathologique s'il devient fréquent, dure plus d'un mois ou est manifestement inadapté au stade de développement. Le pica survient souvent chez des enfants atteints de retard mental ou de trouble envahissant du développement.
Références
Feldman R, Keren M, Gross-Rozval O, Tyano S. Mother-child touch patterns in infant feeding disorders: relation to maternal, child, and environmental factors. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry. 2004; 43(9):1089-1097.
Kedesdy JH, Budd KS. Childhood feeding disorders. Baltimore: Paul H. Brookes, 1998; Manikam and Perman, 2000; Chatoor, 2002.
Lindberg L, Ostberg M, Isacson IM, Dannaeus M. Feeding disorders related to nutrition. Acta Pædiatrica. 2006; 95(4):425-429.
Dubois L, Farmer AP, Girard M, Peterson K. Preschool children's eating behaviours are related to dietary adequacy and body weight. Eur J Clin Nutr. 2007; 61:846-855.
Dubois L, Farmer AP, Girard M, Peterson K, Tatone-Tokuda F. Problem eating behaviors related to social factors and body weight in preschool children: a longitudinal study. Int J Behav Nutr Phys Act. 2007; 4:9.
Galloway AT, Fiorito L, Lee Y, Birch LL. Parental pressure, dietary patterns, and weight status among girls who are "picky eaters". J Am Diet Assoc. 2005; 105(4):541-548.
Chatoor I, Surles J. Ganiban J, et coll. Failure to thrive and cognitive development in toddlers with infantile anorexia nervosa. Pediatrics. 2004; 113(5):e440-447.
Farrow C, Blissett J. Does maternal control during feeding moderate early infant weight gain? Pediatrics. 2006; 118(2):e293-298.
Farrow C, Blissett J. Controlling feeding practices: cause or consequence of early child weight? Pediatrics. 2008; 121(1):e164-169.