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La sexualité des enfants: comment répondre à leurs questions?
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L’éveil à la sexualité des enfants peut mener à des situations cocasses ou embarrassantes pour les parents. Comment répondre à leurs questions sur le sexe et leur assurer un développement sexuel adéquat.
Aborder la sexualité avec son enfant est inévitable. Pourtant, c'est un sujet que bien des adultes ont du mal à évoquer avec naturel. «C'est souvent la peur de contaminer l'éveil et la sexualité future de l'enfant qui fait qu'on évite le sujet», constate Sophia Lessard, sexologue, maître en programmation neurolinguistique et hypnothérapeute. Il est en effet plutôt rare d'entendre des parents discuter avec un couple d'amis des épisodes masturbatoires de leur petite de trois ans! Par manque d'information, on a souvent l'impression d'être les seuls à vivre cette situation, déplore la sexologue. Alors que c'est tout le contraire.
Les enfants sont sexuels avant leur naissance
«La sexualité se développe dès la grossesse, alors que s'observent déjà plusieurs réponses physiologiques qui y sont liées», souligne Marie-France Viau, travailleuse sociale et consultante en sexologie au CHU Sainte-Justine. Dans ses premières années de vie, le bébé est une boule de sensations. Son éveil sexuel se fait d'abord avec son propre corps, qu'il explore avec ses mains et sa bouche (stade oral). C'est en général vers ses 18 mois que ses parents commencent à remarquer ses comportements sexuels, lorsque l'exploration du corps atteint les organes génitaux.
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Mon enfant se masturbe
La masturbation est une étape normale de l'éveil sexuel qui s'amorce souvent lorsque l'enfant atteint l'âge de deux ou trois ans. Si on trouve mignon que son petit découvre ses orteils ou ses oreilles, on peut être un peu plus gêné qu'il explore ses organes génitaux, surtout s'il le fait en public! Pourtant, son intention demeure bien naïve: il apprend à connaître son corps.
«Il n'y a aucun message interne ou fantasme associé à la masturbation enfantine», insiste Sophia Lessard. Ce comportement exploratoire peut cependant devenir une habitude si le parent n'intervient pas. «L'enfant a besoin d'une structure pour encadrer son éveil sexuel, d'où l'importance de lui parler», poursuit la sexologue. «Si on ne pose pas de limites, c'est notre petit qui risque d'en souffrir», ajoute Marie-France Viau. Le silence ouvre en effet la porte à des comportements considérés comme inappropriés, puisque l'enfant ne sera pas en mesure de faire la distinction entre chez lui et chez un ami, entre la solitude et la présence d'autrui.
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Les épisodes masturbatoires constituent de bonnes occasions d'expliquer à sa progéniture ce qu'est «l'intimité». Il faut cependant user de doigté pour que la notion ne soit pas comprise comme une nécessité d'aller «se cacher». L'enfant pourrait avoir l'impression que son comportement est mal puisqu'il doit s'isoler pour s'y adonner, souligne Sophia Lessard. «On peut expliquer que toucher son corps, c'est personnel, comme faire pipi, et qu'il y a des endroits pour le faire», suggère Marie-France Viau.
Maman, je veux être ton amoureux!
Sophia Lessard nuance la définition classique du complexe d'Œdipe énoncée par Freud au début du siècle dernier. Selon elle, il s'agit toujours d'un sentiment d'amour exagéré de la part de l'enfant, mais il est dirigé non plus vers le parent, mais vers l'adulte significatif de sexe opposé dans son entourage. Vu la réalité de la conciliation travail-famille, il n'est pas rare aujourd'hui que l'éducatrice en garderie ou le nouveau conjoint devienne l'objet de cet amour. Cette situation, aussi délicate soit-elle, permet de clarifier les rapports amoureux avec l'enfant et d'énoncer certaines règles de base, indique Marie-France Viau.
La réponse classique «je ne peux pas être ton amoureuse, car j'ai déjà un amoureux» n'est pas forcément la meilleure, puisqu'elle met l'accent sur la disponibilité. En cas de séparation, l'enfant pourrait déduire «qu'il a une chance». «On tentera plutôt d'expliquer qu'un adulte peut aimer de cette façon seulement un autre adulte, comme les girafes peuvent aimer seulement les autres girafes», suggère Sophia Lessard. Une réponse qui permet de structurer le concept d'amour et d'aborder la prévention des abus sexuels sans être alarmiste. «On peut ajouter que si un adulte dit à un enfant qu'il l'aime comme un amoureux, il faut en parler, parce qu'il n'a pas compris la règle», poursuit la sexologue.
On joue au docteur
Le fameux jeu du docteur survient généralement vers quatre à six ans (stade phallique). L'enfant réalise alors qu'il y a des différences entre garçons et filles, et que ses parents aussi sont sexués. «C'est pour s'informer, pour satisfaire sa curiosité, mais aussi pour se rassurer qu'il se compare aux autres», explique Sophia Lessard.
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Que faire si on surprend son petit à jouer au docteur? Inutile de grimper aux rideaux! C'est d'abord un signe qu'il est temps de lui parler des différences sexuelles et d'aborder avec lui la question de la croissance, recommande Sophia Lessard. Elle suggère entre autres de le faire en lisant des histoires qui explorent la sexualité.
Garçons et filles: est-ce qu'on est pareils?
Le stade qu'on qualifiait autrefois de latent (entre 6 et 12 ans) semble plutôt correspondre à une étape de raffinement, poursuit Sophia Lessard. «On choisit avec qui on s'amuse. C'est une période d'homosocialisation où les jeux sexuels se font plutôt entre enfants du même sexe.» On compare ses sous-vêtements et on trouve souvent inintéressants et «nonos» les jeunes du sexe opposé.
La préadolescence frappe souvent vers neuf ans. Les enfants veulent alors profiter des privilèges des adolescents sans avoir la maturité nécessaire pour le faire, explique Marie-France Viau. Les fillettes ne réaliseront pas, par exemple, l'effet de leur habillement sur leur entourage. C'est une période où le rôle des parents est très important et où l'encadrement doit s'effectuer dans la nuance.
On s'inquiète si...
«Si notre enfant adopte des comportements qui appartiennent à la fantaisie des adultes, il faut investiguer», souligne Sophia Lessard. Certains gestes peuvent également devenir problématiques s'ils ne se produisent pas dans des relations d'égal à égal. C'est le cas par exemple si un enfant subit le désir de jouer de l'autre. «Les jeux sexuels doivent aussi se faire entre jeunes du même âge», précise Marie-France Viau.
Dans tous les cas, il faut laisser la porte ouverte à la discussion. Lorsque l'enfant pose une question sur la sexualité, on peut d'abord lui demander ce qu'il en pense. «Très souvent, on lui déballe toutes les étapes du développement sexuel alors qu'il ne cherchait qu'une petite partie de la réponse», remarque Marie-France Viau. Entre la grossesse d'une amie et le changement de couche du plus jeune, la vie présente souvent de belles occasions de parler tout naturellement de sexualité avec son enfant.
Suggestion de lecture
La découverte de la sexualité et ses mystères, Sophia Lessard, Éditions Sexprime, 2001.
Ma sexualité de 0 à 6 ans, Jocelyne Robert, Les Éditions de l'homme, 1985.
Lire aussi: Au secours, mon enfant mord à la garderie et La première relation sexuelle.
Le saviez-vous?
Les enfants peuvent avoir un orgasme aussi facilement qu'un adulte. Sophia Lessard le qualifie toutefois d'orgasme réflexe, puisqu'il n'est pas fantasmé.