Entretien
Entretien ménager: est-on devenu trop propre?
Un environnement trop aseptisé...
Notre obsession de la propreté pourrait-elle affaiblir notre système immunitaire? Si l'on en croit l'épidémiologiste britannique, David Strachan, oui! En 1989, ce dernier a élaboré l'hypothèse qu'une faible exposition aux microbes durant la petite enfance, causée notamment par la propreté à outrance dans nos logis, affaiblirait le système immunitaire de l'enfant, en plus de favoriser le développement d'allergies et de certaines pathologies, comme l'asthme. Selon Jean-Marc Leclerc, conseiller scientifique à l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), cette hypothèse, appelée «théorie hygiéniste», fait l'objet de nombreuses études. «Des chercheurs ont constaté que les enfants en contact avec des animaux de ferme développent moins d'asthme que les autres enfants. Par ailleurs, le fait de ne pas être le premier de la famille serait un autre facteur aidant, car on se retrouve alors en contact avec les microbes d'autres enfants. L'hypothèse est actuellement au coeur d'un débat scientifique.»
Les chiffres semblent valider la théorie hygiéniste. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) rapporte que la prévalence de l'asthme augmente partout dans le monde. Actuellement, quelque 300 millions de personnes en souffrent. Au pays, Santé Canada estime que 2,7 millions d'adultes et d'enfants (de quatre ans et plus) font de l'asthme. Le ministère ignore la cause exacte de l'asthme, mais attribue plutôt la maladie à une combinaison de plusieurs facteurs: hérédité, pollution de l'air, squames d'animaux domestiques, fumée de cigarette et exposition aux agents allergènes.
...ou pas assez
Paradoxalement, d'autres études indiquent qu'une bonne hygiène rime avec santé. «Dans les maisons propres, il y aurait moins d'acariens et de moisissures, deux causes fréquentes d'allergies», indique Patrick Gautreau, conseiller principal à la recherche et à la diffusion de l'information, à la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL). Ce lucratif filon est d'ailleurs exploité abondamment par les fabricants de produits nettoyants qui moussent les vertus de la «surpropreté». Et ça marche! Auparavant, il suffisait d'utiliser de l'eau et du vinaigre pour laver le comptoir. Maintenant, on a l'impression que seuls les produits très forts
version «améliorée» et solvants) et les produits antibactériens peuvent venir à bout des microbes.Des «supermicrobes»
Pourtant, le microbiologiste Stuart Levy, de l'Université Tufts, à Boston, croit que l'usage répandu de produits antibactériens favoriserait le développement de «supermicrobes» résistant aux antibiotiques. Les savons antibactériens tueraient les «bonnes» bactéries et favoriseraient la création de nouveaux types plus forts et plus dangereux de bactéries. Selon le docteur Lévy, les bactéries ont un rôle positif à jouer en renforçant le système immunitaire.
Qu'en est-il réellement? Lyse Lefebvre, pharmacienne à la Direction Toxicologie humaine de l'INSPQ, signale que les produits nettoyants chimiques très forts et les antibactériens ne devraient être utilisés que pour les personnes dont le système immunitaire est très affaibli. «Quoique, la plupart du temps, l'eau de javel suffise pour désinfecter à peu près n'importe quoi», fait-elle observer.
On y va mollo
Une autre bonne raison de mettre la pédale douce est que les produits très forts peuvent être nocifs. Plusieurs experts ont établi une corrélation entre l'exposition à certaines substances chimiques et l'augmentation de certaines maladies, comme l'asthme, les allergies, le cancer et les problèmes de fertilité. Malgré cela, Santé Canada estime que les nettoyants chimiques domestiques sont inoffensifs, à condition de suivre le mode d'emploi. Lyse Lefebvre ne croit pas, non plus, qu'il faille interdire les nettoyants chimiques. «Cependant, on doit s'en servir avec parcimonie. C'est clair qu'on utilise trop de produits nettoyants, note-t-elle. Surtout, qu'on ne connaît pas leurs effets combinés sur la santé. Toutefois, on sait très bien que certains d'entre eux polluent l'air intérieur, ce qui irrite les voies respiratoires et cause de l'asthme.»Prudence avec les COV
Au banc des accusés figurent les produits d'entretien ménager – surtout les solvants – qui dégagent des composés organiques volatils (COV). «Ces substances restent en suspension cinq heures dans l'air et pourraient être dommageables», souligne Lyse Lefebvre. Si on les emploie à tous les jours, par exemple, on respire littéralement un cocktail chimique, surtout si les fenêtres sont fermées. Les COV sont toxiques pour la santé. Ainsi, le benzène utilisé dans des assainisseurs d'air et des encens est considéré comme cancérigène. Les nonylphénols éthoxylés, qu'on trouve dans des détergents pour la lessive et des nettoyants tout usage, pourraient à très fortes doses perturber le système endocrinien et endommager les reins. Le toluène présent dans des nettoyants tout usage est un puissant neurotoxique. Le formaldéhyde, le crésol, le phénol, les phtalates, le naphtalène et la paradichlorobenzène, présents dans des nettoyants chimiques font aussi partie des COV.
Quoi choisir?
Le hic est qu'il est difficile de savoir quels produits utiliser. Environnement Canada dispose bien d'une liste des ingrédients toxiques à éviter, mais celle-ci sera inutile si on connaît mal les produits chimiques. De toute façon, même si on la consultait, les étiquettes comportent peu de renseignements sur les ingrédients en raison de la concurrence. On doit donc demander à l'entreprise de nous faire parvenir la liste des ingrédients. On peut également opter pour des produits plus écologiques qui affichent tous les ingrédients. Il est souvent mentionné que ces produits sont sans parfum, sans COV, sans ingrédients pétrochimiques, sans chlore et sans phosphates. Ces deux dernières substances ne sont pas nocives pour la santé, mais elles sont nuisibles à l'environnement.
Du savon et de l'eau
Que le produit soit écologique ou non, Lyse Lefebvre conseille de choisir les savons simples et doux; leur texture ressemble à celle des savons à vaisselle. «Un savon liquide épais n'est pas volatil. Donc, si on ne le respire pas et si on ne le mange pas, les risques de contamination sont très faibles.» Elle estime qu'on devrait nettoyer avec un détergent puissant seulement quand la saleté ne part pas. «Un peu d'eau, un linge propre et du savon suffisent dans 99 % des cas.» Même son de cloche de la part de Patrick Gautreau. «Il faut utiliser les produits à usage courant.» Il conseille aussi d'aérer plutôt que de vaporiser, et d'éviter l'emploi de chandelles parfumées, de désodorisants pour la maison et d'assainisseurs d'air. «Une maison propre est une maison qui ne sent rien!» Enfin, on laisse retomber la poussière. On nettoie en profondeur les pièces très utilisées une fois par semaine, et une fois par quinzaine ou moins, autrement.
Pour en savoir plus
Les produits d'entretien chimiques ne sont pas sans tache
Réduire les contaminants chimiques dans votre maison
Nettoyants écologiques – recettes de base (Greenpeace)
Notre obsession de la propreté pourrait-elle affaiblir notre système immunitaire? Si l'on en croit l'épidémiologiste britannique, David Strachan, oui! En 1989, ce dernier a élaboré l'hypothèse qu'une faible exposition aux microbes durant la petite enfance, causée notamment par la propreté à outrance dans nos logis, affaiblirait le système immunitaire de l'enfant, en plus de favoriser le développement d'allergies et de certaines pathologies, comme l'asthme. Selon Jean-Marc Leclerc, conseiller scientifique à l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), cette hypothèse, appelée «théorie hygiéniste», fait l'objet de nombreuses études. «Des chercheurs ont constaté que les enfants en contact avec des animaux de ferme développent moins d'asthme que les autres enfants. Par ailleurs, le fait de ne pas être le premier de la famille serait un autre facteur aidant, car on se retrouve alors en contact avec les microbes d'autres enfants. L'hypothèse est actuellement au coeur d'un débat scientifique.»
Les chiffres semblent valider la théorie hygiéniste. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) rapporte que la prévalence de l'asthme augmente partout dans le monde. Actuellement, quelque 300 millions de personnes en souffrent. Au pays, Santé Canada estime que 2,7 millions d'adultes et d'enfants (de quatre ans et plus) font de l'asthme. Le ministère ignore la cause exacte de l'asthme, mais attribue plutôt la maladie à une combinaison de plusieurs facteurs: hérédité, pollution de l'air, squames d'animaux domestiques, fumée de cigarette et exposition aux agents allergènes.
...ou pas assez
Paradoxalement, d'autres études indiquent qu'une bonne hygiène rime avec santé. «Dans les maisons propres, il y aurait moins d'acariens et de moisissures, deux causes fréquentes d'allergies», indique Patrick Gautreau, conseiller principal à la recherche et à la diffusion de l'information, à la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL). Ce lucratif filon est d'ailleurs exploité abondamment par les fabricants de produits nettoyants qui moussent les vertus de la «surpropreté». Et ça marche! Auparavant, il suffisait d'utiliser de l'eau et du vinaigre pour laver le comptoir. Maintenant, on a l'impression que seuls les produits très forts
version «améliorée» et solvants) et les produits antibactériens peuvent venir à bout des microbes.Des «supermicrobes»
Pourtant, le microbiologiste Stuart Levy, de l'Université Tufts, à Boston, croit que l'usage répandu de produits antibactériens favoriserait le développement de «supermicrobes» résistant aux antibiotiques. Les savons antibactériens tueraient les «bonnes» bactéries et favoriseraient la création de nouveaux types plus forts et plus dangereux de bactéries. Selon le docteur Lévy, les bactéries ont un rôle positif à jouer en renforçant le système immunitaire.
Qu'en est-il réellement? Lyse Lefebvre, pharmacienne à la Direction Toxicologie humaine de l'INSPQ, signale que les produits nettoyants chimiques très forts et les antibactériens ne devraient être utilisés que pour les personnes dont le système immunitaire est très affaibli. «Quoique, la plupart du temps, l'eau de javel suffise pour désinfecter à peu près n'importe quoi», fait-elle observer.
On y va mollo
Une autre bonne raison de mettre la pédale douce est que les produits très forts peuvent être nocifs. Plusieurs experts ont établi une corrélation entre l'exposition à certaines substances chimiques et l'augmentation de certaines maladies, comme l'asthme, les allergies, le cancer et les problèmes de fertilité. Malgré cela, Santé Canada estime que les nettoyants chimiques domestiques sont inoffensifs, à condition de suivre le mode d'emploi. Lyse Lefebvre ne croit pas, non plus, qu'il faille interdire les nettoyants chimiques. «Cependant, on doit s'en servir avec parcimonie. C'est clair qu'on utilise trop de produits nettoyants, note-t-elle. Surtout, qu'on ne connaît pas leurs effets combinés sur la santé. Toutefois, on sait très bien que certains d'entre eux polluent l'air intérieur, ce qui irrite les voies respiratoires et cause de l'asthme.»Prudence avec les COV
Au banc des accusés figurent les produits d'entretien ménager – surtout les solvants – qui dégagent des composés organiques volatils (COV). «Ces substances restent en suspension cinq heures dans l'air et pourraient être dommageables», souligne Lyse Lefebvre. Si on les emploie à tous les jours, par exemple, on respire littéralement un cocktail chimique, surtout si les fenêtres sont fermées. Les COV sont toxiques pour la santé. Ainsi, le benzène utilisé dans des assainisseurs d'air et des encens est considéré comme cancérigène. Les nonylphénols éthoxylés, qu'on trouve dans des détergents pour la lessive et des nettoyants tout usage, pourraient à très fortes doses perturber le système endocrinien et endommager les reins. Le toluène présent dans des nettoyants tout usage est un puissant neurotoxique. Le formaldéhyde, le crésol, le phénol, les phtalates, le naphtalène et la paradichlorobenzène, présents dans des nettoyants chimiques font aussi partie des COV.
Quoi choisir?
Le hic est qu'il est difficile de savoir quels produits utiliser. Environnement Canada dispose bien d'une liste des ingrédients toxiques à éviter, mais celle-ci sera inutile si on connaît mal les produits chimiques. De toute façon, même si on la consultait, les étiquettes comportent peu de renseignements sur les ingrédients en raison de la concurrence. On doit donc demander à l'entreprise de nous faire parvenir la liste des ingrédients. On peut également opter pour des produits plus écologiques qui affichent tous les ingrédients. Il est souvent mentionné que ces produits sont sans parfum, sans COV, sans ingrédients pétrochimiques, sans chlore et sans phosphates. Ces deux dernières substances ne sont pas nocives pour la santé, mais elles sont nuisibles à l'environnement.
Du savon et de l'eau
Que le produit soit écologique ou non, Lyse Lefebvre conseille de choisir les savons simples et doux; leur texture ressemble à celle des savons à vaisselle. «Un savon liquide épais n'est pas volatil. Donc, si on ne le respire pas et si on ne le mange pas, les risques de contamination sont très faibles.» Elle estime qu'on devrait nettoyer avec un détergent puissant seulement quand la saleté ne part pas. «Un peu d'eau, un linge propre et du savon suffisent dans 99 % des cas.» Même son de cloche de la part de Patrick Gautreau. «Il faut utiliser les produits à usage courant.» Il conseille aussi d'aérer plutôt que de vaporiser, et d'éviter l'emploi de chandelles parfumées, de désodorisants pour la maison et d'assainisseurs d'air. «Une maison propre est une maison qui ne sent rien!» Enfin, on laisse retomber la poussière. On nettoie en profondeur les pièces très utilisées une fois par semaine, et une fois par quinzaine ou moins, autrement.
Pour en savoir plus
Les produits d'entretien chimiques ne sont pas sans tache
Réduire les contaminants chimiques dans votre maison
Nettoyants écologiques – recettes de base (Greenpeace)