Animal
Comment s'y prendre avec un chien tannant
IStock Photographe : IStock
On rêvait d'une bête mignonne et sage, mais voilà que Chien-Chien jappe après la poussière, se sauve à la première occasion, grimpe sur les invités et... vient de gruger notre paire de sandales préférées. Il ne le sait sans doute pas, mais il est à un cheveu d'être renvoyé!
«Pour éviter d'en arriver là, il faut comprendre comment pense un chien et réagir en conséquence», lance Jean Lessard, éducateur canin à l'émission Animo, à Radio-Canada. Et, souligne-t-il, il n'y a pas de raccourci: «Il faut y mettre les heures et les efforts, et voir cela comme un investissement dans notre relation avec l'amour poilu de notre vie.» Combien d'heures? «Moi, je réponds que choisir d'avoir un chien, c'est un mode de vie.»
Le Dr Michel Cosimano, médecin vétérinaire, indique qu'il n'est pas superflu de lire un brin sur les caractéristiques des différentes races avant de faire un choix. «Cela peut éviter un mauvais match entre une famille pantouflarde et un teckel, chasseur dans l'âme! Un bon éducateur canin peut venir à bout de toutes sortes de personnalités, mais il n'est pas bête de se rappeler qu'il sera d'abord et avant tout là pour nous éduquer», indique-t-il. Car il semble que, pour tout cabot désobéissant, il y ait un maître délinquant!
Pour compliquer les choses, même si les chiens comprennent à peu près tous la même chose (dans l'ordre: l'émotion, le geste, puis, de manière accessoire, la parole), ils ont des personnalités différentes et des traits génétiques particuliers. Bref, notre chien est un être à part entière, qu'il importe d'apprendre à connaître... et à respecter! «Lors d'une première rencontre, je me préoccupe d'abord de l'état de la relation entre l'humain et le chien. Le but, c'est de vivre une relation juste, équitable et agréable pour les deux partenaires.»
Punir ou pas?
La condition, si on veut punir un chien pour ce qu'il fait, c'est de le faire pendant qu'il le fait. On a 4/10 de seconde pour réagir et permettre au chien de faire une association entre son comportement et la conséquence (la conséquence pouvant être un renforcement ou une punition). Par exemple, s'il s'enfuit chez le voisin, pour qu'une punition soit comprise, il faudrait être caché et l'attendre sur place (si on court après, c'est du renforcement). Si notre punition n'est pas simultanée à l'acte répréhensible, elle est effectivement vaine... ou ne sert qu'à se défouler. Et dans ce dernier cas, il faut faire attention qu'il n'enregistre pas la peur de son proprio qui se pointe...
La Dre Diane Franck, professeure agrégée en médecine du comportement à la Faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe, va dans le même sens: «La punition enseigne à l'animal ce qu'on ne veut pas, mais elle n'enseigne pas de nouveaux comportements pour remplacer ceux qui sont indésirables. Il s'agit donc d'informations partielles pour le chien. Une action ou un comportement qui a une conséquence positive ou bénéfique a plus de chances d'être répété qu'une action ou un comportement qui a une conséquence neutre ou négative.»
Choisir un bon éducateur
Les vétérinaires ont accès à des listes d'experts dont les méthodes sont approuvées par l'Association de médicine vétérinaire du Québec, affirme le Dr Michel Pépin, vétérinaire et directeur général de l'Association des médecins vétérinaires du Québec. «Il est prouvé que les corrections physiques augmentent les réactions agressives chez les chiens. Nous mettons en garde les propriétaires qui seraient tentés d'utiliser certaines techniques de "dressage canin" qui représentent non seulement un danger pour l'animal, mais un risque accru pour leur propre sécurité. À titre d'exemple, la notion du mâle alpha, qui assujettit le chien à outrance afin de l'obliger à se résigner par la crainte, est complètement dépassée et même dangereuse. Des trucs pour bien choisir son éducateur? Nous recommandons d'assister à une séance, de parler à un ex-client ou de s'informer autour de nous dans les parcs à chiens, par exemple. De plus, on ne devrait pas s'inscrire pour une longue période - pas au-delà de 6 à 10 semaines -, même sous prétexte d'économiser.»
Les gadgets : pour ou contre?
Collier anti-aboiements, clôture virtuelle, Thundershirt, harnais Halti... ces outils peuvent-ils aider? Un éducateur canin qui prône le conditionnement positif sera très sélectif quant à l'utilisation de gadgets, et ceux qui font mal seront d'emblée mis de côté. Certains apprécient les effets du harnais Halti, d'autres observent que le Thundershirt semble avoir réussi à calmer l'anxiété chez certaines bêtes. Les avis diffèrent, les expériences aussi, mais un élément demeure: un gadget ne remplace jamais la relation qu'il faut développer avec notre chien. Et, qu'on se le dise, pour devenir le meilleur ami du chien, il n'y a que l'amour et le temps qui comptent vraiment
Psychologie animale 2.0
Après le règne de Cesar Millan, qui prônait le respect du mâle alpha (le maître devant prouver au chien qu'il est le chef incontesté de la meute) et l'apprentissage par la punition et la coercition, la mode est actuellement à l'éducation et au renforcement positif. Certains éducateurs, comme Jean Lessard, n'hésitent pas à appuyer sur la sémantique. «Je ne parle jamais de maître, mais de proprio, insiste-t-il. Je ne fais pas de commandes au chien, mais bien des demandes et je n'exige pas du chien qu'il obéisse, mais bien qu'il réponde.» La philosophie qui prévaut derrière un tel virage repose sur deux principes qui disent, en gros: 1, acceptez que vous ne contrôlez pas le comportement de votre chien, alors, contrôlez les conséquences afin d'orienter ses comportements; 2, renforcez ce que vous aimez et ne renforcez pas ce que vous n'aimez pas.
Mathieu Lavallée a à son actif plus de 2 000 consultations canines à domicile, dont quatre saisons d'interventions auprès du public dans le cadre de l'émission Maître chez soi, à Canal Vie. Il note que, trop souvent, les gens tiennent à modifier un comportement chez leur animal. «Avant de vouloir le changer, il faut d'abord nourrir la relation avec son chien, note-t-il. Votre chien vous observe sans cesse. Il n'a que cela à faire! Il connaît vos humeurs, vos impatiences, et il sait comment vous faire plaisir. Vous, savez-vous lui faire plaisir?» La question fait sourire. Pourtant, savoir faire plaisir à l'animal est primordial dans le processus d'éducation. «Les gros bobos que j'observe sont relationnels plus que comportementaux, poursuit-il. J'enseigne aux gens à récompenser l'effort. Il ne s'agit pas de dire au chien ce qu'il ne doit pas faire, mais bien d'attendre le bon comportement ou de le provoquer de manière intelligente - et hop! on récompense. Plus la demande est difficile, plus la récompense doit faire plaisir. Le chien qui jappe à la porte ne se laissera pas dissuader avec une carotte, mais il se peut bien qu'un morceau de foie ait raison de ses choix. Ensuite, il ne reste qu'à lui proposer une seconde récompense, pour souligner la bonne décision qu'il vient de prendre.»
À titre d'illustration, nos experts répondent à quelques questions concernant des problèmes spécifiques.
«Faut-il commencer l'apprentissage jeune?»
Les intervenants s'entendent pour dire que la première étape d'apprentissage, la socialisation, doit avoir lieu avant 16 à 18 semaines. Il s'agit de mettre le chiot en contact avec toutes les situations de vie auxquelles il fera face: les humains, les autres chiens, la voiture, le parc, la cour arrière, sa cage, sa laisse, les lieux publics. Si cette période est mal assimilée, on assiste ensuite à de possibles problèmes de comportement. «Omettre l'éducation du chien en début de vie risque d'hypothéquer notre potentiel de bonheur avec notre animal pour les 15 prochaines années», résume Jean Lessard.
«Les cours sont-ils vraiment nécessaires?»
On trouve le coût trop élevé? «Il y a des coûts reliés à la joie d'avoir un chien, réplique le Dr Cosimano. Il faut savoir que plus l'animal est gros, plus il coûte cher à nourrir, à bichonner et à soigner. On peut compter un investissement financier de 9 000 $ à 12 000 $ pour un chien en santé qui vivra une douzaine d'années. L'investissement ne se résume pas au coût d'achat! La première année, en plus de la nourriture, il faut penser aux vaccins de base, aux accessoires... et à l'éducation.»
«Mon chien est-il trop vieux pour comprendre?»
«Un chien n'est jamais trop vieux pour comprendre ce qu'on lui demande », répond d'emblée Mathieu Lavallée, qui avoue aimer travailler avec des chiens plus âgés. «À cinq ans, le chien est mature et il a eu le temps de calmer sa folie. Ce sont là des caractéristiques intéressantes pour obtenir son attention. De plus, on est en mesure de mieux comprendre sa personnalité.» Oui, à cet âge, le chien a pris certaines habitudes qui peuvent nous déplaire, mais, selon les éducateurs, il existe toujours des stratégies pour lui communiquer des manières de faire différentes. «Moi, je viens de retourner à l'université, ajoute Jean Lessard, dont les tempes commencent à grisonner! Il n'y a pas d'âge pour apprendre!»
«Mon chien refuse de venir quand je l'appelle»
Il nous attire la colère des voisins? «Viens» est une des premières demandes qui doivent être enseignées au chien, pendant ou après la socialisation. «Viens» signifie pour le chien qu'il cesse de courir, qu'il cesse de jouer, qu'il quitte ses amis chiens, qu'il remet la laisse. Il importe donc d'associer l'exécution du commandement à quelque chose de joyeux. Comme on l'a dit, lorsque le chien arrive au pied, on a exactement 4/10 de seconde pour réagir et faire en sorte qu'il associe la récompense à sa bonne action. Une fois la demande comprise, on varie les récompenses, y allant parfois de simples félicitations. Pour éviter l'embonpoint, au lieu de gâteries, on peut utiliser sa moulée sèche, qu'on lui remet à la pièce tout au long de la journée.
«Mon chien se sauve à la première occasion»
Le chien ne se sauve pas, il veut simplement se balader. Fait-il assez d'exercice? A-t-il la chance de courir chaque jour? Si la réponse est oui, alors un renforcement plus positif que l'idée de la balade est de mise. On pense à sa collation préférée - en allant jusqu'à irrésistible, s'il le faut - et lorsque la porte s'ouvre, on lui en offre un morceau en l'incitant à faire demi-tour.
«Mon chien tire tout le temps sur sa laisse»
Il veut aller quelque part. On découvre où! Est-ce cet arbre auquel grimpe toujours le même écureuil? Si oui, on demande à Fido de répondre à une demande bien précise - «Assis», par exemple - et comme récompense, une fois qu'il nous a accordé son attention, on lui permet de satisfaire à sa curiosité. Cela renforce le lien de confiance entre notre animal et nous. À pratiquer en lieu sûr, et non en plein carrefour.
«Mon chien jappe pour tout et pour rien»
Ce serait génial si c'était un intrus, mais quand c'est le voisin qui arrose ses fleurs, c'est moins drôle. En laisse, confiné à la maison ou dans sa cage, le chien inhibe bien des besoins. Il faut lui offrir des activités épanouissantes en retour. Japper est un signe de distanciation par rapport à nous, ou de frustration. Aboyer, détruire, déchiqueter sont des actions qu'il entreprendra d'instinct pour dépenser son énergie. De même, pour protéger nos chaussures, mallettes de cuir et autres objets tentants, on offre une activité plaisante à notre chien.
«Mon chien refuse la cage»
C'est la guerre des nerfs! L'utilisation de la cage en notre absence protège notre relation en évitant au chien de faire des gaffes. C'est donc une étape importante de son apprentissage, qu'il importe de ne pas bâcler. Pourquoi ne pas l'y mettre avec un jouet, une gâterie, ou même l'y caresser un peu avant de «disparaître». On allonge notre absence de manière graduelle. Et on évite d'aller chercher un chiot qu'on devra enfermer en cage pendant 12 heures d'affilées au lendemain de son arrivée parmi nous.
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