Loisirs et culture
Rencontre avec Stéphane Bellavance
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Tête d’affiche de VRAK.TV pour toute une génération d’ados, l’animateur touche un public plus large avec Par ici l’été, la nouvelle quotidienne estivale de ICI Radio-Canada.
Parmi les ados qui l'ont suivi pendant 15 ans, certains sont aujourd'hui trentenaires. «Dis pas ça! Ça me donne le vertige!» lance l'animateur. Chez les fans de VRAK, ils sont nombreux à avoir vieilli avec lui et à aimer son authenticité, peut-être la qualité qui a tissé son succès.
Stéphane, lui, n'hésite pas à dire que, s'il se retrouve cet été à la tête d'une quotidienne, c'est «peut-être un peu grâce à Pénélope McQuade». L'an dernier, alors qu'il s'apprêtait à coanimer son show de fin de soirée, elle lui a demandé: «Aimes-tu mieux lire les dossiers de recherche ou nous la jouer kamikaze?» Stéphane a perçu qu'elle trouvait plus excitant qu'il adhère à la seconde option. «Comme je ne savais rien à l'avance au sujet des invités, j'ai dû être hyper à l'écoute! Je pense que ce naturel-là a plu aux dirigeants des Variétés. Je ne savais tellement rien qu'un soir j'ai demandé à Antoine Bertrand, croisé dans les coulisses, ce qu'il faisait de bon dans les parages. Il m'a répondu: "Ayoye! Une chance que tu suis ton show! Je suis un de tes invités!"»
Mais l'histoire de Stéphane Bellavance n'est pas un success story en ligne droite. Il a dû s'y reprendre à deux fois avant d'être accepté dans le programme d'interprétation théâtrale du Collège Lionel-Groulx... pour se désister aussitôt. «Je manquais trop de maturité.» Il a donc dû repasser les auditions une troisième fois! Son diplôme en poche, il n'était pas au bout de ses peines. «J'avais résisté à ma mère, plus jeune, qui essayait de me convaincre de me faire un back-up en enseignement. "Non, ça va m'éloigner de mon but." Ensuite, quand tu te retrouves devant rien, c'est d'autant plus difficile.»
Pour tenir le coup, il a fait toutes sortes de jobines, puis il est devenu serveur au défunt bistro La Bécane Rouge, juste en face du Théâtre Denise- Pelletier. «Quelle mauvaise idée! Tous les jours, je servais des comédiens. Quand je servais Luc Picard, un côté de moi se disait que j'étais ainsi plus proche des artistes... mais quand arrivaient des Maxime Denommée, des Sébastien Ricard, du monde de mon âge, ça faisait mal!»
Des débuts cahoteux
Lorsque le micro de l'animation s'est pointé, il ne s'est pas fait prier. C'était au tournant de l'an 2000. Quelque temps avant le fameux appel, il avait dû se résigner, devant une tuque à 40$, à se procurer un couvre-chef cheapette pour une fraction du prix. «Mes parents m'aidaient, mais quand tu n'es plus capable de t'acheter une tuque, c'est comme un signe qui dérange. Sauf que j'étais assez passionné pour attendre, recommencer, accepter les refus et mal gagner ma vie. J'aurais fait un bon ingénieur mécanique. Techniquement bon, mais dans mon coeur, j'aurais été profondément malheureux.» Il n'hésite pas à dire que c'est l'animation qui l'a choisi. Mais il est loin de pratiquer ce métier par dépit. «Je me trouve chanceux parce qu'il y a pas mal moins d'animateurs que d'acteurs et, donc, plus de job pour moi.» Encore sa propension à voir le bon côté de la vie. Il a fait de même lorsque, à ses débuts, il a dû essuyer ses premières critiques. On était loin de l'ère des médias sociaux: l'équipe de production affichait les messages sur un tableau. «Mon personnage s'appelait Fred. Le message disait: "C'est vraiment bon ce que vous faites. Sauf que... je connais pas le gars qui fait Fred, mais sortez-le de là, ça presse!" J'étais sonné.» Ne pas tenir compte de la chose? Ce serait mal le connaître... «J'avais truffé mon vocabulaire de mots d'ados, poursuit Stéphane, alors que je ne parle pas comme ça dans la vraie vie. C'est là que je suis passé d'animateur qui essaie de jouer à l'ado à animateur qui s'intéresse à eux. C'est différent. J'ai compris qu'animer pour des ados ou pour des adultes, c'est le même travail. Il faut connaître ses sujets, être préparé, et traiter son public avec respect et honnêteté. Le but, c'est d'être le plus sincère possible. Les ados sont des détecteurs de vérité très sensibles. Si tu les niaises, tu vas être out rapidement.»
À 40 ans, il excelle depuis 3 saisons à la barre de l'émission Arrange-toi avec ça. Il s'agit d'un concept israélien adapté pour les adolescents. Un genre d'Insolences d'une caméra, dans laquelle ce sont des ados qui sont piégés ou alors qui agissent, coachés par Stéphane, pour piéger une personne de leur choix. Il coanime aussi, avec Martin Carli, Génial!, à Télé- Québec, et s'émeut devant les ingénieurs, les chimistes et autres scientifiques dont le moteur ultime est de trouver des solutions pour améliorer notre quotidien. «Ce sont des gens passionnés et passionnants. La rencontre avec la communauté scientifique est un cadeau de la vie!»
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L'amour sur un plateau
Son métier a tellement été une corne d'abondance pour lui qu'il s'est même mêlé de ses amours! C'était à Méchant changement, à VRAK.TV. L'idée était de refaire des chambres d'ados - il faut savoir que Stéphane est un fin bricoleur. Stéphanie Castonguay, designer, faisait partie de l'équipe. «Au début du show, on a fait des photos. Quand son tour est venu, je me souviens de m'être senti tellement bien à côté d'elle! Je ne sais pas si ça s'appelle un coup de foudre, mais je me souviens des premières nuits blanches avec la job le lendemain, ces nuits auxquelles seuls les amoureux sont capables de faire face. Dix ans plus tard, on élève deux enfants - Mathis, huit ans, Nathan, six ans -, on rame dans le même sens, on fonctionne en équipe, et on est bien ensemble. Ma blonde, c'est mon associée dans toutes les sphères de ma vie. C'est mon agente, mon amie, mon amante et la meilleure mère que j'aurais pu choisir pour mes enfants. Je l'accompagne de mon mieux pour son entreprise de design. Je ne jure pas qu'il ne nous arrivera rien, mais je n'ai pas peur d'affirmer qu'elle et moi, c'est pour toujours.
Nos deux fils, on voudrait qu'ils aient toutes les possibilités. Je suis touché par cette citation qui provient d'un documentaire sur une pianiste londonienne de 106 ans, La dame du 6: "Ce qu'on apprend à l'école est important, mais encore plus important est l'atmosphère intellectuelle dans la maison de ses parents." Je ne possède pas toute la culture générale que j'aimerais pouvoir transmettre à mes fils. Je ne suis pas un grand lecteur, je ne suis pas un universitaire et je ne suis pas intellectuel. Mais j'aimerais que mes fils soient curieux, cultivés, allumés.»
Et il les voudrait heureux! «Ce n'est pas un voeu banal. Arriver au bonheur, avec tout le bling-bling qui nous est présenté, c'est de l'ouvrage en chien! Faut que tu sois en accord avec toi-même, avec l'endroit où tu vis, avec qui tu partages ta vie... C'est pas évident pantoute, pantoute! La vie offre trop de stimuli, trop de solutions dans la consommation, dans les applications Web, dans l'éphémère. C'est l'entreprise d'une vie, être heureux! Et on commence à inculquer cette idée-là à nos enfants. Je regarde mes parents: ils ont 75 ans, et ils sont heureux! Ils ont bien réussi leur vie, et aujourd'hui, ils récoltent. Ça fait 50 ans qu'ils sont ensemble. C'est inspirant! Je vais tout faire pour que leur histoire se transmette de génération en génération.»
En rafale
- Mon principal trait de caractère: jovial
- La vertu que je préfère chez les autres: l'empathie
- Mon principal défaut: c'est-tu l'impatience ou le manque d'organisation, mon numéro un?
- Ce que j'apprécie le plus chez mes amis: leur disponibilité
- Mon activité préférée quand je ne travaille pas: être dans mon garage!
- Mon rêve de bonheur: je suis avec ma blonde, on se berce sur un balcon, dans un endroit bucolique, on est dimanche aprèsmidi, nos enfants s'en viennent souper à la maison. Ils sont heureux. On l'est aussi.
- Si je pouvais faire une gaffe et ne pas en subir les conséquences: je conduirais tellement un gros camion!
- Un héros dans la fiction: Sol, dans mon enfance. On est loin des Spiderman, hein?
- Si je rencontrais Stéphane Bellavance à 18 ans, je lui dirais: ouvre tes yeux et tes oreilles, ferme ta boîte et apprends! À 18 ans, j'avais tendance à prendre beaucoup de place, à parler plutôt qu'à écouter...
- Si Dieu existe, j'aimerais l'entendre me dire au moment de ma mort: s'il est là à ma mort, c'est moi qui veux lui parler! J'aurais deux mots à lui dire sur tous les laissés-pour- compte, les civils victimes des guerres, les enfants laissés dans les rues... J'espère que Dieu ne s'occupe pas de moi: j'en ai pas besoin. Il a des choses pas mal plus urgentes à régler.
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