Loisirs et culture
Mots droits, mots croches
Photographe : Babel, par Bruegel
Du temps qu'il était drôle, Woody Allen a écrit quelque part qu'on avait inventé l'italique pour que les comédiens de théâtre arrêtent de dire les indications scéniques. En ces temps où l'on débat de charte, je pense à l'italique. Pourquoi? Parce que, dans un texte, traditionnellement, l'italique sert à signaler, distinguer, marquer (entre autres) les mots étrangers. • Pour obtenir cette saveur, ajoutez du nuoc-mam. • Plusieurs businessmen japonais meurent de karoshi. • Une assiette de radicchio. Est-ce eux, les mots étrangers, qui pavanent leur différence dans cet habit incliné, différent de la norme? Ou bien est-ce nous qui leur imposons ce statut de guingois qui les ghettoïse en quelque sorte?
Bien sagement, la langue, qui en a vu d'autres (des millénaires de jactance, ça laisse des traces), ne prend pas position. «J'en ai pris plein le baba à Babel, bougonne-t-elle, échaudée d'avoir trop échafaudé. Alors, pas question que je m'en mêle, ma belle!» Toujours est-il qu'à Coup de pouce, au fil des ans (nos lectrices de longue date l'auront sûrement remarqué), l'italique disparaît graduellement. Les al dente, edamame, sauce hoisin et compagnie sont maintenant bien intégrés, affirmant leur différence non pas dans leur habit typographique mais dans la touche de saveur qu'ils ajoutent au plat. Puissions-nous trouver au quotidien une solution aussi élégante que dans les livres!
Dans une prochaine intervention: le gras, ce gros bruyant qui prend la place de deux dans les articles.