Loisirs et culture

Ma télé bien-aimée

Ma télé bien-aimée

istockphoto.com Photographe : istockphoto.com Auteur : Coup de Pouce

Compagne de nos soirées et des matinées des mousses, elle fait partie de la famille. Comment imaginer la vie sans elle, avouez. Toute timide dans ma L'Assomption natale, j'étais loin de me douter qu'elle me ferait gagner ma vie, une fois devenue grande. Qu'elle serait celle par qui vous me saluez à l'épicerie, par qui vous vous demandez où vous avez vu ma binette et qui m'attire parfois d'étonnants commentaires tels: «Vous êtes plus belle en vrai!» ou encore: «Ça doit être vrai que la télé donne 10 livres, vous êtes toup'tiiiiite!»

Assise dans les marches du sous-sol de la banlieue qui m'a vue grandir, chaque dimanche soir, j'étirais la sauce pour regarder les stars de l'improvisation imaginée par feu Robert Gravel s'évertuer à ce jeu impitoyable. Sur l'écran coiffé d'oreilles de lapin, c'était alors Radio-Québec qui diffusait ces performances uniques. Diane Jules, Sylvie Potvin, Raymond Legault, sa soeur Sylvie, Robert Lepage... J'ai vu là les plus belles prouesses d'acteurs. La fébrilité des joueurs perçait l'écran de la Zenith couleur. L'excitation était palpable. Je priais pour qu'Yvan Ponton, vêtu de son gilet zébré, pige une comparée de 5 minutes. Je volerais ainsi à la nuit quelque mille secondes de plus, en comptant le caucus et le vote. Le bonheur.

Assise dans ces marches habillées de tapis marron losangé d'ocre et de blanc, toute fascinée devant ce jeu qui m'intriguait et m'attirait comme un aimant, j'étais loin de me douter que je foulerais à mon tour la patinoire quelque 15 ans plus tard. Je ne fais plus d'impro. Ça me rend malade, peu attirée que je suis par l'imprévu sans filet.

Plus tard, le dos calé dans un sofa vintage avant l'heure, j'ai détesté et aimé à la fois Jean-Paul Belleau. Son interprète allait m'enseigner le jeu des années plus tard. J'allais même partager avec lui les papillons caractéristiques d'un soir de première au théâtre et jouer son amoureuse éperdue sur les planches. Qui m'aurait dit...

La série Avec un grand A de notre Janette nationale est, j'en suis persuadée, celle qui m'a inconsciemment donné le goût du jeu. Qui a semé en moi ce besoin de faire vivre et ressentir. D'être une sorte de courroie de transmission de l'émotion.

Auprès de ma mère, j'ai apprivoisé le parler franc et imagé de Victor-Lévy Beaulieu, faisant connaissance avec l'unique Jean-Louis Millette, le plus grand que nature Gilles Pelletier, admirant un Yves Desgagnés au charme dévastateur et son délectable «ostie toasté des 2 bords». Aujourd'hui un ami, il m'a confié les plus beaux rôles du théâtre russe et m'a ainsi permis de partager la scène entre autres avec monsieur le Ministre lui-même, Michel Dumont, et l'inoubliable Fanfreluche.

L'Héritage. Des dames de coeur. La Bonne Aventure. Le Temps d'une paix. Le Parc des Braves. Des téléromans de «grands» que j'avais le droit de regarder. Ma mère avait-elle saisi mon intérêt, ma fascination pour ce médium avant le temps?

Avant de devenir une étoile de plus dans le ciel, ma grand-maman Estelle m'aura vue dans son téléroman préféré, partageant l'écran avec son beau Alain Zouvi! J'entrais dans la télé par la grande porte en jouant dans 4 et demi aux côtés de Rosanna elle-même...

La télé comme un aimant, comme vecteur d'émotions. Je ne croyais pas qu'elle aurait un si grand impact sur moi. Je dis toujours que je n'ai su que bien tard que je voulais faire ce métier. En jetant ce regard rétrospectif, je me demande si ma télé bien-aimée ne savait pas déjà, elle, tout l'effet qu'elle avait sur moi. Chère madame, si c'est vrai que la télé donne 10 livres, ça doit être 10 livres d'amour.

Catherine Trudeau 

 

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