Loisirs et culture
L'univers culinaire des Chefs
Maxime Juneau Photographe : Maxime Juneau
Giovanni Apollo: s'inspirer des gens
Ses parents voulaient qu'il devienne prêtre, avant que son amour pour la cuisine ne se transforme en vocation. Pour lui, inventer des plats n'est pas une question de tendance, mais de coeur.
Quelles étaient les odeurs et les saveurs de votre enfance en Italie? Le pain frais et la sauce tomate. Mais aussi la mer, les oliviers. Un mélange d'odeurs qui me manque beaucoup.
Qui cuisinait à la maison? La mamma! La cuisine est une religion en Italie. Je viens d'une région très matriarcale. Les femmes font la cuisine pendant que les hommes jasent au salon. Mon père n'a jamais cuisiné.
Puisque la cuisine était interdite aux hommes, comment êtes-vous tombé amoureux du métier de chef? Un enfant n'est pas un homme. À six ans, je voulais être cuisinier. J'étais jeune, alors ma mère me permettait de l'observer. Quand mon père a appris mes intentions, sa réaction a été de me demander si j'aimais les femmes et si je n'appréciais pas la cuisine de ma propre mère. Il m'a même envoyé consulter un prêtre!
Aimez-vous cuisiner en couple? Absolument! C'est meilleur que le sexe! Il faut cependant respecter quelques règles: faire la mise en place et cuisiner ensemble, et miser sur les forces de chacun. Ainsi, si le résultat est moyen, on ne peut pas critiquer l'autre.
Faites-vous la cuisine avec vos enfants? Sans hésitation. Ma fille de 15 ans et mon garçon de 6 ans partagent régulièrement la préparation des repas. Il faut juste adapter les tâches en fonction de leur âge. Quand on fait des pâtes fraîches, je ne laisse pas mon fils tourner le laminoir: c'est trop exigeant. Je profite de ces moments pour leur parler des produits, de leur provenance, de comment les gens les cultivent. Mon fils est capricieux, et cuisiner avec lui a été une bonne tactique pour l'intéresser à ce qui se trouve dans son assiette.
Quelles sont les tendances à venir en cuisine? Ça ne m'intéresse pas! Pour moi, ce ne sont que des courants passagers. On a envie d'essayer de nouvelles choses, mais on s'en lasse rapidement. La cuisine est émotive. Il n'y aura jamais rien de mieux que les plats qui vous rappellent votre enfance. Le courant alimentaire n'a de vrai pouvoir que par l'intérêt qu'on y porte.
D'où vient votre inspiration? Des gens. Des femmes surtout. Lorsque je rencontre quelqu'un, son énergie, la texture de sa peau, tout m'inspire un mélange unique. Je traîne souvent un calepin et un crayon pour noter des idées. En ce moment même, je crée une recette que vous m'inspirez...
Martin Juneau: cuisiner simplement
Martin Juneau collectionne honneurs et éloges. Gagnant du Championnat culinaire canadien 2011 et propriétaire du restaurant Le Pastaga, il mène plusieurs projets de front, autant en cuisine qu'à la télévision. Malgré cette aura de succès, le jeune papa de 35 ans garde les pieds sur terre.
Petit, quel était votre rapport à la nourriture? On ne peut plus commun. J'ai été élevé dans une famille où on mangeait du pâté chinois ou du spaghetti. On n'allait pas souvent au restaurant et je ne m'intéressais pas particulièrement à la nourriture. Cependant, la légende veut qu'à deux ans, j'aie montré à mon père comment concocter un macaroni au fromage.
Être chef n'était donc pas un rêve de petit garçon? Loin de là. Je souhaitais devenir auteur de bandes dessinées. À l'école, les profs me laissaient crayonner pendant leurs cours. C'est lorsque j'ai décroché un emploi d'été à la plonge dans un resto que j'ai eu la piqûre pour l'art culinaire. L'ambiance des cuisines m'a séduit. Les gens semblaient bien s'amuser.
Un plaisir que vous essayez de transmettre à vos deux filles? Léonie n'a que quelques mois: je devrai attendre pour l'initier à ma passion. Simone, deux ans et demi, est curieuse: elle sait déjà comment se tenir au restaurant, elle comprend le concept. Par contre, je ne cuisine pas souvent avec elle. Elle est en plein dans son terrible two!
Honnêtement, Simone préfère les repas de maman ou de papa? Ceux de maman, évidemment! J'essaie de trop en faire, de travailler les textures, de faire des purées d'herbes. Ça ne l'intéresse pas. La simplicité des lunchs de ma conjointe, Gabrielle, est beaucoup plus adaptée à son âge.
Vos saveurs ou aliments fétiches? Tomate, tomate et tomate! Rien ne rivalise avec des pâtes et une compote de tomate en guise de sauce. L'oignon est un autre aliment que j'adore cuisiner. En ce moment, je redécouvre le tabasco et la sauce de piment sriracha, un produit thaïlandais.
Les essentiels de Giovanni Apollo
Les ingrédients: «Huile, vinaigre, fleur de sel. Une huile d'olive pas chère pour la cuisson et une autre aromatique de bonne qualité. Un vinaigre riche pour les réductions et un autre, plus subtil et fruité. Et la fleur de sel parce que, tant qu'à saler, aussi bien utiliser un produit de qualité.»
Les accessoires: «Couteaux, poêles et casseroles. Le reste est superflu. Il faut quatre couteaux: à émincer, de chef, un plus grand et rigide, et finalement un économe. Pour les poêles, on oublie les trucs hyper lourds et coûteux. La priorité, c'est d'avoir une bonne poêle avec laquelle on est à l'aise et qu'on aimera manipuler. On termine avec trois casseroles de grandeurs différentes.»
Une astuce pour être efficace: «Toujours faire une mise en place avant de cuisiner, c'est-à-dire sortir tous les ingrédients et les préparer. On rate moins nos cuissons de cette façon.»
Une recette infaillible: «Un gâteau minute. On monte 80 g de blancs d'oeufs au mélangeur. Quand il y a de grosses bulles, on ajoute délicatement 120 g de chocolat fondu. On met le tout dans un ramequin, on cuit 10 secondes au micro-ondes, et on obtient un gâteau au chocolat décadent!»
Une recette pour dépanner: «Le «touski» (tout ce qui se trouve dans le frigo). Les gens viennent pour nous voir et non pour juger notre menu. Faire de petites crêpes, c'est simple et rapide, et on y ajoute n'importe quelle garniture. Lorsque les gens viennent chez moi à l'improviste, ils ne mangent pas de foie gras!»
Les trucs de Martin Juneau
Deux astuces pour être bien organisé: «Primo: nettoyer la cuisine au fur et à mesure. Le poste de travail doit être impeccable en tout temps. Deuxio: dresser des listes de travail, pour l'épicerie, le menu, etc. À mon avis, les listes sont essentielles.»
Les accessoires indispensables: «Je vous en propose quatre. Les maryses, ces spatules souples qui servent à racler nos bols. Elles permettent de ne pas gaspiller nos purées, sauces ou préparations à gâteau. Un mélangeur, parce que ça permet de gagner du temps (un modèle de base fait l'affaire). Un linge sec et propre. Il époussette le poste de travail en un tour de main et remplace même les mitaines de four. Et finalement, un bon couteau bien affûté. Ça, c'est non négociable!»
Les épices essentielles pour cuisiner: «Le sel et le poivre. Quand on les maîtrise, on peut commencer à aller ailleurs. Les épices, pour moi, ce n'est pas important. Ce n'est pas la base de ma cuisine. J'en utilise très peu à part ces deux-là. Je préfère les herbes comme la coriandre, le persil ou la ciboulette. Ça ajoute plus de fraîcheur que les épices.»
L'erreur la plus fréquente en cuisine: «Il y en a deux: ne pas assez assaisonner et trop cuire nos protéines. Quand vous faites un plat, goûtez! Vous avez le droit de déroger de la recette pour l'assaisonner davantage. Quant à la cuisson des protéines, c'est juste un manque de connaissances. On a tellement peur de ne pas assez cuire. On devrait entailler la chair au couteau pour vérifier la cuisson.»
Un produit qui n'entrera jamais dans votre cuisine: «Les produits bas de gamme. Je pense à toutes les céréales chimiques qui font l'envie des tout-petits ou aux produits de fromage cuisiné. Des trucs artificiels, quoi!»