Loisirs et culture

Jen Kish: un parcours inspirant et atypique

Jen Kish: un parcours inspirant et atypique

Jen Kish, capitaine de l’équipe de rugby féminine Photographe : Annie-France Charbonneau Auteur : Annie-France Charbonneau

 
«Je suis là devant vous avec ma médaille de bronze au cou. Pourtant, pour moi, c’est une médaille d’or. Ce n’est pas la couleur de la médaille qui compte. C’est toute l’histoire qui est derrière.» Quelle est la sienne, son histoire?
 

C’est avec ces phrases que Jen Kish, la capitaine de l’équipe de rugby à 7, s’est d’abord adressée à nous lors d’un panel de femmes aux parcours inspirants et atypiques auquel j’ai assisté mercredi, à Rio. À ses côtés étaient assises Rafaela Silva, la jeune femme originaire d’une favéla qui a ému tout le Brésil en remportant leur première médaille d’or, au judo, et Kristin Armstrong, une Américaine de 43 ans, médaillée d’or pour ses troisièmes Jeux consécutifs, en cyclisme sur route, à l’épreuve du contre-la-montre. Invité par Always, dans le cadre de leur campagne #commeunefille, le président du Comité olympique international, Mark Bock, est aussi venu leur rendre hommage. «Vous n’êtes pas qu’un modèle pour votre sport, vous êtes des modèles d’inspiration pour toutes les athlètes féminines,» leur a-t-il dit.

 

Plus tard, j’ai demandé à Jen: alors toi, quelle est l’histoire derrière cette médaille?

J’ai été élevée par un père monoparental, et j’ai un frère aîné. On était pauvre et mon père a travaillé très fort pour pouvoir subvenir à nos besoins. Il est d’ailleurs un super bel exemple pour moi. Tout ce que faisait mon frère, je voulais le faire aussi. Il faisait du taekwondo, j’ai voulu en faire. Quand il a commencé à jouer au football, je l’ai suivi. Je voulais rivaliser avec lui constamment, l’affronter et il m’a laissé le faire tout en me protégeant. Il m’a permis de jouer avec ses amis. Il me présentait comme sa petite sœur et il leur disait de ne pas me juger par ma queue de cheval ou parce que j’étais une fille. Il leur disait qu’ils allaient voir que je pouvais jouer. Ça m’a donné beaucoup de courage et ça m’a prouvé que je pouvais faire tout ce que je voulais si je le souhaitais vraiment.

Toute ma vie j’ai essayé de faire comme les gars. Mais je sais maintenant que les filles peuvent faire tout ce que les gars font et même mieux. Quand je jouais au football, plus jeune, il y avait aussi d’autres filles qui jouaient avec les garçons. Quand j’ai voulu entrer dans une certaine école secondaire pour y jouer dans leur équipe de football, on m’a répondu que je ne pouvais pas parce que j’étais une fille. J’ai essayé de défendre le fait que j’étais une athlète d’abord, que j’avais ma place dans une équipe de gars et que c’était ma passion. Mais ils ont trouvé toutes sortes d’excuses: le vestiaire ne peut pas être mixte, il faudrait te trouver un autre entraîneur, on ne voulait pas de problèmes d’intimidation et tout ça. Je n’ai pas accepté leurs raisons et je me suis tournée vers le collège où mon frère jouait et les gars m’ont très bien acceptée. J’ai joué les meilleurs matchs de ma vie avec eux, avec seize gars qui me traitaient comme l’une des leurs, qui ne faisaient pas de différence parce que j’étais une fille. C’est très confrontant de se faire dire qu’on ne peut pas faire ce qu’on veut à cause de notre sexe. J’étais de niveau et c’est tout ce qui aurait dû compter.

Je me souviens qu’avant cette période, vers mes 13 ans, ça a été plus difficile, je devais me prouver davantage. Ils n’avaient jamais vu ça, une fille qui voulait jouer au football. On me disait que ce n’était pas un sport pour moi. Un jour, je suis rentrée à la maison et j’ai dit à mon père: «Je pense que je devrais abandonner le football. Ce n’est pas pour moi, je n’ai pas ma place. On ne me veut pas dans leur équipe.» Il m’a répondu: «Jen, tu as assez de talent, tu es capable de jouer à leur niveau, ignore-les. Tu n’as qu’à leur prouver. Une fois qu’ils t’auront vue, ils réaliseront que tu as bien ta place avec eux.» Je suis partie avec ça, le support de mon père et ses mots. Mais il a fallu que je leur prouve et j’ai gagné leur respect. C’est toujours comme ça : une fois que tu te prouves, là, ils te traitent d’égal à égal.

Le chemin que j’ai parcouru pour devenir une médaillée de bronze aux Olympiques n’a pas été facile. J’ai rencontré beaucoup d’échecs. Il faut être capable de regarder bien au-delà de ces moments difficiles. Ce n’est pas parce qu’on n’y arrive pas la première fois, ni la deuxième… c’est en continuant à travailler fort qu’on va atteindre ses buts. Les rêves se réalisent quand on y met du sien. Je pense que j’en suis la preuve.

Mon père était là lorsqu’on a remporté la demi-finale et c’était incroyable. Je l’ai pris dans mes bras et je lui ai dit merci pour tout, sans son support je ne serais pas ici. Il a été mon roc toutes ces années. Il m’a laissé être ce que je voulais être, il a respecté ma façon de m’habiller, m’a élevée sans stéréotypes, m’a permis de développer ma confiance, m’a encouragée  à poursuivre mes rêves. Grâce à lui, je suis fière de ce que je suis aujourd’hui.

 

 

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