Loisirs et culture
Êtes-vous atteint de gestionnite?
On gère tout. Notre temps, notre travail, nos émotions, nos finances, notre anxiété, nos relations amoureuses, notre poids, nos ruptures, nos réseaux sociaux, nos deuils, notre santé, notre alimentation, nos enfants, leurs amitiés et j’en passe. En entreprise, on gère même les imprévus, les crises, l’incertitude et les paradoxes, c’est tout dire.
On a délaissé le politique, l’émotion, les idées et même le rêve pour embrasser le managérial. Mais comment en sommes-nous arrivés à croire que tout était gérable? Que tout pouvait et devait être contrôlé, aménagé et rentabilisé? La « gestionnite », cette propension à recourir aux principes de gestion pour résoudre tous nos problèmes, serait une pathologie des entreprises transmissible aux humains, explique Michel Perreault, docteur en psychologie, professeur au département de psychiatrie de l’Université McGill et chercheur à l’Hôpital Douglas, dans son livre « Je ne suis pas une compagnie! ». La croyance dans les vertus de la gestion a atteint un tel degré de popularité dans le milieu corporatif qu’elle s’est répandue chez les individus. Lors de l’écriture de son livre, Michel Perreault a dénombré un peu plus de 500 ouvrages publiés en français, dont le titre comportait le mot « gérer ». Plus de la moitié se rapportait à de multiples préoccupations personnelles, témoignant ainsi de la volonté populaire à vouloir les gérer. Vivre nos deuils et profiter de nos enfants ne suffisent plus. On veut un rendement garanti. Et dès qu’on rencontre un problème, on blâme le gestionnaire, c’est-à-dire nous-mêmes. Comme le suggère l’auteur, ne serait-il pas plus approprié de vivre pleinement nos amours, nos joies et nos peines, plutôt que de les gérer? Juste vivre. Est-ce encore possible? Perreault, Michel.
Je ne suis pas une compagnie! L'intrusion des valeurs corporatives dans notre intimité. Stanké. 2011.