Vie de famille

Des fesses, partout des fesses!

Des fesses, partout des fesses!

Des fesses, partout des fesses! Photographe : Shutterstock Auteur : Andrée-Anne Guénette

L'hypersexualisation de nos filles: un sujet infini, déprimant, qui nous inspire de longues conversations au bureau.

On se désole de voir que nos filles doivent se mesurer à des idéaux de beauté standardisés et impossibles. On se dit qu'elles devraient avoir le droit d'être qui elles sont, d'apprendre à s'aimer telles qu'elles sont, que collectivement, on doit apprendre à les encenser pour QUI elles sont, célébrer leurs talents, leurs cerveaux, leur joie de vivre plutôt que de s'empêcher de manger et se faire vomir pour ressembler à leurs vedettes préférées. On dit tout ça, entre nous, en se secouant la tête.

C'est donc dommage, c'est donc difficile d'élever des filles aujourd'hui! Et, par extension, d'être une jeune et même une moins jeune femme aujourd'hui. Essayez donc de regarder les dernières vidéos de la rappeuse américaine Nicki Minaj ou de la chanteuse latina Jennifer Lopez sans avoir envie de pleurer le sort des filles d'aujourd'hui. Je vous épargne quelques minutes et je dévoile le punch: des fesses, des fesses, encore des fesses! Pire encore: des fesses aux dimensions pratiquement impossibles, défiant toutes les lois de la physique, deux gros ballons gonflés à l'hélium. Des gros, gros plans sur des femmes légèrement vêtues qui se brassent le derrière avec une énergie considérable. Regardez pas ça au bureau: des plans pour vous faire accuser de visionner de la porno sur vos heures de travail.

Bon, on s'insurge, comme cette mamie dont la réaction à Nicki Minaj est devenue virale. Pis après, on fait quoi? Il est là le noeud du problème. Quand on s'élève sur notre perchoir pour juger sans apporter de solutions, en agitant notre index avec désapprobation telle une voisine malcommode avec des lunettes sur le bout du nez, tout ce que les autres voient, c'est un double menton avec un gros poil noir qui pousse dessus. C'est une image un peu brute, mais c'est vrai. Allez, essayez donc de vous dire féministe sans passer pour une espèce de  vieille schnouk, ces temps-ci.

C'est un mot guindé, vieux jeu, un mot d'intellectuelles qui se pensent meilleures que les autres. Un titre réservé aux femmes frustrées, mal aimées (pour ne pas dire l'autre affaire), des femmes qui n'aiment pas les hommes, qui en ont peur, qui seront donc jamais contentes ou qui sont justes jalouses d'être grosses, moches, pas populaires, pas célèbres, pas riches, pas adulées. Ou encore, féministe, c'est un mot maltraité, malmené, une fausse promesse de pouvoir se faire aller le derrière tout en clamant haut et fort que notre corps est à nous, qu'on peut en faire ce qu'on veut et qu'on a beau se promener pratiquement à poil sur une scène comme Nicki Minaj, comme Miley Cyrus ou comme Jennifer Lopez, suffit qu'on lance un "girl power" quelque part là-dedans pour qu'on vende bien l'illusion d'une femme au sommet. Pleinement en contrôle de son image, de sa carrière, de ses millions.

Je n'élève pas des filles. Si j'avais des filles, je leur martèlerais tous ces messages sur l'importance de se respecter, de ne pas se vendre à rabais pour 15 minutes de gloire, de faire primer qui elles sont sur l'image qu'elles projettent. Mais j'élève des garçons et je vous dis que ça m'inquiète, peut-être même plus. Ils sont trop petits pour regarder des vidéos comme ça (du moins, tant que j'ai le contrôle sur les écrans), mais je ne sais pas comment je leur expliquerai ça quand ils seront plus vieux, hormonaux et pleins de désirs qu'ils seront trop immatures pour comprendre et maîtriser.

Quelle image de l'amour pourrait supplanter celle-là, qui ira se coller au fond de leur cerveau, leur enseignant que les femmes sont des objets qui se font aller le popotin pour les exciter, mais à qui on a enseigné qu'être féministe, c'est de les envoyer promener à la dernière minute après les avoir émoustillé bien comme il faut?

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