Santé
Syndrome de l'intestin irritable: est-ce que ça se soigne?
Istockphoto.com Photographe : Istockphoto.com
Dans la majorité des cas, le syndrome de l’intestin irritable (SII) est relativement facile à soigner. Première étape: évaluer ses habitudes de vie.
Modifier ses habitudes de vie et d'alimentation, contrôler son stress, autant de stratégies qui s'avèrent souvent capables de contrôler la grande majorité des symptômes du syndrome de l'intestin irritable (SII) chez la plupart des patients.
Des aliments en cause dans le SII?
Condition de l'appareil digestif, le SII est souvent influencé par des habitudes alimentaires. Dans certains cas, une diététiste peut donner des conseils déterminants. Par exemple, l'ingestion des gras (qui ralentissent la digestion et sensibilisent l'intestin), la consommation de fibres (utiles, mais en quantité raisonnable) ainsi que celle des aliments fermentescibles (qui favorisent donc les gaz et le ballonnement) sont habituellement à revoir. Il est certain que les aliments fermentescibles comme les légumineuses et les fruits confits risquent de créer une distension des intestins qui sera mal tolérée chez le sujet hypersensible davantage que chez le sujet normal. De la même façon, les symptômes de l'intolérance au lactose pourront être ressentis avec plus de violence chez le patient hypersensible. D'où l'importance d'optimaliser notre régime alimentaire pour éviter d'agresser les intestins trop sensibles.
Souvent, cependant, ce n'est pas un aliment spécifique qui est en cause, mais la sensibilité particulière de l'intestin qui est incapable de tolérer des aliments à première vue inoffensifs: un jour, l'intestin peut bien décider de refuser le poulet qu'il avait pourtant bien digéré la veille!
La psychothérapie au secours des intestins
Chez de nombreuses personnes, le stress et l'inconfort psychologique ont souvent un effet direct sur le tube digestif. Le comédien a des papillons dans l'estomac avant d'entrer en scène; la personne terrorisée sentira son tube digestif remué par des vomissements et des diarrhées tout en éprouvant des palpitations cardiaques et des sueurs froides; le voyageur aux prises avec des changements d'habitude de vie éprouvera fréquemment de la constipation, etc.
Des intestins hypersensibles pourront évidemment ressentir plus violemment les mouvements intestinaux liés au stress. Tout comme la diététique cherche à minimiser l'impact alimentaire, la prise en charge psychologique pourra s'avérer utile pour prévenir les troubles intestinaux liés au stress.
De nombreuses approches psychothérapeutiques (relaxation, hypnose, thérapie béhaviorale, thérapie interpersonnelle, relation d'aide, psychanalyse, etc.) se sont avérées capables d'atténuer le SII. On ne croit pas qu'il existe une seule méthode spécifiquement efficace, mais qu'une combinaison de facteurs qui incluent la collaboration et l'acceptation du patient face à sa thérapie seront déterminants dans la réponse à la prise en charge psychothérapeutique. Le bain d'algues, si relaxant pour certains, peut au contraire être exaspérant pour d'autres qui, eux, trouveront peut-être leur relaxation dans la boxe! La meilleure thérapie sera difficilement efficace si le thérapeute est perçu comme un ennemi. Le courage, dit-on, n'est pas l'absence de peur, mais bien la volonté de la surmonter... La peur: encore un facteur aggravant pour les intestins!
Parmi les conditions psychologiques qui favorisent un tractus gastro-intestinal harmonieux, on peut aussi suggérer l'activité physique, qui, chez certaines gens, aidera à remettre bien des bobos à plat lorsqu'elle est pratiquée de manière régulière.
Des médicament, si le problème persiste...
On pourra tenter de régulariser les mouvements intestinaux en freinant des intestins trop actifs ou en accélérant des intestins paresseux. Les antispasmodiques (BentylolMD, BuscopanMD, ModulonMD, DicetelMD, IberogastMD, ImodiumMD, etc.) peuvent être utiles pour relaxer l'intestin et soulager les crampes ou douleurs. Accélérer l'intestin ralenti, à l'aide de fibres ou de certains laxatifs, peut également s'avérer efficace.
Le ballonnement abdominal, qui survient souvent avec une distension inconfortable de l'abdomen, est une plainte fréquemment accusée qui peut être difficilement contrôlable. On cherchera par des modifications diététiques à diminuer la production de gaz intestinaux, en réduisant les aliments fermentescibles ou en corrigeant la malabsorption de lactose ou d'autres sucres. On pourra aussi tenter de neutraliser les gaz fabriqués dans l'intestin à l'aide de substances telles le charbon de bois ou la siméthicone. Les gaz sont habituellement fabriqués par les bactéries intestinales: s'il faut penser modifier sa flore intestinale, on aura recours soit aux probiotiques (bactéries habituellement vendues dans les magasins d'alimentation naturelle) soit, dans de rares cas, aux antibiotiques.
Du nouveau dans le traitement du SII
L'approche la plus logique serait évidemment de corriger la sensibilité anormale de l'intestin. Malheureusement, à l'heure actuelle, nous n'avons pas ce médicament miracle, même si de nombreux chercheurs dans le monde s'acharnent sur ce concept depuis cinq ou dix ans. Les molécules chimiques responsables de la transmission de la douleur de l'intestin (lieu d'origine de la douleur) vers le cerveau (lieu où est perçue la douleur) ne sont certainement pas toutes connues, mais on sait que la sérotonine est ici impliquée. Pour agir sur les agents chimiques transmetteurs de la douleur, les médicaments du type antidépresseur sont fréquemment utilisés. Nous avons observé, par exemple, que l'amitriptyline (ElavilMD) pouvait, chez certains malades, corriger l'hypersensibilité intestinale et avoir un effet bénéfique remarquable. Malheureusement, ce médicament, même dans les petites doses prescrites pour le SII, n'est pas toléré par tous et n'est pas actif chez tous (pour des raisons qu'on cherche encore à comprendre). Les médicaments agissant sur la sérotonine utilisés pour le traitement de la dépression (ProzacMD, PaxilMD, CelexaMD, etc.) semblent aussi être utiles cliniquement, même si leur mécanisme d'action demeure encore vague.
Des traitements sur mesure
Il est important de se souvenir que le traitement du SII doit être «personnalisé». Il n'existe pas de recette magique, unique pour tous: la communication avec votre médecin est essentielle pour établir un bon diagnostic, pour identifier les facteurs diététiques, psycho-émotifs ou autres sur lesquels on peut agir, et pour déterminer le type ou la dose de médicament à utiliser pour tenter de soulager les symptômes.
Dans une bonne pièce de théâtre, la descente de Dieu sur la scène sera d'autant plus réussie si le public ne voit pas la machine et les techniciens qui exécutent ce prodige. On voudrait que le spectacle de la digestion suive la même règle: ainsi, dans un corps en santé, la nourriture, introduite dans la bouche avec délectation, doit faire son chemin en douceur sans faire crier tous les organes qui participent à cet autre prodige...
Source
Association des maladies gastro-intestinales fonctionnelles
Fondée au début de 1999 par un groupe de bénévoles appuyés par des professionnels de la santé, l'Association des maladies gastro-intestinales fonctionnelles est un organisme sans but lucratif qui s'est donné pour mission d'améliorer la qualité de vie et le bien-être de tous les Québécois affectés par une maladie gastro-intestinale fonctionnelle. Information, bulletin trimestriel et soutien téléphonique font partie de l'assistance fournie à ses membres.
- Dr Jean-François Chicoine, avec Le monde est ailleurs, 2007