Santé
Soulager la douleur chronique par la méditation
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Parce qu’elle détourne l’attention, favorise la détente et agit sur la structure du cerveau, la méditation serait plus efficace que la morphine pour soulager la douleur chronique et réduire la perception de la douleur.
Les personnes qui pratiquent la méditation zen supportent mieux la douleur physique liée à la chaleur que celles qui n'y ont pas recours. Et il n'est pas nécessaire de méditer depuis des années pour en tirer des bénéfices. Même une très brève formation a un effet positif sur la perception de la douleur chronique occasionnée, par exemple, par l'arthrite, les maux de dos ou le cancer.
Une heure de méditation suffirait à réduire de façon importante la douleur chronique et la perception que le cerveau peut en avoir, selon le Dr Fadel Zeidan, de l'Université Wake Forest, en Caroline du Nord. Dans le cadre d'une étude, lui et ses collègues ont noté une diminution d'environ 40% de l'intensité de la douleur et de 57% du niveau d'inconfort y étant lié chez des sujets qui n'avaient jamais médité auxquels on avait offert une formation de quatre séances de 20 minutes sur la façon de contrôler sa respiration et de faire le vide dans ses émotions et ses pensées. En comparaison, la morphine et les médicaments contre la douleur font décliner celle-ci de 25%, souligne le Dr Zeidan dans un article publié dans le Journal of Neuroscience d'avril 2011.
Les chercheurs ont aussi remarqué qu'après une séance de méditation, la douleur ou la sensation d'inconfort peut être jusqu'à 93% moindre. Le Dr Zeidan estime que cet exercice spirituel agit en détournant l'attention du patient et rappelle que les distractions sont connues pour diminuer le mal. Selon lui, la méditation est efficace parce qu'elle réduit les réponses émotionnelles à la douleur, dont l'anxiété et l'attente.
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«Quand vous vous concentrez sur votre respiration d'une façon détendue, vous vous placez vous-même dans cet état de relaxation.» En outre, la réaction à la douleur est moins immédiate chez les sujets qui méditent que chez ceux traités par médication. C'est pourquoi le Dr Zeidan préconise la méditation à des fins thérapeutiques.
Moins sensibles à la douleur
Ces résultats corroborent ceux du Pr Pierre Rainville, chercheur à l'Université de Montréal et à l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal, publiés en 2011 dans la revue Pain. Lui et son équipe ont constaté que les adeptes de la méditation zen étaient moins sensibles à la douleur que les sujets qui ne la pratiquaient pas. «Nous avons démontré que même si ces personnes ont conscience de la douleur et semblent la ressentir, elles paraissent abréger le processus en s'empêchant d'interpréter ou d'étiqueter les différents stimuli comme douloureux», souligne le neuropsychologue.
Le Pr Rainville et son équipe ont réussi à expliquer les différences de comportement par rapport à la douleur grâce à l'imagerie par résonance magnétique. Ils ont observé que la sensation n'était pas traitée dans la zone du cerveau responsable de l'évaluation, du raisonnement et de la formation de la mémoire. Ils ont aussi noté que l'épaisseur des fibres nerveuses dans les zones relatives aux émotions et à la douleur, entre autres dans le cortex cingulaire antérieur, était plus importante chez les adeptes de la méditation. Plus les sujets ont pratiqué celle-ci longtemps, plus ces zones étaient épaisses et meilleure était leur résistance aux sensations douloureuses.
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Joshua Grant, auteur de l'étude et doctorant à l'Université de Montréal, souligne que «se concentrer longtemps, à répétition, changerait la structure du cerveau» en favorisant le développement de ces régions du cortex, ce qui réduirait d'autant la sensibilité à la douleur. S'exercer à «observer» intérieurement celle-ci permettrait d'une certaine façon de s'en distancer, de la considérer avec calme plutôt que de la subir dans l'angoisse.
Maîtriser sa respiration
La respiration jouerait également un rôle dans la résistance à la douleur. Dans une étude publiée en 2009 dans la revue Psychosomatic Medicine, l'équipe de Joshua Grant a observé que le rythme respiratoire plus lent des adeptes de la méditation zen semble les aider à atténuer la sensation douloureuse.
«Le ralentissement de la respiration semble aller de pair avec une diminution de la douleur et peut influer sur le contrôle de celle-ci en relaxant le corps, explique Joshua Grant. Alors que des études avaient déjà démontré l'influence de la méditation sur les aspects émotionnels de la douleur, nous avons découvert que la sensation elle aussi est différente chez ses adeptes.» Le constat: une diminution de 18% de la douleur chez ces derniers par rapport à ce qu'on observe chez les non-initiés à la pratique de la méditation.
«Si la méditation peut modifier la réaction à la douleur chez une personne et par conséquent lui permettre de réduire la quantité d'analgésiques nécessaire pour soulager ses maux, on aura fait un grand pas en avant», conclut le chercheur.
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Références
Grant JA, Courtemanche J, Rainville P. A non-elaborative mental stance and decoupling of executive and pain-related cortices predicts low pain sensitivity in Zen meditators. Pain, janvier 2011; 152(1):150-6. Publié en ligne le 4 novembre 2010.
Grant JA, Rainville P. Pain sensitivity and analgesic effects of mindful states in Zen meditators: a cross-sectional study. Psychosomatic Medicine, janvier 2009; 71(1):106-14. Publié en ligne le 10 décembre 2008.
Zeidan F, Martucci KT, Kraft RA, Gordon NS, McHaffie JG, Coghill RC. Brain mechanisms supporting the modulation of pain by mindfulness meditation. Journal of Neuroscience, 6 avril 2011; 31(14):5540-8.