Santé
Le vaccin contre le VPH est-il vraiment utile?
iStockphoto Photographe : iStockphoto
Faut-il ou non vacciner son enfant contre le virus du papillome humain? Des interrogations subsistent sur l’utilité du vaccin contre le VPH, malgré la campagne québécoise de vaccination.
Qu'est-ce que le VPH?
Le virus du papillome humain (VPH) est l'un des virus les plus répandus dans le monde. Il contaminera trois personnes sur quatre au moins une fois au cours de leur vie. Le VPH est transmis principalement par contact sexuel ou par contact avec la peau du pénis, du scrotum, du vagin, de la vulve ou de l'anus d'une personne infectée. La plupart du temps, les conséquences sont bénignes et les symptômes inexistants. Une personne infectée peut donc propager le virus sans même le savoir.
Dans 90 % des cas, le virus est éliminé naturellement par l'organisme en moins de deux ans. Dans d'autres cas, on verra l'apparition de condylomes (verrues anales ou génitales). Moins de 1 % des femmes qui contractent le VPH développeront un cancer du col de l'utérus.
Il existe une centaine de souches différentes de VPH, mais seulement une quinzaine peuvent entraîner un cancer. Bien que les causes d'un cancer du col de l'utérus puissent être multiples, le facteur de risque le plus important reste une infection au VPH.
Pour qui le vaccin contre le VPH?
Le Cervarix et le Gardasil sont, en 2011, les deux seuls vaccins qui protègent contre les VPH-16 et 18, responsables de 70 % des cancers du col de l'utérus dans le monde. Développé par le laboratoire américain Merck et homologué par Santé Canada en juillet 2006, le Gardasil protège aussi contre deux autres formes de VPH, à l'origine de 90 % des cas de condylomes. À près de 400 $ pour trois doses, il s'agit du vaccin le plus coûteux de l'histoire.
En février 2007, le Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI) a recommandé que les Canadiennes âgées de 9 à 26 ans soient vaccinées contre le VPH. Dans la foulée, Ottawa a annoncé une aide de 300 millions $ pour soutenir les provinces. Au Québec, le vaccin est offert gratuitement aux jeunes filles de 4e année du primaire et de 3e année du secondaire depuis le 1er septembre 2008.
«L'efficacité du vaccin dépasse 98 % si on vaccine une jeune fille avant sa première relation sexuelle», explique le Dr François Coutlée, professeur au Département de microbiologie et d'immunologie de l'Université de Montréal et chercheur au Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM).
«Le Québec se situe en tête de peloton au niveau international, avec une couverture vaccinale d'environ 76 % des jeunes filles pour les deux premières années du programme», se réjouit Marc Steben, médecin conseil à l'Institut national de santé publique du Québec et membre du conseil scientifique de la compagnie pharmaceutique Merck Frosst.
Le vaccin contre le VPH est-il efficace?
Présenté comme un vaccin contre le cancer de l'utérus, il est encore trop tôt pour déterminer si le Gardasil pourra réellement prévenir le cancer du col. Pour Marc Steben, «l'efficacité du vaccin chez la femme frise le 100 % contre les lésions précancéreuses causées par le VPH de types 16 et 18 et contre les verrues génitales». Comme il existe une quinzaine de souches de VPH cancéreuses et que le Gardasil ne protège que contre les deux plus virulentes, il demeure indispensable de faire un dépistage régulier, le fameux test de Pap.
«Le VPH affecte également les hommes et les femmes», remarque le Dr François Coutlée, qui a collaboré à une étude publiée en février 2011 dans le New England Journal of Medicine démontrant l'efficacité du Gardasil chez les garçons. En février 2010, Santé Canada a d'ailleurs approuvé l'utilisation du Gardasil pour prévenir certaines infections chez les garçons.
«La prévalence du cancer de l'anus est beaucoup moindre que pour le cancer de l'utérus (1), compare le Dr Coutlée, mais la réponse immunitaire de l'organisme au VPH est plus faible chez les garçons.» Des traces de VPH ont également été observées chez les personnes souffrant d'un cancer oropharyngé (2), «mais la protection du vaccin pour ces types de cancer n'a pas encore été démontrée», précise le microbiologiste infectiologiste.
Pourquoi ne pas vacciner les garçons?
Vacciner les garçons ne serait pas jugé comme étant une intervention coût-efficace, compte tenu du coût du vaccin. De plus, une fois que près de 80 % des filles sont vaccinées, il n'a pas lieu d'investir dans la vaccination des garçons puisqu'ils sont indirectement protégés, souligne le Dr Steben.
Pourquoi y a-t-il controverse autour du vaccin?
Plusieurs chercheurs comme Abby Lippman, professeure au Département d'épidémiologie de l'Université McGill et ex-présidente du Réseau canadien pour la santé des femmes, questionnent l'urgence d'une campagne de vaccination, alors que le nombre de femmes atteintes au pays est en baisse depuis les dernières décennies. Le cancer du col de l'utérus fait deux fois moins de victimes au Canada qu'il y a 20 ans. Le Québec rapporte environ 325 cas de cancer du col de l'utérus par année et 80 décès. Mais il rapporte aussi des cancers de la vulve, du vagin ou de l'anus, précise le Dr Steben.
«Une approche globale intégrant la prévention et une campagne de dépistage ne serait-elle pas plus profitable», suggère Marc Zaffran M.D., chercheur invité au Centre de recherche en éthique de l'Université de Montréal (CRÉUM). «Les deux sont complémentaires», soutient le Dr Steben. Pourquoi dans ce cas avoir priorisé le soutient financier à la seule campagne de vaccination, questionnent Marc Zaffran et Abby Lippman?
Avec la disparition des cours d'éducation sexuelle des écoles québécoises depuis 2001, les espaces pour parler du VPH en milieu scolaire se font rares. Les jeunes filles et leurs parents reçoivent uniquement un feuillet explicatif d'une page lors de la vaccination. «La campagne publicitaire entourant la vaccination contre le VPH laissait entendre que pour être une bonne mère, vous deviez faire vacciner votre fille. Quand on joue de cette façon sur les émotions, comment prendre une décision éclairée», s'interroge Marc Zaffran M.D.
«Avec plus de 60 millions de doses administrées dans le monde, on peut conclure que le Gardasil est un vaccin sécuritaire, avec des effets secondaires minimes», indique le Dr Steben. «Mais on ne connait pas encore son incidence à long terme et on ne sait pas non plus si l'immunité durera toute la vie», nuance Marc Zaffran M.D. Une période de latence d'environ 15 ans s'observe avant qu'une infection au VPH évolue vers un cancer ce qui, selon certains, laisse amplement le temps de détecter et traiter un cancer du col.
«La vaccination reste un choix personnel, mais il faut être certain d'avoir les bonnes informations», rappelle Marc Zaffran. Le vaccin demeure donc un outil efficace pour prévenir certaines maladies transmissibles sexuellement et certaines lésions précancéreuses. Il ne doit toutefois pas être assimilé à un vaccin contre le cancer du col de l'utérus. Le dépistage reste la clé et le meilleur vaccin, la protection.
Saviez-vous que?
- Situé au 13e rang des cancers touchant les Québécoises de tous âges, le cancer du col de l'utérus est le 2e cancer en importance chez les femmes de 20 à 44 ans au Canada.
- La vaccination contre le VPH vise, notamment, à prévenir les cas de cancer du col de l'utérus, ainsi que des cas de cancer anal et du pénis chez l'homme. Elle permet aussi d'éviter des cas de condylomes, de lésions au col et même de verrues dans l'appareil respiratoire des enfants.
- Aucune étude présentée à la Conférence internationale sur le virus du papillome humain (VPH) qui avait lieu à Montréal en juillet 2010 ne remettait en question la pertinence d'une vaccination massive contre le VPH, selon le Dr Marc Steben.
- Les femmes qui ont plus d'un partenaire sexuel auraient avantage à se faire vacciner contre le virus du papillome humain (VPH) jusqu'à l'âge de 45 ans, soulignait le chercheur espagnol Xavier Castellsagué, de l'Institut catalan en oncologie, à l'occasion de la 26e Conférence internationale sur le VPH tenue à Montréal en juillet 2010.
Lire aussi: VPH : prévention et vaccination et VPH: l'a-t-on à vie?
Notes
(1) Cancer de l'anus: 1/100 000, Cancer de l'utérus: 35/100 000. Lorsque les garçons ont des relations homosexuelles, la prévalence du cancer de l'anus grimpe à 35/100 000.
(2) Parmi les cancers oropharyngés, on retrouve ceux des amygdales, des glandes salivaires, de la langue ou de la gorge. Leur incidence est faible: 1,87 hommes/100 000.
Références
Efficacy of Quadrivalent HPV Vaccine against HPV Infection and Disease in Males, Anna R. Giuliano and Others, New England Journal of Medecine, 2011; 364:401-411, February 3, 2011. (https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa0909537)
Oropharyngeal carcinoma related to human papillomavirus, Hisham Mehanna, Terence M Jones, Vincent Gregoire, K Kian Ang, British Medical Journal, 2010; 340:c1439 doi: 10.1136/bmj.c1439, March 25, 2010.
Avis de l'Institut national de santé publique du Québec: les vaccins contre le virus du papillome humain, février 2008.
Ces infections qui causent le cancer, Anne-Marie Grenier et Louise Soulière, Le Médecin du Québec, volume 40, numéro 10, octobre 2005.