Santé
La rééducation périnéale: briser le tabou
Pertes d’urine, descente de vessie, douleurs durant les relations sexuelles: la rééducation périnéale et pelvienne traite des problèmes de santé embarrassants pour les femmes et les hommes qui en souffrent.
Il est de ces maux dont on ne parle pas facilement, même à son médecin. Pour beaucoup de femmes, mais aussi d'hommes, les problèmes liés aux dysfonctions du plancher pelvien en font partie. On parle ici d'incontinence urinaire ou de douleurs génitales, de pertes de selles et de prolapsus génitaux (descente de vessie, d'utérus et de rectum). Ces symptômes apparaissent lorsque les muscles du plancher pelvien cessent de fonctionner correctement. Ces muscles jouent un rôle important dans le contrôle de l'urine, des gaz et des selles, le support des organes abdominaux et pelviens, en plus de contribuer au plaisir sexuel.
En quoi consiste la rééducation périnéale?
La rééducation périnéale vise à réapprendre à utiliser correctement les muscles du périnée et à renforcer les muscles affaiblis du plancher pelvien. Dans d'autres situations, elle interviendra sur des muscles trop tendus qui entraînent des difficultés à uriner ou à évacuer des selles, ou encore des douleurs lors des relations sexuelles. Comme ces muscles sont de type squelettique, la rééducation permet de les renforcer et de les entraîner grâce à certains exercices.
«On va travailler les mêmes muscles, mais de façon différente, explique Claudia Brown, physiothérapeute, directrice de la clinique Physio Cabrini et chargée de cours à l'Université McGill. On va adapter les exercices en fonction de la dysfonction et des symptômes.» Ainsi que du sexe du patient, même si les hommes restent peu nombreux à recourir à la rééducation. En effet, la majorité des patients sont des femmes aux prises avec de l'incontinence urinaire et, de plus en plus, des douleurs lors des relations sexuelles.
Au Québec, les exercices de rééducation périnéale et pelvienne sont conduits par des physiothérapeutes ayant reçu une formation spécifique. Ils sont environ 225 inscrits sur le site de l'Ordre des physiothérapeutes du Québec. Durant les premières séances, les physiothérapeutes proposent des exercices qui visent à identifier les muscles pelviens. Près de 30% des femmes n'arrivent pas à les contracter correctement au cours d'une première tentative. Lors des séances suivantes, les exercices miseront sur le renforcement, l'étirement et la détente des muscles, selon les dysfonctions identifiées. S'ajouteront souvent des thérapies manuelles, du biofeedback ou de l'électrostimulation. «Certaines femmes sont indépendantes et pourront poursuivre les exercices à la maison; mais pour d'autres, ça ne fonctionnera pas. Alors tant qu'à les superviser en clinique, je vais diversifier les interventions», souligne Mme Brown. Des traitements diversifiés devront aussi être utilisés avec certaines femmes, si les exercices s'avèrent insuffisants.
Rééducation manuelle
La rééducation manuelle consiste en un toucher vaginal - à un doigt ou à deux doigts - du thérapeute pour aider la patiente à prendre conscience de la localisation de ses muscles. La pression exercée sur le muscle vise à encourager sa contraction ou son étirement. « Par contre, dans les cas de douleurs lors des relations sexuelles, le toucher sera plus proche du massage, » explique Claudia Brown. Suivra l'insertion de godemichés pour favoriser l'étirement du muscle et préparer la patiente physiquement et mentalement à recevoir son partenaire.
Biofeedback et électrostimulation
Le biofeedback, ou rétroaction biologique, permet de visualiser les contractions musculaires sur un écran. « Les patientes apprennent ainsi plus rapidement à contracter ou à relâcher sélectivement les muscles du plancher pelvien, » estime Mme Brown.
L'électrostimulation consiste à utiliser des courants électriques pour stimuler la contraction musculaire. La technique comporte cependant des contre-indications, notamment pour les porteuses de stimulateur cardiaque; et il n'a pas été prouvé qu'elle est sans danger pour les femmes enceintes. Claudia Brown estime que la technique doit être utilisée avec précaution.
Rééducation périnéale: efficace pour tous?
Le traitement en rééducation dure généralement de 8 à 10 séances, à raison d'une ou deux séances par semaine. Malheureusement, il n'est pas efficace pour tous. «Et on ne peut pas savoir sur qui cela fonctionnera avant de faire l'essai», déplore Claudia Brown en précisant que des recherches indiquent un taux de succès de plus de 70% dans les cas d'incontinence urinaire. En cas d'insuccès, le gynécologue ou l'urologue pourra proposer d'autres solutions, médicamenteuses ou chirurgicales.