Travail
Êtes-vous faite pour être boss?
"J'étais serveuse depuis quatre ans quand on m'a offert le poste de gérante, raconte Nadine. Je me suis sentie flattée et j'ai tout de suite accepté. Je n'avais pas réalisé à quel point ça pouvait être difficile de gérer du personnel." Incapable de faire preuve d'autorité, la jeune femme de 29 ans s'est vite sentie misérable dans son nouveau rôle. "Je continuais à voir les autres serveurs sur un pied d'égalité et même comme des amis, et ils le sentaient." L'un s'absente sans raison, l'autre veut changer d'horaire, un autre encore décide de finir sa journée plus tôt... Autant de situations sur lesquelles Nadine n'a aucun contrôle et qui lui valent les remontrances du propriétaire. "J'ai quitté mon poste après six mois, je n'en pouvais plus!"
Tous les spécialistes interrogés s'entendent: qu'il s'agisse d'être responsable de service, gérante de magasin ou p.-d.g., gérer du personnel n'est pas à la portée de tous. Et, même s'il n'existe pas de profil unique, certaines aptitudes semblent incontournables. "Une des principales qualités d'un bon gestionnaire est le leadership", affirme Denis Gagnon, président d'Isocrate, une firme de recrutement de cadres et de professionnels. Ce talent, qu'il définit comme la capacité de prendre des décisions et de diriger les autres, serait, selon lui, en partie inné. L'avons-nous? "On n'a qu'à se rappeler le genre d'enfant qu'on était. Était-on du genre à entreprendre des choses, à entraîner les autres à notre suite?" Cela dit, qu'on se rassure: même si on n'était pas la chef de file de notre classe, fonceuse sur tous les fronts, cela ne signifie pas qu'on soit inapte à être patronne!
Qualités recherchées
Luc Brunet, psychologue du travail et des organisations, et enseignant à l'Université de Montréal, estime qu'on peut développer son leadership."Par contre, certains traits de personnalité sont essentiel", nuance-t-il: être consciencieuse, extravertie, et posséder une bonne capacité d'adaptation, par exemple, sont des atouts importants. Une bonne dose de créativité constitue également un ingrédient appréciable. "À cause de la compétition, il faut parfois se montrer créatif pour se démarquer, note Luc Brunet. La créativité sert aussi à trouver des solutions à des problèmes particuliers." Diplôme universitaire, habiletés techniques et connaissance approfondie de l'entreprise bonifieront sans contredit notre curriculum vitae.
Une bonne estime de soi
Une bonne estime de soi représente aussi une solide assise dans notre rôle de patron. "Si celle-ci est faible et qu'on manque d'assurance, on risque de remettre continuellement nos décisions en question, surtout lorsqu'elles seront critiquées", note Pierre-Marc Brunet, psychologue du travail, président de Conseil-Source, une société-conseil spécialisée en leadership, et auteur de Profession: patron. Il souligne de plus l'importance de savoir faire preuve d'autorité, un atout indispensable si on veut être en mesure de diriger nos troupes!Un des aspects les plus délicats qu'on aura à gérer en devenant boss est sans doute notre relation avec les gens qui se trouvent sous notre supervision. "Si on travaillait déjà dans l'entreprise, il faut s'attendre à ce que la perception de nos collègues change, avertit Luc Brunet. On devra également prendre une certaine distance avec eux, de manière à asseoir notre autorité." On avait l'habitude de sortir avec eux chaque semaine, d'aller prendre un verre en leur compagnie? Il faudra sans doute revoir nos comportements. L'idée n'est pas de trôner sur notre chaise de patron sans égards pour nos collègues, mais on devra jouer de tact si on veut inspirer le respect. "Bien sûr, on peut continuer d'être sociable, mais on ne sera peut-être plus de toutes les fêtes et, surtout, on devra faire attention à l'image que l'on projette", avise Denis Gagnon. On doit donc toujours garder à l'esprit que nos paroles et nos gestes, même à l'extérieur du bureau (surtout à l'extérieur du bureau), influenceront la perception que notre personnel aura de nous.
Savoir se faire respecter
Chantal, 42 ans, avait travaillé sept ans comme conceptrice-rédactrice dans une agence de publicité avant de devenir directrice de création. "Au début, j'ai été un peu étonnée que certains de mes collègues ne se confient plus à moi, admet-elle. Je sentais presque qu'ils se méfiaient de moi!" De fait, certains nouveaux patrons pourront même sentir une certaine jalousie de la part de leurs ex-comparses. Il est important de se préparer à une telle réaction. Et avoir confiance que le temps, entre autres, arrangera les choses. "Quand mes collègues ont vu que je n'étais pas un despote et que je faisais du bon travail, j'ai senti qu'ils m'avaient acceptée", dit Chantal, qui a tout de même dû faire le deuil de son rôle de confidente. Cela dit, si savoir susciter le respect n'exclut pas de se montrer attentif à notre personnel, il faut aussi parfois apprendre à vivre avec les insatisfactions de certains et accepter de ne pas toujours pouvoir plaire à tout le monde. "Le but est d'être respecté, mais il faut s'attendre à ne pas toujours être aimé!" atteste Denis Gagnon. Chantal croit que, lorsque les gens sentent qu'on sait où on s'en va, cela compense le plus souvent pour les vexations momentanées. "Les petites frustrations sont inévitables, dit-elle. L'important, je pense, c'est de montrer de l'assurance quand on est convaincue d'avoir raison. C'est ça qui fera qu'on sera respectée."
Meilleur salaire, tâches accrues
Chantal trouve dans son nouveau rapport aux autres une valorisation incontestable, car elle aime diriger tout en tirant le meilleur de chacun des membres de son équipe. "Le fait de devenir boss procure souvent plus d'autonomie, dit Luc Brunet. On a plus de pouvoir sur notre environnement, ce qui peut être très gratifiant." Bénéficier d'une substantielle hausse de salaire n'est pas non plus pour nuire. Un facteur incitatif, certes, mais qui ne tiendra pas la route si c'est le seul avantage qu'on voit à gravir les échelons. "Il faut avoir de bonnes motivations au départ pour accepter un tel poste, dit Pierre-Marc Meunier. Par exemple: aimer prendre des décisions compliquées, trouver des solutions, organiser des choses, etc."
Pas toujours de tout repos!
Évidemment, un surplus de responsabilités signifie bien souvent davantage d'heures de travail au compteur. Réunions qui s'étirent, dossiers à régler d'urgence, disponibilité pour le personnel et les clients, etc. "
Le fait d'être gérante exigeait parfois que je reste plus tard pour passer des commandes aux fournisseurs ou encore que je rentre plus tôt pour les recevoir. Une autre chose que je n'avais pas prévue!" dit Nadine. Katie, elle, a bien évalué la situation. À 31 ans, elle vient de décrocher un poste de directrice dans une maison d'édition. Les heures supplémentaires faisaient déjà partie de son agenda, tout comme la perspective de devoir gérer un niveau de stress élevé. "Je sais tout cela, dit-elle. Mais ça ne me rebute pas, au contraire! Cela représente une occasion rêvée de progresser dans ma carrière, d'exploiter pleinement mon potentiel et d'acquérir de nouvelles connaissances. Je trouve cela très stimulant."On pense avoir les qualités nécessaires, les heures supplémentaires ne nous font pas peur, les conditions et le salaire sont alléchants? Il reste tout de même un certain nombre de questions à se poser avant de dire oui. Notre vie personnelle doit être prise en considération. Souhaite-t-on avoir un enfant bientôt? Notre couple traverse-t-il une période difficile? A-t-on vécu une dépression récemment? Etc.
Avant de faire le saut
Si on est en couple, il est important de prendre la décision d'accepter le rôle de patron d'un commun accord. Après en avoir discuté, Katie et son conjoint ont décidé de remettre à plus tard leur projet d'avoir un enfant au profit de la carrière de cette dernière. Pour certains, ce choix n'est pas une option: leur vie personnelle constitue leur priorité. "C'est clair que, si on m'avait offert le poste de directrice il y a quatre ou cinq ans, j'aurais refusé à cause de mes enfants, dit Chantal. Mais quand l'offre est arrivée, ils avaient 16 et 18 ans et j'ai jugé que je pouvais me permettre de ne pas toujours être aussi présente."
"Les personnes qui ont le plus de facilité à combler un poste de gestion sont celles dont la vie personnelle se porte bien, dit Denis Gagnon. Quand ça va mal, ce n'est pas le moment de prendre sur soi de nouvelles responsabilités." Une petite analyse de l'état de santé de l'entreprise est également nécessaire. Traverse-t-elle une crise? Y a-t-il risque de grève? Etc. "Ça peut très difficile de commencer comme patron dans de telles circonstances, dit Pierre-Marc Meunier. Aussi est-il important de poser beaucoup de questions à ce sujet à l'employeur pour bien cerner la situation." Enfin, on doit aussi réaliser qu'être patron ne s'apprend pas du jour au lendemain et que seuls le temps et la pratique peaufineront notre savoir-faire. Toutes les conditions gagnantes sont rassemblées, mais on ne semble pas être à la hauteur? Peut-être est-ce l'entreprise qui ne nous convient pas. "On peut être un bon patron dans un certain environnement mais pas dans un autre, selon nos qualités et aptitudes prédominantes, dit Pierre-Marc Meunier. Par exemple, une personne qui est très forte en situations de crise pourra s'ennuyer dans un milieu de travail tranquille."
Une question de priorités
Selon un sondage mené en 2006 par Workopolis, fournisseur de solutions de recrutement et de recherche d'emploi par Internet au Canada, les priorités des Québécois ont bien changé depuis quelques années. En effet, alors qu'il y a cinq ans ceux-ci plaçaient la carrière devant la famille (42 % contre 28 %, respectivement), aujourd'hui, c'est le contraire: la famille passe au premier rang pour 41 % d'entre eux, suivie de la carrière dans une proportion de 34 %, tant chez les hommes que chez les femmes.
Titulaire à la Chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l'économie du savoir à la Téluq, Diane-Gabrielle Tremblay a réalisé, en 2003, une enquête auprès de 1 000 travailleurs québécois issus de secteurs variés, la plupart dans la trentaine. Constat: 28 % des femmes et 18 % des hommes disaient avoir déjà refusé de nouvelles responsabilités (devenir chef d'équipe, par exemple) pour des raisons personnelles et familiales.
Et si on refuse une promotion?
Vendeuse dans le domaine des cosmétiques, Catherine, 36 ans, a refusé l'an dernier de devenir chef des ventes, un titre qui en faisait pourtant saliver bien d'autres. "Le salaire était alléchant, dit-elle, mais les responsabilités que cela impliquait m'auraient fait vivre bien trop de stress." Elle a donc expliqué à son employeur qu'elle craignait de ne pas bien savoir gérer un plus haut niveau de stress et, par conséquent, de n'être pas la candidate idéale. "J'avais un peu peur qu'il ne me juge et pense que je manquais d'ambition, mais ça n'a pas été le cas, dit-elle. Au contraire, il a semblé apprécier mon honnêteté."
En fait, tout est dans l'art de présenter les choses: en montrant notre appréciation pour l'offre qui nous a été faite et en expliquant clairement les raisons de notre refus, de moins en moins d'employeurs percevront celui-ci de façon négative. C'est en tout cas ce que croit Pierre-Marc Meunier. "De nos jours, les employeurs savent bien que les valeurs ont changé, ils sont donc plus familiers avec ce genre de réaction, dit-il.De plus, le fait qu'il commence à y avoir une pénurie d'employés (et de boss) dans plusieurs secteurs fait sans doute en sorte qu'ils doivent se montrer plus ouverts."Cela dit, certains employeurs pourront quand même voir d'un mauvais oeil un refus de notre part, même si on fait preuve de la plus grande diplomatie dans notre réponse. "Mais l'essentiel n'est-il pas de faire ce qu'on aime, en accord avec nos valeurs? questionne Luc Brunet. De plus, l'accomplissement n'est plus nécessairement relié au fait de gravir les échelons; aujourd'hui, le succès peut se traduire de bien des façons: dans la façon dont on gère notre vie, dans le fait d'avoir des expériences de travail variées, etc."On songe à devenir patronne? Lyne Talbot, coach pour les professionnelles, propose une série de questions susceptibles d'alimenter et d'orienter notre réflexion.
Quelles sont mes motivations? Ce poste correspond-il à mes valeurs? Être patronne fait-il appel à mes forces, mes aptitudes et mes intérêts? Ma vie personnelle est-elle en équilibre? Le moment est-il bien choisi pour devenir patronne? L'état de l'entreprise est-il favorable à faciliter mon insertion? Y aura-t-il quelqu'un pour m'appuyer dans ce nouveau rôle? Suis-je prête à apporter les changements nécessaires à ma façon de travailler et à abandonner certaines choses, comme un horaire fixe? Serai-je en mesure de pratiquer l'écoute active et donner du feedback constructif en tout temps à chacun des membres de mon équipe? Suis-je prête à mettre l'épaule à la roue lorsque l'équipe en aura besoin? Suis-je capable d'établir des frontières saines avec les membres de mon équipe et de les responsabiliser? Ai-je la capacité de maximiser le développement, le plein potentiel et l'efficacité de mon équipe? Est-ce que je comprends bien que, pour être boss, il n'est pas nécessaire de connaître toutes les réponses?
Quelques chiffres
Selon Statistique Canada, 37 % des femmes occupaient un poste de gestion en 2006, comparativement à 30 % en 1987. Cependant, seulement 26 % des postes de cadres supérieurs étaient occupés par des femmes.
Tous les spécialistes interrogés s'entendent: qu'il s'agisse d'être responsable de service, gérante de magasin ou p.-d.g., gérer du personnel n'est pas à la portée de tous. Et, même s'il n'existe pas de profil unique, certaines aptitudes semblent incontournables. "Une des principales qualités d'un bon gestionnaire est le leadership", affirme Denis Gagnon, président d'Isocrate, une firme de recrutement de cadres et de professionnels. Ce talent, qu'il définit comme la capacité de prendre des décisions et de diriger les autres, serait, selon lui, en partie inné. L'avons-nous? "On n'a qu'à se rappeler le genre d'enfant qu'on était. Était-on du genre à entreprendre des choses, à entraîner les autres à notre suite?" Cela dit, qu'on se rassure: même si on n'était pas la chef de file de notre classe, fonceuse sur tous les fronts, cela ne signifie pas qu'on soit inapte à être patronne!
Qualités recherchées
Luc Brunet, psychologue du travail et des organisations, et enseignant à l'Université de Montréal, estime qu'on peut développer son leadership."Par contre, certains traits de personnalité sont essentiel", nuance-t-il: être consciencieuse, extravertie, et posséder une bonne capacité d'adaptation, par exemple, sont des atouts importants. Une bonne dose de créativité constitue également un ingrédient appréciable. "À cause de la compétition, il faut parfois se montrer créatif pour se démarquer, note Luc Brunet. La créativité sert aussi à trouver des solutions à des problèmes particuliers." Diplôme universitaire, habiletés techniques et connaissance approfondie de l'entreprise bonifieront sans contredit notre curriculum vitae.
Une bonne estime de soi
Une bonne estime de soi représente aussi une solide assise dans notre rôle de patron. "Si celle-ci est faible et qu'on manque d'assurance, on risque de remettre continuellement nos décisions en question, surtout lorsqu'elles seront critiquées", note Pierre-Marc Brunet, psychologue du travail, président de Conseil-Source, une société-conseil spécialisée en leadership, et auteur de Profession: patron. Il souligne de plus l'importance de savoir faire preuve d'autorité, un atout indispensable si on veut être en mesure de diriger nos troupes!Un des aspects les plus délicats qu'on aura à gérer en devenant boss est sans doute notre relation avec les gens qui se trouvent sous notre supervision. "Si on travaillait déjà dans l'entreprise, il faut s'attendre à ce que la perception de nos collègues change, avertit Luc Brunet. On devra également prendre une certaine distance avec eux, de manière à asseoir notre autorité." On avait l'habitude de sortir avec eux chaque semaine, d'aller prendre un verre en leur compagnie? Il faudra sans doute revoir nos comportements. L'idée n'est pas de trôner sur notre chaise de patron sans égards pour nos collègues, mais on devra jouer de tact si on veut inspirer le respect. "Bien sûr, on peut continuer d'être sociable, mais on ne sera peut-être plus de toutes les fêtes et, surtout, on devra faire attention à l'image que l'on projette", avise Denis Gagnon. On doit donc toujours garder à l'esprit que nos paroles et nos gestes, même à l'extérieur du bureau (surtout à l'extérieur du bureau), influenceront la perception que notre personnel aura de nous.
Savoir se faire respecter
Chantal, 42 ans, avait travaillé sept ans comme conceptrice-rédactrice dans une agence de publicité avant de devenir directrice de création. "Au début, j'ai été un peu étonnée que certains de mes collègues ne se confient plus à moi, admet-elle. Je sentais presque qu'ils se méfiaient de moi!" De fait, certains nouveaux patrons pourront même sentir une certaine jalousie de la part de leurs ex-comparses. Il est important de se préparer à une telle réaction. Et avoir confiance que le temps, entre autres, arrangera les choses. "Quand mes collègues ont vu que je n'étais pas un despote et que je faisais du bon travail, j'ai senti qu'ils m'avaient acceptée", dit Chantal, qui a tout de même dû faire le deuil de son rôle de confidente. Cela dit, si savoir susciter le respect n'exclut pas de se montrer attentif à notre personnel, il faut aussi parfois apprendre à vivre avec les insatisfactions de certains et accepter de ne pas toujours pouvoir plaire à tout le monde. "Le but est d'être respecté, mais il faut s'attendre à ne pas toujours être aimé!" atteste Denis Gagnon. Chantal croit que, lorsque les gens sentent qu'on sait où on s'en va, cela compense le plus souvent pour les vexations momentanées. "Les petites frustrations sont inévitables, dit-elle. L'important, je pense, c'est de montrer de l'assurance quand on est convaincue d'avoir raison. C'est ça qui fera qu'on sera respectée."
Meilleur salaire, tâches accrues
Chantal trouve dans son nouveau rapport aux autres une valorisation incontestable, car elle aime diriger tout en tirant le meilleur de chacun des membres de son équipe. "Le fait de devenir boss procure souvent plus d'autonomie, dit Luc Brunet. On a plus de pouvoir sur notre environnement, ce qui peut être très gratifiant." Bénéficier d'une substantielle hausse de salaire n'est pas non plus pour nuire. Un facteur incitatif, certes, mais qui ne tiendra pas la route si c'est le seul avantage qu'on voit à gravir les échelons. "Il faut avoir de bonnes motivations au départ pour accepter un tel poste, dit Pierre-Marc Meunier. Par exemple: aimer prendre des décisions compliquées, trouver des solutions, organiser des choses, etc."
Pas toujours de tout repos!
Évidemment, un surplus de responsabilités signifie bien souvent davantage d'heures de travail au compteur. Réunions qui s'étirent, dossiers à régler d'urgence, disponibilité pour le personnel et les clients, etc. "
Le fait d'être gérante exigeait parfois que je reste plus tard pour passer des commandes aux fournisseurs ou encore que je rentre plus tôt pour les recevoir. Une autre chose que je n'avais pas prévue!" dit Nadine. Katie, elle, a bien évalué la situation. À 31 ans, elle vient de décrocher un poste de directrice dans une maison d'édition. Les heures supplémentaires faisaient déjà partie de son agenda, tout comme la perspective de devoir gérer un niveau de stress élevé. "Je sais tout cela, dit-elle. Mais ça ne me rebute pas, au contraire! Cela représente une occasion rêvée de progresser dans ma carrière, d'exploiter pleinement mon potentiel et d'acquérir de nouvelles connaissances. Je trouve cela très stimulant."On pense avoir les qualités nécessaires, les heures supplémentaires ne nous font pas peur, les conditions et le salaire sont alléchants? Il reste tout de même un certain nombre de questions à se poser avant de dire oui. Notre vie personnelle doit être prise en considération. Souhaite-t-on avoir un enfant bientôt? Notre couple traverse-t-il une période difficile? A-t-on vécu une dépression récemment? Etc.
Avant de faire le saut
Si on est en couple, il est important de prendre la décision d'accepter le rôle de patron d'un commun accord. Après en avoir discuté, Katie et son conjoint ont décidé de remettre à plus tard leur projet d'avoir un enfant au profit de la carrière de cette dernière. Pour certains, ce choix n'est pas une option: leur vie personnelle constitue leur priorité. "C'est clair que, si on m'avait offert le poste de directrice il y a quatre ou cinq ans, j'aurais refusé à cause de mes enfants, dit Chantal. Mais quand l'offre est arrivée, ils avaient 16 et 18 ans et j'ai jugé que je pouvais me permettre de ne pas toujours être aussi présente."
"Les personnes qui ont le plus de facilité à combler un poste de gestion sont celles dont la vie personnelle se porte bien, dit Denis Gagnon. Quand ça va mal, ce n'est pas le moment de prendre sur soi de nouvelles responsabilités." Une petite analyse de l'état de santé de l'entreprise est également nécessaire. Traverse-t-elle une crise? Y a-t-il risque de grève? Etc. "Ça peut très difficile de commencer comme patron dans de telles circonstances, dit Pierre-Marc Meunier. Aussi est-il important de poser beaucoup de questions à ce sujet à l'employeur pour bien cerner la situation." Enfin, on doit aussi réaliser qu'être patron ne s'apprend pas du jour au lendemain et que seuls le temps et la pratique peaufineront notre savoir-faire. Toutes les conditions gagnantes sont rassemblées, mais on ne semble pas être à la hauteur? Peut-être est-ce l'entreprise qui ne nous convient pas. "On peut être un bon patron dans un certain environnement mais pas dans un autre, selon nos qualités et aptitudes prédominantes, dit Pierre-Marc Meunier. Par exemple, une personne qui est très forte en situations de crise pourra s'ennuyer dans un milieu de travail tranquille."
Une question de priorités
Selon un sondage mené en 2006 par Workopolis, fournisseur de solutions de recrutement et de recherche d'emploi par Internet au Canada, les priorités des Québécois ont bien changé depuis quelques années. En effet, alors qu'il y a cinq ans ceux-ci plaçaient la carrière devant la famille (42 % contre 28 %, respectivement), aujourd'hui, c'est le contraire: la famille passe au premier rang pour 41 % d'entre eux, suivie de la carrière dans une proportion de 34 %, tant chez les hommes que chez les femmes.
Titulaire à la Chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l'économie du savoir à la Téluq, Diane-Gabrielle Tremblay a réalisé, en 2003, une enquête auprès de 1 000 travailleurs québécois issus de secteurs variés, la plupart dans la trentaine. Constat: 28 % des femmes et 18 % des hommes disaient avoir déjà refusé de nouvelles responsabilités (devenir chef d'équipe, par exemple) pour des raisons personnelles et familiales.
Et si on refuse une promotion?
Vendeuse dans le domaine des cosmétiques, Catherine, 36 ans, a refusé l'an dernier de devenir chef des ventes, un titre qui en faisait pourtant saliver bien d'autres. "Le salaire était alléchant, dit-elle, mais les responsabilités que cela impliquait m'auraient fait vivre bien trop de stress." Elle a donc expliqué à son employeur qu'elle craignait de ne pas bien savoir gérer un plus haut niveau de stress et, par conséquent, de n'être pas la candidate idéale. "J'avais un peu peur qu'il ne me juge et pense que je manquais d'ambition, mais ça n'a pas été le cas, dit-elle. Au contraire, il a semblé apprécier mon honnêteté."
En fait, tout est dans l'art de présenter les choses: en montrant notre appréciation pour l'offre qui nous a été faite et en expliquant clairement les raisons de notre refus, de moins en moins d'employeurs percevront celui-ci de façon négative. C'est en tout cas ce que croit Pierre-Marc Meunier. "De nos jours, les employeurs savent bien que les valeurs ont changé, ils sont donc plus familiers avec ce genre de réaction, dit-il.De plus, le fait qu'il commence à y avoir une pénurie d'employés (et de boss) dans plusieurs secteurs fait sans doute en sorte qu'ils doivent se montrer plus ouverts."Cela dit, certains employeurs pourront quand même voir d'un mauvais oeil un refus de notre part, même si on fait preuve de la plus grande diplomatie dans notre réponse. "Mais l'essentiel n'est-il pas de faire ce qu'on aime, en accord avec nos valeurs? questionne Luc Brunet. De plus, l'accomplissement n'est plus nécessairement relié au fait de gravir les échelons; aujourd'hui, le succès peut se traduire de bien des façons: dans la façon dont on gère notre vie, dans le fait d'avoir des expériences de travail variées, etc."On songe à devenir patronne? Lyne Talbot, coach pour les professionnelles, propose une série de questions susceptibles d'alimenter et d'orienter notre réflexion.
Quelques chiffres
Selon Statistique Canada, 37 % des femmes occupaient un poste de gestion en 2006, comparativement à 30 % en 1987. Cependant, seulement 26 % des postes de cadres supérieurs étaient occupés par des femmes.