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Ce que les Y ont à nous apprendre

Ce que les Y ont à nous apprendre

Shutterstock Photographe : Shutterstock Auteur : Coup de Pouce

Exigeants! Égocentriques! Matérialistes! Paresseux! Tout leur est dû! Les enfants-rois d’hier sont nos collègues d’aujourd’hui. Comment travailler avec eux et laisser tomber nos préjugés.

Nés entre 1978 et 1994, les enfants de la génération Y sont aujourd'hui les plus jeunes employés des entreprises. Ayant bénéficié d'un tout-inclus réconfortstimulation- amour-argent durant l'enfance, ils se heurtent à la dure réalité de la vie d'adulte, qu'ils affrontent avec un téléphone intelligent greffé à l'avant-bras. Aussi appelés e-génération ou génération du millénaire, les Y jouissent d'une réputation peu glorieuse. Les préjugés à leur égard abondent: on les dit narcissiques, rebelles à l'autorité et aux règles établies, accros à leurs textos, un brin paresseux.

Mais pourquoi devraient-ils se fondre parmi les boomers (1943-1959) et les X (1959-1977) passés avant eux? Et si leurs présumées tares étaient plutôt des qualités dans le monde du travail d'aujourd'hui et de demain? En effet, leurs façons de faire novatrices pourraient bien être la meilleure chose à arriver dans les milieux de travail depuis la cafetière espresso. Voici six qualités des Y qui pourraient changer la vision qu'on a du travail.

Le Y fait entendre sa voix et connaît sa valeur

Éduqués dans des écoles où on les poussait à s'exprimer et où toutes les opinions étaient valables, les Y questionnent et proposent un échange d'idées. «C'est en posant des questions qu'on finit par être plus instruits sur notre métier, affirme Katherine, 25 ans, pharmacienne. Si je n'avais jamais affronté mes peurs pour demander tout ce que je ne sais pas, je n'aurais jamais pu être à la tête d'une pharmacie aujourd'hui.» Durant son parcours, ses supérieurs l'ont parfois rabrouée parce qu'elle remettait des procédés en question ou cherchait à en connaître davantage. «Si je posais tant de questions, je n'ai pas l'impression que c'est parce que je suis moins douée, mais plutôt parce que mes supérieurs ne s'étaient jamais questionnés comme moi, je le faisais.»

Autre avantage: les Y sont conscients de leur valeur et n'hésitent pas à revendiquer ce qui leur semble dû. Près de la moitié d'entre eux ont vécu les réformes scolaires qui les plaçaient vainqueurs en toutes situations. S'ils veulent la médaille d'or, ce n'est pas forcément par égoïsme, mais bien parce qu'ils l'ont toujours eue. De plus, «ils ont vécu avec l'exemple du parent qui a travaillé très fort pour obtenir très peu en retour et ils ne veulent pas subir le même sort, explique Tania Saba, professeure titulaire à l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal. Ils sont plus coriaces dans les négociations et demandent des avantages concurrentiels dès le départ.»

La génération X qui les précède est régulièrement scandalisée de voir les conditions de travail intéressantes que réussissent à obtenir les Y. Shirley Brochu est chef du département de français et responsable de l'embauche dans une école secondaire. Selon elle, qui appartient aux X, la nouvelle génération a accès à des privilèges qu'elle et ses confrères n'ont pas eus. «Alors que les enseignants de ma génération ont mis 10 ans à obtenir leur permanence, en ce moment, à moins que tu aies déjà donné une claque à un élève, tu as une permanence après deux ans», soutient-elle. Selon elle, c'est en partie grâce au départ à la retraite des boomers, mais aussi à la facilité des nouveaux employés à obtenir ce qu'ils veulent. Elle comprend que les membres de sa génération puissent le voir comme une injustice, mais reconnaît aussi que sa génération gagnerait à s'exprimer davantage et à oser demander, comme les Y.

Le Y aime être encadré... mais pas par n'importe qui

Dès l'enfance, on a favorisé pour le Y des activités de groupe, menées par un entraîneur, un enseignant, un animateur. Résultat: il aime travailler dans un cadre bien défini. «Le Y veut savoir ce qu'on attend de lui, explique Josée Garceau, spécialiste en recrutement, auteure et conférencière. Quand il s'interroge sur une tâche avant d'accepter de la faire, ce n'est pas par paresse, c'est parce qu'il ne comprend pas le sens de ce qu'on lui demande. Alors, donnez-lui un patron qui lui fournit des explications sur le pourquoi du comment et il aura l'impression de faire partie d'une équipe en route pour gagner le championnat.»

Par contre, le Y perçoit rarement la hiérarchie comme une raison suffisante de donner des ordres. Il accepte d'être encadré, mais pas par n'importe qui! Le Y juge les gens selon leur compétence, non pas selon leur position. «J'ai eu un patron qui me répondait souvent que c'était lui qui décidait parce qu'il était le patron, confie Fanny, 30 ans, journaliste. J'avais l'impression que mon travail ne servait à rien et j'ai perdu ma motivation.» Ainsi, les patrons avides de pouvoir qui n'ont pas toutes les qualités requises pour occuper leur fonction rendent les Y réfractaires.

Dans le même esprit, les Y sont en quête de modèles, d'exemples, de règlements et, surtout, de tapes dans le dos. «C'est la première génération pour qui la reconnaissance n'égale pas nécessairement l'argent, soutient Mme Brochu. Ils ont besoin d'entendre: "Oui, tu fais du bon travail." En tant que X, je prendrais 25 sous de plus sur ma paye, mais le Y, lui, préfère qu'on affirme en public qu'il a fait un bon coup.» Pour un patron, c'est un encadrement facile à offrir et qui donne des résultats positifs, autant pour lui, qui peut établir immédiatement les limites, que pour l'employé, qui comprend tout de suite comment la roue tourne.

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Le Y travaille vite pour passer à autre chose

L'immédiat, l'instantané font partie de la réalité des Y. «Ils cherchent des façons de gagner du temps, non pas pour se reposer, mais pour réduire les délais et passer plus rapidement à un autre appel», explique Mme Garceau. «On aime être dans l'action, confirme Ada, 25 ans, recherchiste et gestionnaire de communautés. Une réunion sur Skype, ça peut ne durer que 3 minutes si toutes les informations sont là, et c'est correct ainsi.»

Les multiples moyens technologiques qui leur permettent de gagner du temps font en sorte que leur horaire de travail n'est pas immuable. Le 9 à 5, 35 heures par semaine n'a pas de sens pour le Y, qui préfère de loin accomplir ses tâches dans le temps et le lieu qui lui conviennent. C'est de cette manière qu'il atteint son maximum d'efficacité. C'est ce qu'observe Jocelyn Proulx, directeur de l'information dans une station de radio. Se situant lui-même entre la génération X et les babyboomers, il remarque une très grande différence dans l'attitude de ses employés X et Y. «Les Y sont prêts à donner des heures de plus quand la situation le demande, dit-il. Ils travailleront moins la semaine d'après. C'est leur manière de voir les choses.»

Pour Zara-Emmanuelle, 30 ans, présidente d'une entreprise familiale de 50 employés, ce qui avantage la génération Y, c'est sa capacité de faire plusieurs tâches en même temps. «On regarde des chiffres, des lettres, des codes sur plusieurs écrans à la fois.» L'horaire de travail un peu flou est aussi un aspect positif du travail pour elle. «Aujourd'hui, les horaires ne sont plus coulés dans le béton. Avant, on ne pouvait plus joindre personne après 17 h. Maintenant, si mon téléphone sonne la nuit, je réponds, et ça me fait plaisir de le faire.»

Boulimiques de la vie, les Y mangent des activités, sources d'épanouissement. Pour eux, tout n'est pas lié au trio métro-boulot-dodo. Ce sont des sportifs, des artistes, des adeptes de yoga ou de plein air, ils font du bénévolat ou tiennent un blogue. Selon Mme Garceau, cette manière de redonner sa juste place au travail pourrait devenir un exemple de saine gestion du temps pour les autres générations. «Les Y ne s'enliseront pas dans une occupation qui ne les valorise pas et seront nettement plus heureux au travail que l'ont été leurs prédécesseurs», croit-elle.

Le Y donne un sens à son travail

C'est ce qui fait avancer les Y, selon Josée Garceau. «Ils sont motivés par le résultat que leur tâche pourra donner. Ils peuvent consacrer du temps à votre projet s'ils y croient et si c'est en lien avec leurs valeurs.» Ma tâche a-t-elle du sens? Ai-je du plaisir à la faire? Est-ce qu'elle sert un objectif commun? Si le Y peut répondre oui à ces questions, il aura envie de s'investir au sein de l'entreprise qui l'emploie. «Je ne serais jamais capable d'oeuvrer au sein d'une compagnie, aussi prestigieuse soit-elle, si je ne m'y sentais pas utile», dit Aurélie, 23 ans, étudiante en droit et chroniqueuse.

La manière des Y de percevoir leur travail avant tout comme une source de plaisir peut ébranler leurs aînés. Shirley Brochu est souvent estomaquée par la confiance des Y en leur avenir. «S'ils n'ont pas ce qu'ils veulent, ils partent, lance l'enseignante. Ils ne se sentent pas coincés. Ils prennent pourtant des engagements financiers de fous, mais dans leur tête, le travail est éternel. Au bout de l'arc-en-ciel, il y a une chaudière de jobs.»

Pierre-Sébastien Fournier, directeur adjoint du département de management à l'Université Laval, rappelle pour sa part que la mobilité professionnelle est beaucoup plus acceptée aujourd'hui. C'est ce qui, selon lui, explique cette propension des Y à exiger toujours davantage d'un employeur. «Je dis à mes étudiants finissants qu'ils auront plusieurs carrières dans leur vie, car le marché du travail d'aujourd'hui le permet. En 1980, un jeune de 25 ans qui sortait de l'université et qui réussissait à trouver un emploi le gardait et ne disait rien. On a beaucoup plus d'opportunités aujourd'hui.»

En se détachant sans peine des milieux de travail toxiques ou insatisfaisants, le Y serait-il en train de prouver que le travail ne mène pas forcément au burnout? «Le Y choisit ce qui lui plaît, dit Shirley Brochu. Cela fait de lui un employé qui ne se laissera pas ensevelir sous une montagne de travail sous prétexte qu'il a besoin de travailler. Il sait qu'il peut être bien ailleurs. Il a toujours une porte de sortie.» Jocelyn Proulx est du même avis. «Quand tu proposes un emploi à un Y, il tient compte de l'environnement de travail, de la qualité de vie et de tout ce qu'il y a autour du travail», explique-t-il.

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Le Y s'adapte facilement aux changements

L'adaptabilité et l'aisance avec les plateformes technologiques sont les grandes forces des Y, selon Jocelyn Proulx. «Ils s'ajustent très rapidement, sont très allumés et apprennent vite, dit-il. Quand on leur instaure un cadre de travail structuré, ils deviennent de très bons employés quasi instantanément.»

Les méthodes de travail changent à grande vitesse depuis les vingt dernières années et, selon les spécialistes, ce n'est qu'un début. «Même si je travaille dans une station de radio, je suis responsable de contenus écrits, car on se doit de devenir multiplateforme, ajoute M. Proulx. Pour le Y, tout ça est naturel et instinctif. Les avancées technologiques ne lui font pas peur.»

Dominic, 26 ans, ingénieur, croit que sa génération a moins peur du changement et de l'instabilité. «La technologie nous rend flexibles et polyvalents, ce qui aide les entreprises à survivre dans un environnement de plus en plus compétitif», précise-t-il. Tania Saba acquiesce: «La technologie signifie le progrès, et le progrès fait gagner de l'argent.» L'aisance du Y avec les nouveaux réseaux de communication est également un atout considérable. «J'ai déniché des contrats directement sur les réseaux sociaux, et on m'a déjà créé un poste sur mesure en gestion de médias sociaux parce que j'étais la seule employée à comprendre Twitter», dit Ada.

Le Y a de l'ambition... à sa façon

Si les baby-boomers ont rêvé de passer 25 ans dans la même société, de gravir les échelons et de recevoir une montre en or pour leurs loyaux services, ce modèle ne convient pas au Y. Il refuse souvent des postes de cadre dans lesquels il se sentirait moins utile et plus stressé. «Il est attiré par les promotions horizontales, c'est-à-dire un poste équivalent où il aura plus de plaisir, explique Josée Garceau. Le Y se lasse vite. Après un an à faire les mêmes tâches, il va vouloir changer de poste, pas parce qu'il n'aime pas ça, mais parce qu'il l'a déjà fait.» Selon elle, le Y a tendance à bien répondre aux exigences du poste qu'il occupe, car il évolue selon son propre désir et non pas selon une échelle hiérarchique conventionnelle.

Quand il devient patron, le Y conserve généralement ses caractéristiques. Comme il place le plaisir au premier plan et fonctionne davantage en fonction des tâches accomplies que du 9 à 5, il est souvent apprécié. Il gère de manière conviviale dans le respect de ce que chacun peut apporter. «Quand je suis devenue vice-présidente de la compagnie de mon père à 26 ans, je ne voulais pas arriver sur un tapis rouge. J'ai rencontré chacun des employés pour savoir ce qu'ils aimeraient changer dans leur travail», se rappelle Zara-Emmanuelle. Mme Garceau affirme que ce sont des patrons qui laissent le personnel gérer son temps à bon escient. «Ils ne veulent pas 40 heures coûte que coûte. Ils veulent qu'on accomplisse les tâches demandées pour qu'on puisse ensuite aller vivre notre vie!»

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Baby-boomers, X et Y au boulot!

N'ayant pas connu de grandes crises économiques ou sociales, les jeunes travailleurs Y n'ont pas l'instinct prudent de leurs prédécesseurs, la génération X. «Les X ont vécu les soubresauts économiques des années 80 et attendu avant d'avoir un poste dans leur domaine. Ils ne sont pas prêts à risquer une place si difficilement acquise, rappelle Mme Garceau. Ils travaillent mieux individuellement, car ils se sont battus seuls pour arriver à leurs fins.» Par opposition aux X et Y, les baby-boomers se valorisent par leurs accomplissements professionnels. Ils travaillent beaucoup et ne comptent pas leurs heures, contrairement aux X, qui ont choisi de prioriser la famille. «Quand vous avez un projet, le Y veut tout partager et travailler en groupe. Le X, lui, a l'impression qu'on n'a pas confiance en lui quand on commence à mettre les idées en commun, et le boomer est capable des deux, mais il veut que les gens sachent que c'est lui qui a eu la bonne idée!» résume Mme Garceau.

Un Y au pouvoir!

Pierre-Luc Dusseault, 23 ans, député fédéral de Sherbrooke depuis 2011 «Lorsqu'on devient député, on a un budget important et une équipe. Quand je suis arrivé, la majeure partie de mon équipe avait plus du double de mon âge. Il a fallu que je démontre que j'étais prêt. Notre génération a beaucoup d'aisance avec la technologie, on s'adapte rapidement et on accomplit plusieurs tâches en même temps. C'est un grand avantage quand tu as de grandes chaussures à chausser. Je crois que le fait qu'on se garde du temps pour la famille et pour soi a aussi un effet positif sur notre travail. Ce n'est pas vrai que les gens qui travaillent 12 heures par jour sont plus travaillants que nous. On gère bien notre temps pour que tout soit fait, mais que les temps libres demeurent.»

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