Psychologie
Sauriez-vous rebondir après un coup dur?
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En 1942, à Bordeaux, Boris Cyrulnik est tragiquement séparé de ses parents quand ceux-ci, des juifs russo-polonais, sont arrêtés et déportés vers un camp d'extermination. Le petit garçon, âgé d'à peine 5 ans, est sauvé par son institutrice, qui le garde chez elle pendant un an et demi avant d'être dénoncée. Boris est emmené par les soldats allemands, mais il réussit à s'échapper, évitant de justesse le même sort que ses parents. Par la suite, il sera ballotté d'institutions en familles d'accueil. «Ma seule aventure humaine était l'observation des fourmis», dira-t-il, des années plus tard, à propos de cette période de sa vie.
Boris Cyrulnik aurait pu ne jamais se remettre d'avoir connu tant de malheurs à un si jeune âge. Il y est pourtant arrivé, et de brillante façon: devenu psychiatre et neuropsychologue, il est présentement directeur d'enseignement à l'Université de Toulon, en France, en plus d'être père de deux enfants. Mais surtout, il est devenu un auteur reconnu et le premier en France à se pencher sur un concept dont il est lui-même un exemple frappant: la résilience, ou la capacité de rebondir après un coup dur.
Il faut toutefois préciser ce qu'on entend par coup dur. Cyrulnik explique qu'on ne peut parler de résilience qu'en cas de traumatisme, «c'est-à-dire quand un ou des événements nous plongent dans un état d'agonie psychique». À l'évidence, c'est le cas des enfants de la guerre ou des victimes de viol, par exemple. Mais, pour certains, des événements en apparence beaucoup moins graves, comme la perte d'un emploi ou une rupture, peuvent avoir le même impact dévastateur. Bref, l'événement en soi est moins important que l'effet qu'il a sur la personne concernée.
Dans le cas de Nathalie, 34 ans, c'est toute une série d'événements qui l'ont ébranlée. «À 27 ans, j'ai vécu ma première peine d'amour, raconte-t-elle. Durant la même période, ma meilleure amie est partie vivre à l'étranger, et ma mère est tombée malade.» Pendant plusieurs mois, la jeune femme s'est sentie «brisée de l'intérieur» et très seule. «J'avais l'impression de n'être plus tout à fait vivante», se rappelle-t-elle. Malgré cela, elle s'en est sortie. Plus vivante que jamais.
Une chaîne de plusieurs maillons
Si Nathalie a réussi à rebondir, c'est parce qu'elle a su puiser dans ses ressources intérieures. «Ma mère m'a élevée en me répétant qu'on n'est pas victime de sa vie, qu'on peut toujours faire des choix.» Avec ces paroles en mémoire et en se disant que rien n'arrive pour rien et que tout reste à espérer, Nathalie s'est relevée peu à peu et a repris sa vie en main. De plus, elle a été capable, avec le temps, de voir le côté positif de tout ce qui lui arrivait. «La maladie de ma mère m'a rapprochée d'elle, et ma rupture m'a permis de rencontrer mon nouveau conjoint!»
Force de caractère? «C'est sûr qu'il y a dans la résilience des facteurs qui relèvent du tempérament, en partie inscrit dans nos gènes, explique la psychologue Sophie Lorgeau, chargée de cours à l'Université Laval en psychologie du développement de l'enfant et des méthodes d'intervention-prévention. Il est prouvé que certains bébés naissent plus vulnérables au stress, par exemple, mais le facteur génétique, ou inné, est très loin d'expliquer seul la résilience.» De fait, les facteurs génétiques peuvent facilement être réduits à néant si un manque d'amour et d'attention ont fait entrave à notre estime de soi et à notre confiance en la vie. De même, on ne peut réduire la résilience à une seule question de volonté. «On a beau vouloir s'en sortir, si on n'a pas appris comment surmonter les épreuves, si on n'a aucun réseau de soutien, on n'y arrivera pas», signale Sophie Bond, psychologue au Centre d'étude sur le trauma de l'hôpital Louis-H. Lafontaine.Un travail parfois lent
Une famille marquée par la violence verbale a laissé des traces indélébiles sur Dominique. Cette violence, souvent reproduite dans ses relations de couple, a sérieusement érodé son estime de soi et sa foi en des jours meilleurs. Aujourd'hui, à 41 ans, elle vit heureuse avec un conjoint attentionné et deux enfants qu'elle adore. «Ce qui m'a aidée à rebondir, c'est la rencontre avec mon conjoint à 29 ans. Il était différent de tous les hommes que j'avais connus et il m'a insufflé le goût d'être enfin heureuse. C'est à ce moment que j'ai réellement commencé à travailler sur moi et à faire des projets de vie.»
Car la résilience ne signifie pas forcément que l'on rebondit immédiatement après un épisode malheureux. Cela peut prendre du temps, le temps de trouver ce facteur de résilience qui nous manquait. «La résilience n'implique pas de s'en sortir rapidement et sans séquelles, explique Boris Cyrulnik. Et puis, on ne peut jamais s'en sortir seul. On a besoin des autres, de relations significatives pour être résilient.»
Et ces relations, comme l'illustre le cas de Dominique, se présentent parfois plusieurs années après une épreuve. Celle-ci estime que ce qui lui a permis de faire la paix avec son passé, c'est d'avoir trouvé un sens à sa souffrance. «Je fais partie des Grandes Soeurs, dit-elle. J'accompagne des jeunes qui en ont besoin, je leur donne l'attention dont j'ai manqué enfant.» Donner un sens à ce qu'on a vécu compte également parmi les facteurs de résilience. On n'a qu'à penser aux familles éprouvées par la mort tragique d'un enfant, qui, pour donner du sens à ce qui n'en n'a pas, mettent sur pied une fondation.
Ni miraculeuse ni acquise
Faire preuve de résilience ne signifie pas non plus qu'on oublie. Ni qu'on ne gardera aucune séquelle. «Le traumatisme subi demeure toujours quelque part dans la mémoire, explique Boris Cyrulnik. Des événements de la vie peuvent même faire ressurgir des émotions qui y sont liées.»
Quand Marie-Claude avait 9 ans, un incendie a ravagé la maison familiale. «J'étais sous le choc, paniquée. Et j'ai été traumatisée parce que mes chats que j'adorais y sont restés, dit-elle. Ça m'a longtemps habitée, mais le fait d'en avoir beaucoup parlé, à mes amies notamment, et de me concentrer dans les sports que j'aimais, m'a aidée à passer par-dessus.» Cela dit, la jeune femme a vraiment été surprise par sa réaction quand une peur extrême l'a prise au ventre lorsqu'un nouvel incendie a brûlé une partie de son appartement, il y a deux ans. «C'était fou! J'avais le sentiment d'avoir 9 ans et de revivre cette nuit-là.»
«La résilience n'est jamais acquise, indique Sophie Lorgeau. Il ne suffit pas d'avoir été résilient une fois pour l'être toujours. La façon dont on réagit dépend aussi du contexte de notre vie actuelle - par exemple, si on vit une période où notre cercle d'amis a éclaté, il se peut qu'on ne soit pas aussi résilient face à un traumatisme.»
Sophie Bond indique également qu'on peut être résilient à une chose et non à une autre. «Un soldat peut surmonter le choc causé par la guerre, mais il pourra ne jamais s'en remettre si son amoureuse le quitte», cite en exemple la psychologue. La raison se trouve souvent dans notre histoire personnelle, qui détermine notre façon d'interpréter un événement. Par exemple, le soldat peut avoir été valorisé dans son rôle de soldat et interpréter cette période de sa vie comme héroïque et gratifiante. Mais, sensible au rejet pour diverses raisons, il vivra une séparation comme un échec, voire quelque chose de honteux. Une explication parmi tant d'autres. Boris Cyrulnik insiste: «Il n'y a pas de personnalité résiliente, seulement une série de facteurs qui contribueront à faire qu'on l'est. Et une personne qui a fait preuve de résilience n'est pas plus forte que les autres, elle a seulement eu à se battre plus fort.»Développer son potentiel de résilience
Bien sûr, on ne peut prévoir tout ce que la vie nous réserve, comme on ne peut prédire avec assurance notre réaction face à un imprévu douloureux. Par contre, on peut mettre toutes les chances de notre côté de façon à parer le mieux possible aux coups durs de l'existence. Ce faisant, on améliorera également notre qualité de vie.
Entretenir une bonne estime de soi
L'estime de soi dépend, entre autres, du regard qu'on porte sur soi. «Une personne très sensible souffrira peut-être de cette sensibilité en se disant que les difficultés ont un plus grand impact sur elle, illustre Michel Lemay, pédopsychiatre à l'Hôpital Sainte-Justine, alors qu'une autre se dira qu'elle est chanceuse, car elle ressent les joies plus intensément. D'où l'importance de développer un regard positif sur soi, mais aussi sur la vie en général.» Les compétences qu'on acquiert et les responsabilités qu'on assume nourrissent également notre estime de soi. Ainsi, on doit s'assurer que nos activités (professionnelles, par exemple) nous valorisent et nous donnent le sentiment d'être compétente. On peut multiplier les occasions d'éprouver ce sentiment en acquérant de nouvelles compétences, par exemple en suivant des cours, en participant à des ateliers, en s'éduquant grâce à des ouvrages, etc.
Donner un sens à sa vie
«Avoir des projets et des rêves favorise la résilience, affirme Alain Samson, consultant en management et auteur de La vie est injuste, et alors? Ces projets sont un peu comme une boussole, ils nous aident à garder ou à retrouver le cap quand on vit des événements "déboussolants".» Les buts, petits et grands, qu'on se fixe contribuent à nous donner le sentiment d'avoir un peu de contrôle sur notre vie. Ils lui donnent aussi, bien souvent, un sens. On doit être capable de reconnaître ce qui donne un sens à notre vie et s'assurer qu'on vit en accord avec nos valeurs et nos convictions.
Être bien entourée
À cause de notre rythme de vie effréné, on tend parfois à négliger les personnes qui nous sont chères. Pourtant, elles sont un maillon important de la résilience. C'est pourquoi il est important d'entretenir nos relations amicales, familiales, etc., et de chercher à en nouer de nouvelles quand notre réseau rétrécit. Ces relations significatives, Boris Cyrulnik les nomme «tuteurs de résilience». «Certains, comme nos amis, sont implicites, mais il y a aussi des tuteurs de résilience explicites, comme un psychologue ou un groupe de soutien», explique le spécialiste.
Nourrir sa créativité
La créativité est une expression de soi et de ce qu'on vit. C'est une façon d'extérioriser ce que, parfois, on ne peut mettre en mots ou même comprendre. On ne sait pas comment exprimer notre créativité? On n'a qu'à prendre un crayon et du papier et à se laisser aller! On peut en faire une activité régulière ou y avoir recours dans les moments difficiles. «L'écriture nous donne le sentiment de reprendre possession de ce qu'on vit», explique Boris Cyrulnik.
Cultiver son sens de l'humour
En plus de provoquer d'agréables réactions chimiques dans notre cerveau (augmentation de la dopamine, l'hormone du bonheur), «l'humour, comme l'écriture, nous aide à prendre du recul face aux événements difficiles», note Boris Cyrulnik. Il nous aide également à refuser le rôle de victime. Évidemment, on peut mettre un moment avant d'avoir de nouveau le coeur à rire après un événement pénible. Mais on peut garder la porte ouverte à l'humour, par exemple en lisant des BD, en côtoyant des gens gais... «Après ma rupture, j'ai évité tous les films dramatiques et je n'ai regardé que des comédies!» dit Nathalie.
Gérer son stress et acquérir plus de sérénité
Face à des événements dramatiques, il est bien difficile de rester calme. Toutefois, si on a développé des moyens de gérer notre stress et acquis une certaine sérénité, il nous sera plus facile de retrouver cet état. L'une des premières étapes pour y parvenir est de faire la paix avec notre passé, ce qui implique parfois de pardonner à certaines personnes. Cette démarche peut s'avérer exigeante et longue, mais elle se révélera bénéfique au bout du compte. Au jour le jour, on peut apprendre à gérer notre stress en sachant se réserver des plages de détente. «Il est important d'avoir des activités de loisir qui nous font décrocher, du travail, notamment», ajoute Suzie Bond.
Boris Cyrulnik aurait pu ne jamais se remettre d'avoir connu tant de malheurs à un si jeune âge. Il y est pourtant arrivé, et de brillante façon: devenu psychiatre et neuropsychologue, il est présentement directeur d'enseignement à l'Université de Toulon, en France, en plus d'être père de deux enfants. Mais surtout, il est devenu un auteur reconnu et le premier en France à se pencher sur un concept dont il est lui-même un exemple frappant: la résilience, ou la capacité de rebondir après un coup dur.
Il faut toutefois préciser ce qu'on entend par coup dur. Cyrulnik explique qu'on ne peut parler de résilience qu'en cas de traumatisme, «c'est-à-dire quand un ou des événements nous plongent dans un état d'agonie psychique». À l'évidence, c'est le cas des enfants de la guerre ou des victimes de viol, par exemple. Mais, pour certains, des événements en apparence beaucoup moins graves, comme la perte d'un emploi ou une rupture, peuvent avoir le même impact dévastateur. Bref, l'événement en soi est moins important que l'effet qu'il a sur la personne concernée.
Dans le cas de Nathalie, 34 ans, c'est toute une série d'événements qui l'ont ébranlée. «À 27 ans, j'ai vécu ma première peine d'amour, raconte-t-elle. Durant la même période, ma meilleure amie est partie vivre à l'étranger, et ma mère est tombée malade.» Pendant plusieurs mois, la jeune femme s'est sentie «brisée de l'intérieur» et très seule. «J'avais l'impression de n'être plus tout à fait vivante», se rappelle-t-elle. Malgré cela, elle s'en est sortie. Plus vivante que jamais.
Une chaîne de plusieurs maillons
Si Nathalie a réussi à rebondir, c'est parce qu'elle a su puiser dans ses ressources intérieures. «Ma mère m'a élevée en me répétant qu'on n'est pas victime de sa vie, qu'on peut toujours faire des choix.» Avec ces paroles en mémoire et en se disant que rien n'arrive pour rien et que tout reste à espérer, Nathalie s'est relevée peu à peu et a repris sa vie en main. De plus, elle a été capable, avec le temps, de voir le côté positif de tout ce qui lui arrivait. «La maladie de ma mère m'a rapprochée d'elle, et ma rupture m'a permis de rencontrer mon nouveau conjoint!»
Force de caractère? «C'est sûr qu'il y a dans la résilience des facteurs qui relèvent du tempérament, en partie inscrit dans nos gènes, explique la psychologue Sophie Lorgeau, chargée de cours à l'Université Laval en psychologie du développement de l'enfant et des méthodes d'intervention-prévention. Il est prouvé que certains bébés naissent plus vulnérables au stress, par exemple, mais le facteur génétique, ou inné, est très loin d'expliquer seul la résilience.» De fait, les facteurs génétiques peuvent facilement être réduits à néant si un manque d'amour et d'attention ont fait entrave à notre estime de soi et à notre confiance en la vie. De même, on ne peut réduire la résilience à une seule question de volonté. «On a beau vouloir s'en sortir, si on n'a pas appris comment surmonter les épreuves, si on n'a aucun réseau de soutien, on n'y arrivera pas», signale Sophie Bond, psychologue au Centre d'étude sur le trauma de l'hôpital Louis-H. Lafontaine.Un travail parfois lent
Une famille marquée par la violence verbale a laissé des traces indélébiles sur Dominique. Cette violence, souvent reproduite dans ses relations de couple, a sérieusement érodé son estime de soi et sa foi en des jours meilleurs. Aujourd'hui, à 41 ans, elle vit heureuse avec un conjoint attentionné et deux enfants qu'elle adore. «Ce qui m'a aidée à rebondir, c'est la rencontre avec mon conjoint à 29 ans. Il était différent de tous les hommes que j'avais connus et il m'a insufflé le goût d'être enfin heureuse. C'est à ce moment que j'ai réellement commencé à travailler sur moi et à faire des projets de vie.»
Car la résilience ne signifie pas forcément que l'on rebondit immédiatement après un épisode malheureux. Cela peut prendre du temps, le temps de trouver ce facteur de résilience qui nous manquait. «La résilience n'implique pas de s'en sortir rapidement et sans séquelles, explique Boris Cyrulnik. Et puis, on ne peut jamais s'en sortir seul. On a besoin des autres, de relations significatives pour être résilient.»
Et ces relations, comme l'illustre le cas de Dominique, se présentent parfois plusieurs années après une épreuve. Celle-ci estime que ce qui lui a permis de faire la paix avec son passé, c'est d'avoir trouvé un sens à sa souffrance. «Je fais partie des Grandes Soeurs, dit-elle. J'accompagne des jeunes qui en ont besoin, je leur donne l'attention dont j'ai manqué enfant.» Donner un sens à ce qu'on a vécu compte également parmi les facteurs de résilience. On n'a qu'à penser aux familles éprouvées par la mort tragique d'un enfant, qui, pour donner du sens à ce qui n'en n'a pas, mettent sur pied une fondation.
Ni miraculeuse ni acquise
Faire preuve de résilience ne signifie pas non plus qu'on oublie. Ni qu'on ne gardera aucune séquelle. «Le traumatisme subi demeure toujours quelque part dans la mémoire, explique Boris Cyrulnik. Des événements de la vie peuvent même faire ressurgir des émotions qui y sont liées.»
Quand Marie-Claude avait 9 ans, un incendie a ravagé la maison familiale. «J'étais sous le choc, paniquée. Et j'ai été traumatisée parce que mes chats que j'adorais y sont restés, dit-elle. Ça m'a longtemps habitée, mais le fait d'en avoir beaucoup parlé, à mes amies notamment, et de me concentrer dans les sports que j'aimais, m'a aidée à passer par-dessus.» Cela dit, la jeune femme a vraiment été surprise par sa réaction quand une peur extrême l'a prise au ventre lorsqu'un nouvel incendie a brûlé une partie de son appartement, il y a deux ans. «C'était fou! J'avais le sentiment d'avoir 9 ans et de revivre cette nuit-là.»
«La résilience n'est jamais acquise, indique Sophie Lorgeau. Il ne suffit pas d'avoir été résilient une fois pour l'être toujours. La façon dont on réagit dépend aussi du contexte de notre vie actuelle - par exemple, si on vit une période où notre cercle d'amis a éclaté, il se peut qu'on ne soit pas aussi résilient face à un traumatisme.»
Sophie Bond indique également qu'on peut être résilient à une chose et non à une autre. «Un soldat peut surmonter le choc causé par la guerre, mais il pourra ne jamais s'en remettre si son amoureuse le quitte», cite en exemple la psychologue. La raison se trouve souvent dans notre histoire personnelle, qui détermine notre façon d'interpréter un événement. Par exemple, le soldat peut avoir été valorisé dans son rôle de soldat et interpréter cette période de sa vie comme héroïque et gratifiante. Mais, sensible au rejet pour diverses raisons, il vivra une séparation comme un échec, voire quelque chose de honteux. Une explication parmi tant d'autres. Boris Cyrulnik insiste: «Il n'y a pas de personnalité résiliente, seulement une série de facteurs qui contribueront à faire qu'on l'est. Et une personne qui a fait preuve de résilience n'est pas plus forte que les autres, elle a seulement eu à se battre plus fort.»Développer son potentiel de résilience
Bien sûr, on ne peut prévoir tout ce que la vie nous réserve, comme on ne peut prédire avec assurance notre réaction face à un imprévu douloureux. Par contre, on peut mettre toutes les chances de notre côté de façon à parer le mieux possible aux coups durs de l'existence. Ce faisant, on améliorera également notre qualité de vie.
Entretenir une bonne estime de soi
L'estime de soi dépend, entre autres, du regard qu'on porte sur soi. «Une personne très sensible souffrira peut-être de cette sensibilité en se disant que les difficultés ont un plus grand impact sur elle, illustre Michel Lemay, pédopsychiatre à l'Hôpital Sainte-Justine, alors qu'une autre se dira qu'elle est chanceuse, car elle ressent les joies plus intensément. D'où l'importance de développer un regard positif sur soi, mais aussi sur la vie en général.» Les compétences qu'on acquiert et les responsabilités qu'on assume nourrissent également notre estime de soi. Ainsi, on doit s'assurer que nos activités (professionnelles, par exemple) nous valorisent et nous donnent le sentiment d'être compétente. On peut multiplier les occasions d'éprouver ce sentiment en acquérant de nouvelles compétences, par exemple en suivant des cours, en participant à des ateliers, en s'éduquant grâce à des ouvrages, etc.
Donner un sens à sa vie
«Avoir des projets et des rêves favorise la résilience, affirme Alain Samson, consultant en management et auteur de La vie est injuste, et alors? Ces projets sont un peu comme une boussole, ils nous aident à garder ou à retrouver le cap quand on vit des événements "déboussolants".» Les buts, petits et grands, qu'on se fixe contribuent à nous donner le sentiment d'avoir un peu de contrôle sur notre vie. Ils lui donnent aussi, bien souvent, un sens. On doit être capable de reconnaître ce qui donne un sens à notre vie et s'assurer qu'on vit en accord avec nos valeurs et nos convictions.
Être bien entourée
À cause de notre rythme de vie effréné, on tend parfois à négliger les personnes qui nous sont chères. Pourtant, elles sont un maillon important de la résilience. C'est pourquoi il est important d'entretenir nos relations amicales, familiales, etc., et de chercher à en nouer de nouvelles quand notre réseau rétrécit. Ces relations significatives, Boris Cyrulnik les nomme «tuteurs de résilience». «Certains, comme nos amis, sont implicites, mais il y a aussi des tuteurs de résilience explicites, comme un psychologue ou un groupe de soutien», explique le spécialiste.
Nourrir sa créativité
La créativité est une expression de soi et de ce qu'on vit. C'est une façon d'extérioriser ce que, parfois, on ne peut mettre en mots ou même comprendre. On ne sait pas comment exprimer notre créativité? On n'a qu'à prendre un crayon et du papier et à se laisser aller! On peut en faire une activité régulière ou y avoir recours dans les moments difficiles. «L'écriture nous donne le sentiment de reprendre possession de ce qu'on vit», explique Boris Cyrulnik.
Cultiver son sens de l'humour
En plus de provoquer d'agréables réactions chimiques dans notre cerveau (augmentation de la dopamine, l'hormone du bonheur), «l'humour, comme l'écriture, nous aide à prendre du recul face aux événements difficiles», note Boris Cyrulnik. Il nous aide également à refuser le rôle de victime. Évidemment, on peut mettre un moment avant d'avoir de nouveau le coeur à rire après un événement pénible. Mais on peut garder la porte ouverte à l'humour, par exemple en lisant des BD, en côtoyant des gens gais... «Après ma rupture, j'ai évité tous les films dramatiques et je n'ai regardé que des comédies!» dit Nathalie.
Gérer son stress et acquérir plus de sérénité
Face à des événements dramatiques, il est bien difficile de rester calme. Toutefois, si on a développé des moyens de gérer notre stress et acquis une certaine sérénité, il nous sera plus facile de retrouver cet état. L'une des premières étapes pour y parvenir est de faire la paix avec notre passé, ce qui implique parfois de pardonner à certaines personnes. Cette démarche peut s'avérer exigeante et longue, mais elle se révélera bénéfique au bout du compte. Au jour le jour, on peut apprendre à gérer notre stress en sachant se réserver des plages de détente. «Il est important d'avoir des activités de loisir qui nous font décrocher, du travail, notamment», ajoute Suzie Bond.