Psychologie
Prendre du temps pour soi
Photographe : iStock
La vie va vite et on peine souvent à dénicher ne serait-ce que quelques minutes rien qu’à nous pendant la journée. Pourtant, ça vaudrait drôlement le coup…
On a beaucoup de responsabilités professionnelles ou familiales, on veut répondre aux attentes et aux besoins des gens qui sont autour de nous, on a tendance à mettre beaucoup de choses à notre agenda, on est perfectionniste et on aime bien être en contrôle de tout... Mille raisons font que bon nombre d'entre nous ont du mal à trouver 10 minutes à se consacrer au quotidien. «On peut ajouter à cela la reconnaissance sociale liée au fait d'être toujours débordé, et l'idée fausse qui consiste à croire que l'on doit toujours et immédiatement répondre à toutes les sollicitations», explique le Dr Laurent Schmitt, psychiatre et auteur du livre Du temps pour soi: conquérir son temps intime (Odile Jacob, 2013).
«Aujourd'hui, plusieurs femmes essaient de répondre non pas à un mais à deux stéréotypes, estime la psychologue et coach Sylvie Boucher. Celui de la femme et mère parfaite, qui voit à tout à la maison, et celui de la femme super efficace et performante au travail. Pour parvenir à satisfaire toutes ces exigences, il faut ramer très fort! Et dans tout ça, est-ce qu'on prend le temps de se demander: "Et moi, qu'est-ce que je veux vraiment? Qu'est-ce qui me ferait réellement plaisir?" Pas suffisamment!»
Pourtant, en le faisant plus souvent et même régulièrement, on réaliserait fort probablement que le prix à payer pour répondre à tous sauf à soi-même est plus élevé qu'on pourrait le penser... Un message que l'auteur et journaliste Carl Honoré, figure de proue du mouvement Slow, martèle depuis des années: «Si on ne s'accorde pas de moments destinés exclusivement à se faire du bien, peu importe la façon, notre santé, physique et mentale, finira par écoper».
Du temps pour soi, c'est quoi au juste?
«Je pense que le luxe suprême, de nos jours, c'est d'avoir le contrôle de notre temps, de notre rythme, dit Carl Honoré. De faire ce que l'on veut, en somme, sans se sentir contraint par une personne ou une circonstance.» Prendre du temps pour soi peut s'illustrer d'autant de façons qu'il existe de plaisirs, petits et grands: faire du vélo, du yoga, lire, méditer, manger avec une amie, parler avec sa mère, aller au cinéma... «Un moment à soi, c'est un moment volé à une organisation trop serrée et qui nous amène à nous sentir bien, dit Carl Honoré. Le genre de moment qui nous accroche un sourire aux lèvres et durant lequel on a les pieds bien ancrés dans le moment présent.»
Bien souvent, notre équilibre dépend de ces moments qui n'appartiennent qu'à nous. «Et cet équilibre est propre à chaque personne, avance Sylvie Boucher. Certaines auront besoin de passer chaque jour un moment seules à ne rien faire, d'autres auront le sentiment de prendre véritablement du temps pour elles que si elles s'adonnent à une activité. Ça varie selon les gens, et ça varie aussi pour une même personne au cours de sa vie.» A-t-on atteint cet équilibre? Pour le savoir, il faut se demander: en règle générale, suis-je bien dans ma vie? Ce que je vis est-il en accord avec mes valeurs? Peut-être réalisera-t-on, par exemple, qu'on ne voit pas nos amis aussi souvent qu'on le voudrait, qu'on travaille un peu trop et qu'on aurait besoin de relaxer plus souvent, qu'on délaisse depuis trop longtemps le plaisir d'aller bouquiner dans les librairies. «Une chose est sûre: se dire qu'on va prendre du temps pour soi en suivant un cours de yoga parce que "tout le monde" s'y adonne alors qu'on n'aime pas ça, ce n'est pas prendre du temps pour soi», précise la psychologue.
Pourquoi les femmes font-elles souvent passer les besoins des autres avant les leurs?
«Parce qu'on leur a si longtemps répété que c'est ce qu'elles devaient faire, rappelle Laurent Schmitt. À une époque, les femmes étaient chargées de s'occuper des affaires de la maison, des enfants, mais aussi de tous ceux qui pouvaient en avoir besoin. Les hommes étaient absents parce qu'ils travaillaient à l'extérieur, et les ressources externes, inexistantes ou presque.» Sans compter bien sûr les nombreuses années de judéochristianisme, durant lesquelles les femmes étaient tenues à la discrétion et à la bienveillance silencieuse. «Cette culture est pratiquement inscrite dans nos gènes, dit Sylvie Boucher. Il est extrêmement difficile de s'en départir. Mais les choses évoluent. Le rôle des femmes et des hommes change, se redéfinit.» Et ce changement s'effectue sur plusieurs générations. D'où l'importance pour les femmes et les hommes de prendre conscience des exemples qu'ils représentent pour leurs enfants et de montrer à ceux-ci que, pour pouvoir donner le meilleur de soi, on doit d'abord cultiver son propre bonheur.
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