Psychologie

Le TDAH à l'âge adulte

Le TDAH à l'âge adulte

Marie-Eve Tremblay/Colagene.com Photographe : Marie-Eve Tremblay/Colagene.com Auteur : Coup de Pouce

Notre journaliste avait toujours attribué sa désorganisation, ses retards ou ses oublis à un trait de caractère. Elle a finalement découvert qu'elle souffrait d'un TDAH.

Soir d'été. L'heure du souper approche à grands pas, et je constate que le filet de porc cuisiné avec amour hier soir... cuit encore sur la grille du barbecue. La masse noire, informe et calcinée que je découvre sur la grille n'a plus rien d'une pièce de viande.

Des anecdotes de la sorte, j'en ai des tonnes: laisser mes clés sur le toit de l'auto, faire déborder l'évier parce que j'ai oublié de fermer le robinet, entrer en collision avec l'auto stationnée derrière la mienne, alouette! Souvent loufoques, ces situations ont parfois des conséquences fâcheuses. Ainsi, il m'est arrivé de recevoir un constat d'infraction de plus de 500 $ pour avoir oublié de renouveler mon permis de conduire. Il m'est aussi arrivé de remercier ma bonne étoile en constatant que j'avais oublié d'attacher ma fille de huit mois dans son siège d'auto...

J'ai toujours pensé que mon côté lunatique, mes retards chroniques et ma désorganisation n'étaient qu'un mauvais pli dont je finirais par me défaire avec la sagesse et l'expérience. Quand ma deuxième fille est née et que j'étais seule avec les enfants, je me transformais en «poule sans tête». Je commençais plusieurs tâches à la fois que je n'arrivais pas à terminer et j'avais de la difficulté à m'organiser. Planifier et préparer les repas de la semaine était un véritable casse-tête. Puis, un jour, dans le bureau du médecin, j'ai craqué. Le diagnostic est tombé peu de temps après: trouble du déficit de l'attention sans hyperactivité.

Environ 4 % de la population adulte serait atteinte d'un TDAH, un trouble neurologique, souvent génétique, qui se manifeste dès l'enfance (inattention, hyperactivité ou impulsivité) et qui, dans la majorité des cas, demeure à l'âge adulte. «Certains ignorent qu'ils ont un déficit, parce qu'ils ont réussi à compenser toute leur vie, explique la psychiatre spécialisée en TDAH Annick Vincent. Puis, ils arrivent à 30, 40 ans, épuisés, désormais incapables de mettre les bouchées doubles comme ils le faisaient autrefois pour compléter ce qu'ils avaient à faire.»

Enseignante et maman de deux enfants atteints d'un TDAH, Julie a reçu le même diagnostic que ses enfants il y a deux ans. Loin de la surprendre, l'annonce l'a soulagée. «Avant, je comprenais mal pourquoi j'excellais dans certains domaines de ma vie alors que j'avais de la difficulté à payer mes factures à temps, se rappelle-t-elle. Mon estime de moi en était très affectée. Mon diagnostic m'a permis de comprendre que ce n'est pas parce que je n'étais "pas bonne". J'ai aussi mis divers trucs et routines en place pour m'aider à respecter les délais qu'on m'impose, à ne pas perdre mes clés, etc.»

«Le TDAH est surtout un déficit de modulation de l'attention, explique la Dre Annick Vincent. Les gens qui en souffrent ont de la difficulté à maintenir une attention et un intérêt soutenus. Ils décrochent plus vite que la population en général. Comme si leur cerveau était un sprinter qui doit courir des marathons. Pour réussir, ils doivent découper la tâche en petits sprints entrecoupés de pauses.»

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À bien des égards, les défis de l'adulte souffrant d'un TDAH ressemblent à ceux d'un enfant. La routine en est un bon exemple. «Comme l'enfant atteint d'un TDAH, l'adulte doit voir à la planification et à l'organisation de sa matinée, afin d'arriver à l'heure au travail sans rien oublier, à la différence que l'adulte parent doit aussi organiser la matinée de ses enfants!» explique la Dre Annick Vincent. Son état entraîne également des difficultés au travail et peut affecter les relations avec les autres. «La personne est parfois vue comme centrée sur elle-même, peu fiable», explique la spécialiste.

Apprendre qu'on a un TDAH nous permet de comprendre beaucoup de choses à notre sujet. Pour ma part, j'ai arrêté de me sentir incompétente et j'ai cessé de nager à contre-courant pour tenter de rentrer dans un moule qui ne me convenait pas. Comme si j'avais enfin trouvé mon mode d'emploi, je me concentre désormais sur des stratégies qui m'aident à pallier mon «défaut de fabrication».

Pour ces mêmes raisons, Julie accepte régulièrement de parler dans les médias de son déficit et des trucs qui l'aident au quotidien. Elle espère du même coup faire tomber les préjugés autour de ce trouble encore tabou. Puisque le débat au sujet du TDAH se limite souvent à la question de la médication ou tourne autour de mythes («C'est une maladie inventée par les pharmaceutiques!») ou d'idées préconçues («Ça arrive à tout le monde d'être dans la lune!»). Néanmoins, grâce au travail de spécialistes comme la psychiatre Annick Vincent, à des séries comme TDAH, mon amour et aux témoignages de personnalités comme Philippe Laprise, j'ai l'impression qu'on s'en va, lentement, dans la bonne direction. Après la campagne Les visages de la dépression sur les réseaux sociaux, à quand celle sur Les visages du TDAH?

Catherine est journaliste indépendante, maman de deux poussinettes de sept et quatre ans et demi, et étudiante à la maîtrise. Encore aujourd'hui, il lui arrive d'oublier ses clés ou de payer une facture en retard...

 

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