Travail

Moi d'abord, le boulot ensuite!

Moi d'abord, le boulot ensuite!

? iStockphoto.com Photographe : ? iStockphoto.com Auteur : Coup de Pouce

C'est justement ce qu'a fait Julie. À l'aube de ses 40 ans, cette mère de famille a décidé de recadrer sa vie. Avec un père mourant, des enfants aux besoins particuliers et un emploi d'enseignante à temps plein, elle a revu ses priorités en misant sur sa famille et sa santé. «Je n'en pouvais plus d'être toujours à la course et de ne pas avoir le temps d'apprécier les petits bonheurs de la vie. J'ai pris la décision de ne travailler que trois jours par semaine, et ce, dans une école plus près de la maison», raconte-t-elle, en précisant qu'elle a dû réduire certaines dépenses pour y arriver. «Maintenant, je m'alimente mieux, je prends soin de moi et de mes proches et je me garde un peu de temps pour l'écriture.»

Travailler moins pour vivre mieux!
Comme Julie, de plus en plus de femmes choisissent le travail à mi-temps. L'Institut de la statistique du Québec indique que le travail à temps partiel a augmenté de 33 % entre 2000 et 2010 et qu'il est volontaire dans 77 % des cas. Les deux tiers des salariés à temps partiel sont des femmes, et la moitié d'entre elles ont fait ce choix pour prendre soin de leurs enfants.

C'est le cas de Maryse, une préposée aux bénéficiaires de 46 ans. «J'ai toujours refusé de travailler à temps plein tant que mes enfants n'étaient pas à l'école. Je me suis privée de voyages et de luxe, ce qui a provoqué des conflits avec mon conjoint. Mais je ne l'ai jamais regretté. Passer du temps avec mes enfants a toujours été ma priorité.»

Toutefois, travailler moins pour être davantage avec nos enfants, prendre une retraite progressive, démarrer une petite entreprise ou retourner aux études, cela se planifie. Avant de faire le saut, Hélène Thériault, conseillère en finances personnelles à la Caisse Desjardins de Montréal-Nord, recommande de dresser un bilan de notre situation financière, de faire un budget et de réduire les dépenses superflues. L'objectif? Savoir où on en est pour réussir à dégager un montant mensuel qui compensera notre baisse salariale. «Si on est propriétaire d'une maison, par exemple, on peut envisager un refinancement hypothécaire qui intégrerait nos dettes personnelles, question de réduire le nombre et les montants des paiements mensuels tout en payant ultimement moins d'intérêts.»

Si on désire travailler à temps partiel pour vivre une retraite progressive, il faut bien faire nos devoirs, conseille Hélène Thériault: «Le régime de notre employeur calcule-t-il notre future rente en se basant sur le salaire moyen de nos meilleures ou de nos dernières années? Parce que s'il ne prend en compte que nos dernières années, notre revenu à la retraite risque d'être revu à la baisse.»

 

 

Plus de flexibilité pour moins de stress
Pour redonner un peu de souplesse à notre vie, le télétravail est une solution de plus en plus populaire auprès des entreprises. En effet, plus de 16 % des entreprises québécoises offrent à leurs employés le télétravail à plein temps ou à temps partiel (une ou deux journées par semaine), selon un récent sondage de BMO Banque de Montréal. «J'apprécie tellement ma journée de travail à la maison, lance Caroline, 38 ans, agente en communication pour une grande firme. J'en profite pour rédiger puisque je suis moins interrompue par le téléphone, les réunions ou les conversations avec mes collègues. Je peux aussi me dégourdir en faisant un peu de lavage. C'est très pratique!»

L'horaire flexible ou comprimé est aussi une bonne façon de concilier travail et vie personnelle sans réduire nos revenus, selon Catherine Rousseau, directrice du programme de gestion des talents au Mouvement Desjardins. «Avec l'horaire flexible, on peut quitter le boulot à 14 h pour un rendez-vous chez le dentiste et reprendre les heures manquées le lendemain. On peut également comprimer nos heures de travail et faire quatre journées de dix heures pour avoir une journée de congé», suggère-t-elle.
Le travail à temps partiel, l'horaire flexible, le télétravail, c'est bien, mais comment présenter notre demande au patron et le convaincre que ce sera avantageux pour l'entreprise? «Il faut tenir compte du type de poste qu'on occupe et des besoins de l'employeur, explique Catherine Rousseau. Une employée performante et dédiée à son travail aura plus de chances de voir sa demande acceptée que celle qui est démotivée ou qui occupe un poste en lien avec la clientèle pendant les heures d'ouverture. Le défi réside dans notre capacité à négocier une entente gagnant-gagnant», admet-elle, en précisant que les entreprises doivent de plus en plus penser à la conciliation travail-famille dans leurs stratégies de recrutement, car la nouvelle génération priorise sa vie personnelle.

Devenir notre propre patronne
On veut gérer notre horaire, éviter la circulation aux heures de pointe, avoir un meilleur contrôle de nos temps libres, échapper aux interruptions quotidiennes du bureau et ne travailler que dans les périodes où on est productive? On se tourne alors vers le travail autonome, comme près de 14 % des travailleurs du Québec, selon le dernier recensement de Statistique Canada, en 2011.

«En étant travailleuse autonome, je garde ma meilleure énergie pour moi, pour ce qui compte vraiment dans ma vie, confie Judith Lussier, journaliste indépendante et coauteure du Petit manuel du travail autonome. Comme je suis plus productive le matin, je me consacre à mes projets personnels dès mon réveil, pour ensuite réaliser mes contrats jusqu'à 15 h, le moment où je vais m'entraîner. J'adore cette liberté qui me permet de faire du ski un mardi et de reprendre ma journée de travail le samedi.»

Contrairement au travail à temps partiel, le travail autonome permet de faire certaines économies sur notre revenu imposable, l'habillement et le transport. Mais cette voie ne convient pas à tout le monde. A-t-on un petit côté entrepreneur? Ou a-t-on besoin d'une sécurité financière, d'encadrement, de collègues? Le travail autonome peut sembler idyllique, mais il comporte son lot de difficultés: solitude, absence de sentiment d'appartenance à une équipe, travail envahissant les soirs et les fins de semaine, risque d'être plus facilement dérangée, accès au crédit plus limité, etc.

Même quand on a le profil, se lancer dans cette aventure peut donner le vertige. «L'idéal, c'est d'y aller progressivement, recommande Judith Lussier. On peut demander à notre employeur de travailler quatre jours par semaine et se garder une journée pour prendre quelques contrats. Plus on obtient de contrats, moins on consacre de temps à notre travail salarié, jusqu'au jour où il nous faut prendre une décision et nous lancer», explique-t-elle, en recommandant de ne pas s'engager tout de suite dans des dépenses trop importantes (imprimante, photocopieur, appareil photo).

Une vie, plusieurs métiers
D'autres, les slashers, choisissent de cumuler les métiers. Salariés ou non, ils s'investissent dans des boulots très différents pour vivre de leurs passions. On les surnomme slashers en raison de la barre oblique (slash) qui sépare les métiers sur leur carte professionnelle: informaticien/instructeur en natation/musicien. Longtemps associés aux artistes qui additionnaient les petits emplois en attendant que leur vraie carrière décolle, les slashers se multiplient chez les trentenaires qui ne veulent plus attendre la retraite pour réaliser leurs rêves.

Pour un slasher, deux semaines de vacances par année, ce n'est pas suffisant pour s'adonner à une activité passionnante comme la plongée sous-marine, par exemple. Supposons qu'il a une formation en éducation, il choisira d'être instructeur de plongée l'été et d'enseigner à l'école l'hiver. «Les slashers ont décidé de se choisir et de trouver des métiers qui répondent à leurs besoins, explique Andrée Martineau, consultante et spécialiste en gestion de carrière. De cette façon, ils se construisent une vie professionnelle riche et équilibrée. Ils contribueront certainement à transformer le monde du travail au cours des prochaines années.»

Caroline, 40 ans, est enseignante au primaire depuis plus de 15 ans. Elle n'a jamais pu se résoudre à choisir entre son métier de guide touristique de croisière et celui d'enseignante. «J'aime les deux et je ne me passerais ni de l'un ni de l'autre. J'aime la stabilité d'emploi et le contact avec les enfants de mon travail d'enseignante autant que la découverte et l'esprit festif des croisières.»

Même son de cloche pour Nadine, 35 ans. Auteure/journaliste/gestionnaire de médias sociaux/blogueuse, cette slasher cumule les métiers pour vivre sa vie comme elle l'a toujours imaginée. «Je me plais à ne jamais faire la même chose. J'ai toujours été comme ça. J'aime être stimulée, vivre de nouvelles aventures et faire plein de choses en même temps!»

Un bémol, cependant. La barre oblique ne convient pas à toutes les professions. Il faut avouer que certains métiers comme l'enseignement et les professions artistiques s'y prêtent plus facilement. Et à cumuler différents métiers, on risque de ne jamais s'investir à fond dans une carrière, de stagner professionnellement et de voir nos vacances se réduire comme peau de chagrin. Après tout, on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre!

Changer d'emploi, pourquoi pas?
L'épuisement professionnel, la dépression ou le congé de maternité peuvent être des déclencheurs qui nous incitent à donner la priorité à notre vie personnelle et à changer d'emploi. Solène a travaillé huit ans comme intervenante et directrice d'un organisme communautaire avant d'avoir son premier enfant. «J'adorais mon emploi. Mais quand j'ai eu mon bébé dans les bras, j'ai su tout de suite que je ne reviendrais pas en poste. Je ne savais pas ce que je voulais, mais je savais ce que je ne voulais plus. Je ne voulais plus faire de gestion, ni travailler de 9 h à 17 h ou exécuter quelque chose de répétitif.»

Après son congé de maternité, la vie l'a amenée à enseigner en éducation spécialisée dans un cégep, un emploi aux horaires souples qui lui permet d'écrire des livres et de prendre d'autres petits contrats. «À 45 ans, je peux dire que j'adore cumuler des métiers différents. Je ne reviendrais plus en arrière!»

Donner la priorité à notre vie personnelle, c'est aussi suivre notre amoureux dans une nouvelle ville ou déménager pour se rapprocher de notre famille. C'est ce qu'ont fait Anne-Marie et Jean-François, il y a sept ans. Après avoir vécu à l'étranger et habité en banlieue de Montréal pendant des années, ils ont décidé de revenir à Trois-Rivières, leur ville natale. «On est partis sans avoir d'emploi qui nous attendait. Une fois sur place, j'ai vite trouvé un travail dans mon domaine, mais Jean-François a fait le trajet Montréal/Trois-Rivières pendant trois ans avant de se dénicher un emploi intéressant.» Cela valait la peine? «Tout à fait! On travaille maintenant à 4 km de la maison! À 17 h 30, le souper en famille est terminé et on peut se consacrer à nos activités. Si un enfant est malade, ma mère peut venir le garder. Jamais on n'aurait eu une telle qualité de vie en banlieue!»

Adapter notre travail à notre vie personnelle peut devenir le projet d'une vie, mais, comme le dit si bien Serge Marquis, médecin, auteur et conférencier spécialisé en gestion du stress, la plus grande question qu'un être humain doit se poser est: «De quelle manière je veux utiliser le temps qui m'est imparti?» «La question n'est pas de moi, avoue-t-il en riant, mais du magicien Gandalf, dans Le Seigneur des anneaux

 

Les gros cailloux d'abord!
Voici une histoire qui illustre bien l'importance de mettre nos valeurs en priorité.

«J'ai un jour suivi un séminaire et l'organisateur faisait un topo sur le temps. Il a proposé un exercice et sorti de sous la table un grand bocal qu'il a posé à côté d'un plateau sur lequel se trouvaient des pierres de la taille d'un poing.

- Combien de pierres pensez-vous qu'on puisse mettre dans ce bocal? a-t-il demandé.

«Après que nous ayons chacun émis une supposition, il a mis une pierre dans le bocal... puis une autre... puis une autre. Je ne me souviens pas combien, mais il a rempli le bocal et demandé s'il était plein.

«Il s'est penché et a sorti de sous la table un seau de gravier. Il a versé le gravier et secoué le bocal. Et le gravier a rempli les interstices entre les pierres. Il a souri ironiquement et demandé à nouveau si le bocal était plein. Nous étions prêts et nous avons répondu qu'il ne l'était probablement pas.

«Et il a sorti de sous la table un seau de sable. Il a versé le sable, qui a rempli tous les petits interstices entre les pierres et le gravier. À nouveau, il a posé la même question.

- Non! avons-nous crié en choeur.
«Alors, il s'est saisi d'un seau d'eau. Il a réussi à en verser près d'un litre dans ce fichu bocal et nous a demandé quelle conclusion nous pouvions en tirer.

«Quelqu'un a dit:
- Eh bien, il y a toujours des interstices, et en s'appliquant, on peut toujours faire entrer plus de choses dans sa vie.
- Non, a-t-il dit, ce n'est pas ça. La conclusion qu'on doit en tirer, c'est que si on n'avait pas mis les grosses pierres en premier, on n'aurait pas pu en faire tenir une seule.»

Tiré de Priorité aux priorités, par Stephen R. Covey, A. Roger Merrill et Rebecca R. Merrill, J'ai lu, 2010, 541 p., 16,95 $.

Prioriser notre vie: mode d'emploi
S'arrêter pour renouer avec nos valeurs. Quand on travaille, on est comme un hamster dans sa roulette. On court sans savoir ce qu'est notre vie ni où on va. On comble ainsi certains besoins, mais on ne se questionne pas pour savoir s'ils sont importants ou essentiels. Alors, pourquoi ne pas profiter d'un congé pour s'offrir un temps d'arrêt et se reconnecter à nos valeurs les plus profondes?

Dresser un bilan. Munie d'un papier et d'un crayon, on répond à la question: «Qu'est-ce que je désire dans ma vie?» Faire de la plongée sous-marine? L'émerveillement est donc une valeur importante pour nous. Accorder plus de temps à nos enfants? On renoue avec les valeurs que sont l'amour, le partage, la communication, la transmission. Écrire un livre? La créativité. Pratiquer un sport? La santé. Ouvrir un restaurant? La créativité, le désir de servir. Ensuite, on identifie ce qui nous empêche de réaliser ce qu'on veut vraiment et de savourer pleinement notre vie.

Reconnaître nos limites et faire des choix. On met certaines choses de côté pour laisser de la place à l'essentiel. On ne peut pas tout faire, tout être et tout avoir. Comment peut-on organiser notre budget à court, moyen et long terme pour travailler moins ou changer d'emploi? Et si on rencontrait un conseiller en finances personnelles pour évaluer nos possibilités? Y a-t-il des choses qu'on peut laisser aller pour libérer du temps ou de l'argent? Cesser de regarder la télé pour écrire un livre, par exemple. Ou vendre le chalet ou la deuxième voiture pour pouvoir travailler à temps partiel.

Pour aller plus loin

Pensouillard le hamster: petit traité de décroissance personnelle, par Serge Marquis, Transcontinental, 2011, 184 p., 22,95 $.

Petit Manuel du travail autonome: conseils et témoignages, par Judith Lussier et Martine Letarte, Les Éditions La Presse, 2013, 22,95 $.

Le Guide du travailleur autonome: pour faire carrière chez soi, par Jean-Benoît Nadeau, Québec Amérique, 2007, 312 p., 22,95 $.

Je veux changer de job!, par Yves Deloison, Hachette, 2011, 224 p., 13,95 $.

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